Billet du 13 septembre 2012, Front de Lutte des Syndicalistes.
Extrait du communiqué de la CGT Doux Père Dodu Graincourt, dans le Pas-de-Calais, qui a créé un comité de lutte : « les salariés-es de Doux Graincourt ont décidé hier 12 septembre en assemblée générale massive d’occuper jour et nuit leur usine. Certains nous ont montrés un genou à terre après que le ciel nous soit tombé sur la tête plusieurs fois depuis l’annonce de liquidation du groupe Doux. Aujourd’hui nous avons relevé la tête et sommes mis debout, prêts et déterminés à lutter jusqu’au bout pour garder les emplois à Doux Graincourt. Il y a des solutions autres que les licenciements, pour cela il faut du temps, de l’argent et de la solidarité pour éviter que l’usine soit démantelée par le liquidateur judiciaire et les vautours aux aguets qui attendent le festin des affaires à bas coût /… / qu’en face ils prennent la mesure de la lutte engagée plutôt que d’avoir des discours politiciens de compassion qui sont en contradiction avec la réalité des travailleurs… »
Voilà que le ton est donné par les travailleurs eux-mêmes, qui sont bien décidés à s’opposer à la méthode capitaliste de destruction des emplois industriels et aux juges qui ont décidé de les liquider… avec le moyen qui reste à disposition, l’occupation de leur outil de travail. On a entendu dire « c’est trop tard ! » mais pourquoi trop tard quand plusieurs fois des repreneurs potentiels se sont montrés depuis début juillet.
Doux Graincourt, qui produit les poulets Père Dodu, a une capacité d’abattre et de transformer 50 000 poulets par jour, soit environ 10 millions par année. Ces volailles sont élevées localement par une quarantaine de producteurs liés par un contrat et soumis à une traçabilité et un contrôle vétérinaire strict. A ce jour, 95% de la production locale de poulets est dirigé vers la Belgique, dans le même temps, la France importe chaque année plusieurs dizaines de millions de tonnes de poulets venus d’Hollande, d’Angleterre, d’Irlande, d’Hongrie et du Brésil et de Belgique… congelés.
Alors, même si les poulets des élevages français n’ont pas une vie dorée avant d’être abattus, il faut se rappeler qu’il y a quelques années, un scandale avait éclaté, celui des poulets belges élevés avec des produits qui contenaient de la dioxine et des boues de stations d’épuration contenant des métaux lourds.
Aussi, il faut se rappeler que les premiers cas de vache folle qui aboutiront à la maladie de Creutzfeld-Jacob, sont liés à l’alimentation sans contrôle. Mais, ces leçons n’ont pas suffi, car les contrôles restent obsolètes et nous avons appris que les poulets venus du Brésil sont élevés dans des conditions détestables et nourris avec des aliments fabriqués à base de farine issue du broyage des plumes, de céréales transgéniques, et de déchets issus de l’industrie… le tout avec des travailleurs exploités dans des conditions de travail qui nous seraient insoutenables.
Pour autant, les prix ont-ils baissé ? La traçabilité est-elle possible ? Les dangers ont-ils été analysés ? Non, au nom de la concurrence libre et non faussée imposée par les structures capitalistes que sont le FMI et l’OMC auxquelles l’Europe est affiliée, donc mécaniquement la France.
Et qui retrouve-t-on derrière ces élevages ? Les multinationales de l’agroalimentaire, telles que Cargill, Conagra, Tyson, Wall-Mart Store, Limagrain, Sakata… mais aussi de la chimie telles que Monsanto, Bayer, Syngeta, Adventis, mais aussi Mc Donald, Neslté, Danone, Kraft et Unilever…
Et quel est le fil d’Ariane qui guide l’ensemble de ces multinationales qui dégagent des centaines de milliards de dollars et d’euro pour leurs actionnaires ? Goldman-Sachs, la banque qui dirige le monde et qui produit les dirigeants et économistes du capitalisme le plus ultralibéral jamais connu depuis sa création il y a 200 ans.
Aussi, le Tribunal de Quimper qui par sa décision d’apporter le groupe Doux sur un plateau d’argent à la banque d’affaires Barclays’ a-t-il exploré les liens de cet investisseur avec Goldman-Sachs, avant se sacrifier plus de 1000 salariés, donc 1000 familles, employées sur les sites abandonnés ?
Monsieur Hollande, Monsieur Le Fol, Monsieur Montebourg, Monsieur Moscovici, Monsieur Sapin… ont-ils compris, eux qui vantent leurs intentions de produire en France, de dynamiser l’industrie, de sauvegarder les emplois et les sites, de protéger la planète et les terriens ? Ont-ils compris à quel point ils sont bernés par des experts à la solde des lobbies et des multinationales de l’industrie et de la finance ?
Les directions syndicales ont-elles compris le piège qui leur a été tendu et dans lequel elles sont tombées, celui du syndicalisme européen inféodé à l’idéologie dominante aujourd’hui incarnée par Mario Draghi ?
C’est ainsi qu’il est possible de faire le lien entre les 250 salariés-es, ouvrières et ouvriers de l’usine Doux de Graincourt-les-Havrincourt en France et les intentions machiavéliques des puissants de la finance et de l’industrie mondialisées, qui ont décidés de faire de ce pays, un désert, avec le seul but de l’affaiblir afin qu’il soit contraint de se plier à leurs diktats, tout comme la Grèce se plie au point de devoir vendre son patrimoine historique et des pans entiers de son territoire.