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Raoul et l’esprit du socialisme du XXIe siècle

J'ai reçu des nouvelles de mon vieil ami Raoul, instituteur ainsi que sa compagne Éliane, aujourd'hui tous les deux à la retraite. Il m'informe de ce qui leur tombe sur le paletot ; eux qui ont cotisé en toute confiance au régime de retraite complémentaire UMR pendant toute leur carrière.

Le Président de l’UMR qui convoque une Assemblée générale extraordinaire commence par leur annoncer « l’allongement continu de l’espérance de vie, ce qui est une bonne chose pour chacun d’entre nous. »

Cela les a rendus fort joyeux, car à mesure que leur vie s’allonge, il peuvent espérer la voir s’allonger encore davantage puisque le phénomène est continu.

C’est un peu l’histoire d’Achille dont la flèche n’atteindra jamais la tortue : la mort ( vous savez bien ! ce que les Anciens disaient des heures, les flèches du temps : omnes vulnerant ultima necat, elles blessent toutes, la dernière tue) ne les atteindra pas, la vie éternelle qui leur est promise ne fait plus aucun doute. Ce qui est une bonne chose pour chacun d’entre nous.

Oui mais dans quelles conditions ? Puisque voilà-t-y pas que « mais notre pays subit aujourd’hui les effets d’une conjoncture dégradée qui bouleverse le modèle économique de tous les assureurs de long terme. »

La mine de mes amis a commencé à s’allonger, comme leur espérance de vie, surtout que « comme pour tous les régimes de retraite les années à venir sont celles de profondes restructurations du fait de l’allongement de l’espérance de vie . »

Éliane interrompt Raoul qui poursuit sa lecture à haute voix : - On dirait de la langue de bois.

« Il est impératif d’agir pour garantir l’équité et la solidarité entre nos sociétaires. »

 Dis donc : tu crois pas que ce sont nos copains socialistes qui gèrent l’UMR ?

Puis le document devient plus technique et atteint même ensuite les hautes sphères de l’économie, celle de M. Emmanuel Macron.

«  Nous faisons également face, depuis cet été, à l’accélération surprise de la baisse des taux d’intérêt, à des niveaux jamais atteints. »

Et comme ce n’est pas suffisant, un peu de prospective ne fait pas de mal :

«  Enfin , s’appliqueront à partir de 2016 les règles européennes dites Solvabilité 2. Elles nous imposeront des contraintes nouvelles. »

 Mais tu vois bien, ils n’y peuvent rien et ils font leur maximum. C’est l’Europe qui le veut.

 Finalement, que veulent-ils, eux, nos socialistes mutualistes ?

«  Les objectifs de rendement de nos régimes ne peuvent plus être maintenus en l’état ... »

 Aïe, aïe, aïe !

«  ... sauf à prendre des risques sur les marchés financiers. Nous nous y refusons. »

 Alors là, c’est grand genre !

 J’abrège.

« Il sera proposé à l’Assemblée générale du 18 novembre de prendre les mesures difficiles qui s’imposent, à effet du 1er janvier 2015 »

 Tiens, on passe du « nous » à l’impersonnel « il sera » ; mais tu ne trouves pas que « les mesures difficiles  », c’est un peu du style « il faudra beaucoup de courage » ?

«  ... baisse des engagements, c’est-à-dire diminution des rentes en cours de versement et en attente de liquidation »

 Il est dit plus loin que chacun verra sa rente diminuer d’un tiers rien que ça ! Si tu touchais environ 98 euros par mois, la baisse est estimée à 30 à 35 euros. et puis attends :

« ... augmentation de la valeur d’acquisition du point »

 Donc les cotisants payeront plus cher, pour percevoir à la fin comme nous un tiers en moins.

 Et on retrouve l’espérance de vie, puisqu’il s’agit de

«  porter l’âge de référence pour bénéficier d’une rente à taux plein de 60 à 62 ans  »

« ... mesures indispensables pour sauvegarder les régimes et aussi sécuriser vos droits »

- Quand je te le disais que ce sont des socialistes. Ils nous mettent à poil, en nous laissant notre slip et sécurisent ainsi notre habillement dans l’équité et la solidarité.

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On ne mesure pas la puissance d’une idéologie aux seules réponses qu’elle est capable de donner, mais aussi aux questions qu’elle parvient à étouffer.

Günter Anders
L’Obsolescence de l’homme (1956)

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