"L’économie, et cette offensive de la Cour de justice européenne pour limiter ce qu’on appelle le "tourisme social". De quoi s’agit-il ? De ces citoyens de l’Union, qui s’installeraient dans les pays les plus riches dans le but de bénéficier de l’aide sociale. Eh bien les juges du Luxembourg ont statué. Les Etats auront plus de liberté pour la refuser.
Philippe Boisserie :
"C’est un bémol de taille dans le principe de la libre circulation des citoyens au sein de l’Europe. La Cour de Justice européenne a décidé que les personnes qui quitteront un pays européen pour un autre dans le seul but de bénéficier de prestations sociales ne pourront plus se prévaloir de ce droit. Un pays pourrait donc refuser de verser des aides sociales s’il considère que le demandeur ne cherche pas à s’intégrer dans le pays, n’y travaille pas, ou ne dispose pas de ressources suffisantes"...
[Et, ici, pour bien faire voir à qui on pense, la caméra nous offre un plan moyen d’une famille marchant, de face, sur un trottoir : au premier plan, un grand garçon, de 18/20 ans, tenant par la main une fillette de 7/8 ans, et, derrière eux, un couple (parents d’une bonne trentaine, avec une poussette, mais l’air bien basané que l’on prête aux Roms ou aux ressortissants pauvres des Balkans)].
"...Une décision qui répond aux poussées europhobes des dernières élections européennes, notamment au Royaume-Uni, d’ailleurs le Premier ministre David Cameron a aussitôt réagi :
[Nouveau plan de la caméra sur une rue de Londres avec des bus rouges à impériale et vue sur un tract de l’UKIP, parti europhobe d’extrême droite britannique.]
"David Cameron : "C’est une décision bienvenue, qui va dans la bonne direction car le droit d’aller travailler dans un autre pays de l’Union ne doit pas être sans contrepartie. Il doit y avoir des règles, pour limiter les prestations sociales, c’est une bonne nouvelle].
Retour à Philippe Boisserie : "Ce soir, les principaux partis europhobes ou d’extrême droite européens se félicitent de cette décision mais également l’Allemagne, qui fait face à sa plus grosse vague d’immigration depuis les années 90".
Retour à David Pujadas : "Et on va un peu plus loin avec vous, François Beaudonnet. Bonsoir. Est-ce que cela signifie que les Etats pourront interdire ce tourisme social, et sur quels critères ?"
François Beaudonnet [en direct de Bruxelles] : "Oui, alors, David, les Etats pouvaient déjà le faire mais cet arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne renforce leur position, ce qui veut dire que la France pourrait à l’avenir décider par exemple de refuser de verser les allocations familiales ou le RSA à des citoyens européens qui sont sur son sol s’ils ne sont pas venus pour trouver du travail, s’ils n’ont
aucune chance d’en trouver et s’ils n’ont pas de ressources suffisantes. Alors bien sûr, il faudra quand même étudier chaque cas, individuellement, il n’est pas question de cibler des nationalités ou des communautés et on va maintenant voir ce que chaque capitale va décider mais depuis la crise économique on sait déjà que ce débat sur le tourisme social agite fortement l’Allemagne et le Royaume-Uni, on l’a dit, mais aussi la Belgique ou l’Italie".
David Pujadas : "Merci, François".
Remarque 1. L’expression "tourisme social" est particulièrement choquante en ce que le mot "tourisme" véhicule avec lui une connotation de liberté, d’insouciance, de bien-être. Alors que ceux qui sont visés par l’arrêt de la Cour de Justice sont, au contraire, de pauvres gens, au chômage ou dans la misère dans leur pays, et souvent en butte à des persécutions chez eux. [Parce que, sans le dire, ceux qui sont visés sont bien toutes les populations minoritaires des Balkans ou des anciens pays de l’Est, par exemple les Roms de Hongrie, à qui le gouvernement d’extrême droite du pays fait toutes les misères possibles]. Et ces pauvres gens n’ont d’autres ressources que les secours des Etats riches...
Remarque 2. On sent qu’il ne faudrait pas trop insister pour que l’expression "tourisme social" s’applique aussi aux migrants somaliens, érythréens, syriens, kényans, qui traversent la Méditerranée dans des bateaux surchargés et sombrent au large de Lampedusa. Et que si la Cour de Justice autorise à ne pas prendre de gants avec des citoyens de l’Union, on va encore moins se gêner avec de vulgaires Africains...
Remarque 3. Le mot "liberté" dans la phrase "Les Etats auront plus de liberté pour la refuser" est également choquant en ce qu’il renverse la réalité des situations psychologiques. Tout se passe en effet comme si les pauvres Etats européens étaient brimés par de méchantes lois, déclarations de droits humains, qui les empêchent de virer les immigrés à grands coups de pompe dans le bas du dos...
Remarque 4. L’évocation des migrants "qui n’ont aucune chance de trouver du travail ou qui n’ont pas de ressources suffisantes" est hypocrite en ce que c’est déjà la situation des intéressés chez eux ! Ils n’ont déjà pas de travail (on le leur refuse souvent ou on leur donne les plus répugnants, les plus mal payés). Comment en trouveraient-ils en France, sans instruction, sans connaissance de la langue, sans appuis ou relations ? Et d’où tireraient-ils des ressources suffisantes ?
Remarque 5. L’expression "On ne cible pas une communauté" pue aussi l’hypocrisie. Car, de même qu’en français, immigré ne signifie jamais Suédois, Canadien ou Suisse, mais Marocain, Malien ou Tchadien, tout le monde sait bien que "communauté" signifie Roms, puisque c’est la "communauté" à laquelle tout le monde pense. Il aurait été plus franc que le Parlement européen vote une loi stipulant : "Les Roms qui se feront pincer en Europe occidentale seront expulsés séance tenante".
Remarque 6. L’évocation des migrants qu’on va expulser parce qu’ils n’ont pas de ressources est une espèce d’incitation déguisée au trafic, à la délinquance et au banditisme. En effet, si les intéressés n’ont aucune chance de trouver du travail (si on ne trouve pas du travail à des salariés français dont les usines ferment les unes après les autres, comment en trouverait-on à des Roms sans formation et qui ne parlent pas un mot de français ?), que leur reste-t-il d’autre que de voler (des voitures ou des maisons), de dealer ou de se prostituer ? Comme si les institutions européennes leur disaient : "Ne comptez plus qu’on vous donne un seul centime, mais on ne veut pas savoir de quelle manière vous subsisterez..."
Remarque 7. etc., ou aux PDG des multinationales qui domicilient leur entreprise au Luxembourg ou à Jersey, où ils ne payent rien comme impôts, et qui font perdre des centaines de milliards de recettes fiscales aux Etats où ils travaillent et dont ils tirent leurs bénéfices...
L’expression “ tourisme social ” est désormais totalement banale. Voir ici son utilisation par la BBC [LGS].