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Quinze jours avec Donald Trump, et ce que j’ai appris (car le reste, je le connaissais déjà)

Décidément, le charlatanisme assumé des journalistes ne finira jamais de m’étonner. Hier encore, les médias nous expliquaient que Clinton allait gagner – et même largement. Aujourd’hui, les mêmes nous expliquent pourquoi Trump a gagné. En 24h, ils ont compris ce qu’ils n’avaient pas compris pendant un an. Trop forts.

Quant à moi, au début des primaires aux Etats-Unis, j’avais fait un pari. A l’époque, on ne savait pas encore qui seraient les candidats respectifs du Parti Démocrate et du Parti Républicain, mais une chose me paraissait certaine, et c’est ceci : Hillary Clinton n’allait pas être élue. J’ai bien-sûr gagné mon pari et j’en suis encore à digérer un couscous royal arrosé d’un pichet de côte du Rhône offert par mon malheureux challenger (j’ai les victoires modestes).

Cela dit, je viens de passer quinze jours en compagnie de Donald Trump, de ses sympathisants, de ses conseillers. Tous les soirs, aussitôt rentré du travail et jusqu’à des heures déraisonnables, je m’attablais à la tâche ingrate que je m’étais fixée : connaître Donald Trump et, surtout, les gens qui sont derrière lui. J’ai donc patiemment écouté ses discours (quelques-uns suffisent car il répétait peu ou prou souvent la même chose) ; j’ai écouté bon nombre de ses conseillers et/ou proches ; j’ai longuement consulté et suivi les sites qui le soutenaient. Pendant quinze jours, donc, j’ai bouffé du Trump à toutes les sauces. Voici un rapide compte-rendu de mes impressions.

Au risque de vous décevoir, j’ai acquis l’intime conviction que Donald Trump n’est pas le Che Guevara de l’immobilier de luxe, mais bien un mec de droite. Sa politique sera donc, en toute logique, très probablement une politique de droite. Je dis « très probablement » car l’expérience montre que les politiciens de droite ont tendance à appliquer des politiques de droite – alors que les politiciens « de gauche », eux, se contentent de trahir leurs promesses (et par la même occasion de critiquer sévèrement ceux qui, ailleurs, les tiennent).

Au risque de vous surprendre, les « cerveaux » du camp Trump (conseillers, journalistes) ne sont pas particulièrement extrémistes dans leurs propos – si on les replace dans le contexte US qui n’est pas un havre de progressisme. Si la forme est parfois plus « rugueuse » que les versions polies (du verbe « polir ») communément servies dans les milieux de l’élite établie, le fond est empreint d’un bon sens et d’une logique qui semble cruellement faire défaut depuis quelque temps dans ce pays. C’est vrai, ils détestent « la gauche ». Mais lorsque « la gauche » est représentée chez eux par des Hillary Clinton et consorts (il s’agit des Etats-Unis), qui d’entre nous ne la détesterait pas, cette gauche-là ?

Alors que les médias (français et US) se contentent de nous les présenter simplement comme des « réactionnaires » et des « xénophobes », on constate qu’en réalité leur argumentaire est plus développé qu’il n’y paraît (et très certainement moins réac et xénophobe qu’on ne le dit). Exemple : « Mme Clinton prétend défendre la cause des femmes alors qu’elle a renvoyé les femmes Libyennes à l’âge de pierre ». Autre exemple « On reproche à M. Trump des propos tenus il y a dix ans dans un contexte privé et particulier, alors que Mme Clinton s’affiche avec des rappeurs dont je ne pourrais pas répéter les paroles de leurs chansons sans être censuré ».

Par ailleurs, les critiques sur la politique étrangère des Etats-Unis étaient omniprésentes. Curieusement, alors que le camp Trump est présenté comme le camp « agressif » et « guerrier », je n’ai personnellement entendu et lu que le contraire : des critiques très sévères contre les guerres « pour le pétrole », « basées sur des mensonges », « qui ont coûté des centaines de milliers de vies », etc. avec des rappels fréquents de la fameuse déclaration de Madeleine Allbright (sur les 500 000 enfants irakiens morts qui en « valaient le prix »).

J’ai entendu par ailleurs des rappels incessants à la nécessité de revenir à la diplomatie (ferme, certes, mais diplomatie quand même) et de mettre fin au bellicisme tous azimuts des administrations précédentes (notez le pluriel).

J’ai entendu et lu « la folie de Mme Clinton, rongée par sa Russophobie, qui veut nous entraîner dans une guerre nucléaire ».

Autre critique qui revenait souvent : le double-jeu de l’élite établie qui entretient des relations cordiales avec les régimes qui financent le terrorisme... (Arabie Saoudite et Qatar, souvent et nommément cités). Parmi les révélations de Wikileaks qui ont été largement relayées par le camp Trump – accompagnées d’accusations de « trahison », ni plus, ni moins - est l’aveu implicite de Clinton dans un email de 2012 que l’Arabie Saoudite et le Qatar finançaient bien les réseaux terroristes.

