La situation en Corse est complexe. Rappelons que c’est la région la plus pauvre de France. Que son économie est presque exclusivement le tourisme, décrit par ailleurs comme une économie de la dépendance, quand ce n’est pas une économie coloniale (des palaces, des domestiques, et à l’arrière des pauvres). Que l’essentiel de sa jeunesse si elle veut un avenir doit quitter l’île, pour les études, le travail ou le logement. Et que les multiples aménagements de la loi littoral (la Corse représente 1/4 du littoral français) ont décuplé une spéculation immobilière déjà faramineuse à cause du tourisme, qui pose de sérieux problèmes de logements aux résidents, peu à peu remplacés par des maisons secondaires ou des retraités, qui n’apportent que très peu à l’économie. Les prix des produits alimentaires est 9 % plus élevé que sur le continent, et de manière générale, notamment en raison de l’insularité, tout y est plus cher.
On est très très loin de l’image de mafieux profiteurs assoiffés de subventions que semble décrire cet article.
D’autre part, la victoire de nationalistes est surtout la défaite des dynasties précédentes, élus de père en fils, au service de l’enrichissement personnel et de la corruption sous les couleurs de l’UMP ou du PS avec l’aimable complaisance de la France, et représente l’espoir d’une population sinon d’un peuple pour que ces pratiques s’arrêtent et que les choses évoluent.
Nationaliste en Corse, c’est un régionalisme pour la France. Et si le mot coince dans la bouche d’un "électeur de gauche", c’est dommage parce qu’il y a des nationalistes de tous les bords, droite et gauche, avec des revendications diverses mais qui se rejoignent sur plus d’autonomie et la reconnaissance des spécificités de l’île. L’équipe au pouvoir aujourd’hui joue le jeu républicain, et ne demande rien d’extraordinaire sinon un statut équivalent aux autres territoires d’outre mer, selon l’article 74 de la constitution française. En tout cas rien de raciste anti immigré, français ou autre.
Et l’autonomie, si c’est un pas vers l’indépendance, c’est surtout un pas vers un développement des infrastructures et de l’économie, ce qui ne peut être que souhaitable.
Sur les immigrés, il y en a plus de 30000 dont la moitié sont du Maghreb. Dire qu’il n’y a pas de tension serait faux, dire qu’il y en a plus que sur le continent serait tout aussi faux. Rappelons que la Corse est une île d’immigration, et ce depuis des milliers d’années. Y sont passés des grecs, des italiens, des espagnols, des maghrébins, à peu près tout le bassin méditerranéen. C’est cette diversité qui est aussi à l’origine de la richesse culturelle de l’île, de son originalité, de son identité ("l’électeur de gauche" risque encore de glisser sur ce mot, mais bon…).
Et de sa langue. Contrairement à beaucoup trop d’autres régions, francisées de force, la Corse a su préserver et défendre sa langue. Une richesse supplémentaire, qui semble choquer Montauba. A l’heure où notre président tapine en anglais dès qu’il en a l’occasion, cet argument est assez surprenant.
Quant au referendum sur l’indépendance, les français seraient contre selon les sondages, et les corses aussi, n’en déplaise à Montauba. Pour des raisons pratiques (sans autonomie, pas d’indépendance), mais aussi pour des raisons républicaines. Les corses se sont très bien intégrés à la France, et ont versé plus que leur part dans les deux guerres. A la fin de la deuxième, l’île ne contenait plus que 160000 personnes (deux fois moins qu’aujourd’hui). Ce sont les événements d’Aléria, en 1975 qui sont à l’origine du nationalisme moderne : la France, face à des revendications légitimes, envoie l’armée.
Dans ce conflit, la France n’a pas de leçons de morale à donner. Rappelons l’affaire des paillotes où un préfet, Bernard Bonnet, ordonne à des gendarmes d’incendier des paillotes. En règle générale, la France sous ses gouvernements successifs a joué le pourrissement de la situation, l’hyper dépendance économique et inonda de subventions ses relais locaux : Paul Giacobbi (divers gauche), condamné à 3 ans de prison ferme l’année dernière pour détournement d’argent public, et on attend avec impatience que la justice fouille un peu le patrimoine des autres richissimes élus de pères en fils, les Rocasera (UMP), les Zuccarelli (PS), ...
Le sang a coulé des deux cotés, et dans cette bataille c’est encore la population qui a souffert.
Aujourd’hui, les nationalistes ont abandonné la lutte armée, utilisent la voie démocratique et tentent d’amorcer un dialogue.
P.S : rien de tout ca n’est caché, et avec internet aujourd’hui, il est très facile de se renseigner. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à aller chercher des informations. Ca aurait évité à Montauba d’écrire autant d’inepties, publiées sur un site d’habitude plus sérieux.
L’illustration de l’article est tirée de l’excellent Jack Palmer de Pétillon. N’hésitez pas à lire l’enquête corse. Vous n’en comprendrez pas plus, sinon que c’est beaucoup moins caricatural que cet article...