Les critiques n’étaient pas limitées au Parti Démocrate. En effet, presque systématiquement, lorsque la critique ne visait pas spécifiquement une action ou un trait du Parti Démocrate, il était rappelé que la critique visait aussi « Le Parti Républicain » en tant que parti représentant de l’élite. Bonne nouvelle : Bush et les néoconservateurs étaient systématiquement traînés dans la boue (en compagnie d’Obama).

Bernie Sanders : certes, M. Sanders était un socialiste égaré, mais il était intègre, honnête, et comprenait comment marchait le système. Et Hillary et le Parti Démocrate lui ont volé sa nomination à la candidature (probablement des appels du pied aux partisans de Sanders...)

Les louanges envers Wikileaks n’ont pas manqué. Certes, là encore, il s’agit probablement d’opportunisme, mais c’est déjà ça. L’image gravée dans l’esprit du public n’est peut-être plus celle d’une « organisation criminelle » et plus proche de celle de « guerriers de l’information ». En tous cas, on était loin du discours de Clinton qui voulait « droner » Julian Assange. J’espère de tout cœur que le nouveau président des Etats-Unis s’en souviendra et fera le geste qui permettra à Assange d’être libre...

En ce qui concerne les fuites, savamment diffusées par Wikileaks, on notera aussi que dès le début, l’entourage de Trump a rejeté les accusations contre la Russie et, fait moins connu, a insisté que les fuites provenaient, selon eux, des cercles internes du pouvoir (police et services secrets), lassés par le niveau de corruption constaté. Il se pourrait que ce ne soit qu’un argument pour saper un peu plus la crédibilité de Clinton, mais mon impression est qu’ils étaient dans le vrai.

Élément intéressant (et trouvé par hasard) : Donald Trump ne croit pas à la version officielle des attentats du 11 septembre (Interview en anglais : https://www.youtube.com/watch?v=cSSwXvsEX_c )

Lors de ma plongée dans le monde de Trump, j’ai évidemment croisé Hillary Clinton. Au bout de quelques jours, je me suis rendu compte à quel point son discours me paraissait plus extrémiste et déconnecté de la réalité que celui du camp Trump. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’en termes du contenu du discours, des idées véhiculées, Clinton était nettement plus dangereuse que Trump. Trump s’exprimait comme Trump, c’est-à-dire comme un businessman à succès, une célébrité, qui a bien côtoyé le monde politique mais sans plus d’attaches ou de relations que celles « dues à son rang ». Je n’ai pas trouvé trace du Ku-Klux-Klan et j’ai entendu quelques (rares) allusions à l’extrême-droite (les suprémacistes, notamment) en termes très peu flatteurs.

Au final, j’ai trouvé la campagne (au sens large) de Trump extrêmement faible dans son argumentaire « intérieur » (politique sociale, droits, libertés) mais extrêmement efficace dans sa dénonciation des dérives extérieures, des mensonges successifs, des double-jeux, des dangers posés par la politique extérieure des Etats-Unis (et donc par Clinton). Un véritable feu d’artifice que je n’aurais pas renié, et qui fut diffusé à l’échelle du pays et – fait très rare et exceptionnel - par de hautes personnalités auprès d’un public probablement peu habitué à de tels discours. Sur ce point précis, il me semble qu’il ne faut pas sous-estimer les effets à terme d’un tel déballage de « vérités désagréables à entendre sur la politique extérieure des Etats-Unis » (et malgré la censure des médias US). C’est déjà ça... et c’est pas mal.

Alors, qui est Donald Trump ? Il m’a donné l’impression d’être un de ces « bons chrétiens conservateurs » (un peu d’ironie, là) qui a fini par s’exaspérer d’une classe parasitaire « libérale » (à chacun son vocabulaire) qui rongeait les fondations de ce qu’il chérit le plus au monde (après sa femme et ses enfants évidemment) : le capitalisme.

Qui l’a soutenu ? Un peu tout le monde, mais parmi les « élites », très certainement ceux qui pensaient qu’une opération de provocation ouverte contre la Russie, la Chine, et le reste du monde, et le risque d’un conflit nucléaire qui semblait se préciser à l’horizon, ne valait décidément pas vraiment le prix.

Attendons de voir si celui qui a promis « d’assécher le marécage » (slogan des derniers jours de sa campagne) tiendra parole ou s’il ne se révélera être qu’un crocodile de plus.

Viktor Dedaj
sûrement anti-Trump, mais encore sur son starting-block

Addentum : Suite à une remarque d’un lecteur fidèle, je confirme que le camp Trump (mais on le savait déjà) est : anti-avortement, anti-immigration, contre les restrictions sur le port d’armes, et climato-sceptique... (entre autres). Cet article ne prétend pas être une analyse de son électorat, mais simplement un modeste compte-rendu des 15 derniers jours de campagne.

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Ernesto Che Guevara.

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