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Pourquoi les criminels de Wall Street ne sont-ils pas poursuivis ?

En mai 2012, quelques jours à peine après que Jamie Dimon de JPMorgan Chase ait révélé que sa banque avait perdu des milliards de dollars dans des paris spéculatifs, le président Barack Obama défendit publiquement le PDG milliardaire, l’appelant « l’un des banquiers les plus intelligents de la nation. » Ce qu’Obama n’a pas dit, c’est que Dimon était un criminel.

Le New York Times a rapporté dimanche que le gouvernement annoncerait prochainement le dernier d’une longue liste de règlements amicaux conclus avec des banques de Wall Street impliquées dans des agissements illicites. Les régulateurs fédéraux et les procureurs rendront publics dès cette semaine, un accord de « poursuite différée » épargnant JPMorgan et ses hauts dirigeants pour leur complicité dans le schéma de Ponzi, portant sur 20 milliards de dollars, que dirigeait le financier tombé en disgrâce, Bernie Madoff.

En échange d’un paiement de quelque 2 milliards de dollars d’amende, il sera possible à la plus grande banque américaine et à son PDG d’éviter une accusation pénale ou une admission de culpabilité alors même qu’ils reconnaissent la liste d’actes Illicites réalisés par la banque durant sa relation de vingt ans avec Madoff.

Il existe de nombreuses preuves, dont des courriels internes émanant de cadres supérieurs et prouvant que la direction était parfaitement consciente que Madoff, qui gardait les comptes de sa société chez JPMorgan, organisait des arnaques. Madoff, lui-même, avait dit en 2011 lors d’un entretien accordé depuis la prison, « Il y a des gens à la banque qui savaient ce que je faisais. »

JPMorgan a choisi de ne pas prévenir les régulateurs américains et de poursuivre ses relations lucratives avec l’organisateur de Ponzi. Il s’agit là d’une violation des lois fédérales, entre autres de celle sur le secret bancaire.

Le règlement correspond à une reconnaissance que Dimon a été coupable de complicité criminelle avec Madoff. Mais, alors que Madoff a été condamné à 150 ans de prison, Dimon s’en tire impuni.

Dimon et sa banque ont été complices d’une escroquerie qui a coûté les économies de toute une vie à des milliers de retraités et poussé à la faillite un grand nombre d’organismes de bienfaisance. Mais, ceci n’est qu’une petite partie de la tragédie humaine et du carnage social dus aux multiples escroqueries et fraudes organisées par JPMorgan.

Au cours de ces deux dernières années, la banque de Dimon a réglé des accusations d’avoir refilé à ses clients sous de faux prétextes des titres hypothécaires toxiques, d’avoir soumis de faux rapports pour dissimuler plus de 6 milliards de dollars de pertes liées à de mauvais paris pris sur des produits dérivés empoisonnés, d’avoir manipulé les prix de l’énergie, d’avoir falsifié des documents pour la saisie de logements en obligeant des familles à quitter leurs maisons, d’avoir fait payer à des titulaires de cartes de crédit des services non fournis et pillé des fonds de pension et autres investisseurs institutionnels.

Il fait actuellement l’objet d’une enquête pour son rôle dans le trucage du Libor, le taux interbancaire de référence sur le marché mondial et le payement de pots de vin à des responsables chinois.

JPMorgan n’est pas une exception mais constitue bien la règle. Pratiquement chaque grande banque qui opère à Wall Street a réglé des accusations de fraude et de criminalité à une échelle époustouflante. En 2011, la sous-commission permanente d’enquêtes du Sénat a publié un rapport de 630 pages relatif au krach financier de 2008 documentant ce que le président de la sous-commission avait appelé « une fosse aux serpents financiers où règne l’avidité, le conflit d’intérêt et le méfait. »

Ces crimes multiples perpétrés par des délinquants en série ont eu des conséquences très réelles et très destructrices. Le monde entier a été précipité dans une récession économique qui a déjà duré plus de cinq ans sans montrer le moindre signe d’affaiblissement. Des dizaines de millions de familles ont perdu leurs maisons du fait de prêts hypothécaires abusifs prônés par JPMorgan et d’autres banques de Wall Street.

L’effondrement des marchés immobiliers et du crédit en 2007-2008 suite à la spéculation et à la fraude omniprésente a mené des pays entiers à la faillite – la Grèce, l’Irlande, l’Islande et l’Espagne, pour n’en nommer que quelques-uns. Détroit et d’autres villes ont été acculés à la faillite en raison des machinations des banquiers.

Les gouvernements de par le monde ont utilisé la crise économique comme une occasion de mener des assauts incessants contre la population laborieuse et d’anéantir les acquis sociaux obtenus au cours d’un siècle entier de lutte. Des millions de vie ont été détruites par la famine, la maladie et l’absence d’un toit du fait des pratiques utilisées par les Jamie Dimon de ce monde.

Alors que des milliards de gens se sont appauvris, Dimon et ses collègues ploutocrates se sont enrichis plus que jamais. Leurs banques, qui sont protégées par des politiciens, des régulateurs et des gouvernements corrompus, ont engrangé des bénéfices records, subventionnés par des renflouements à hauteur de milliers de milliards payés par l’argent des contribuables et par l’argent liquide quasiment gratuit venant de la Réserve fédérale.

Dimon a reçu 23,1 millions de dollars en 2011 et 11,5 millions de dollars en 2012, qui sont venus s’ajouter à une fortune personnelle s’élevant à des centaines de millions.

Avec les 2 milliards de dollars en amendes versés dans le cadre de l’accord de règlement de l’affaire Madoff, JPMorgan aura payé, rien que l’année dernière, 20 milliards de dollars de frais juridiques. L’ampleur des amendes est une indication de l’échelle colossale des crimes commis par la banque mais elles ne représentent qu’une infime fraction de l’énorme richesse qu’elle contrôle. Les amendes ont été calibrées par le gouvernement Obama lors de négociations avec Dimon pour ne pas mettre en cause la viabilité de la banque.

JPMorgan qui a fait état de plus de 20 milliards de dollars de bénéfices annuels ces dernières années, se vante d’être parvenu à mettre de côté 28 milliards de dollars pour couvrir les amendes et les frais juridiques. En juillet 2011, elle disposait de 244 milliards de dollars de fonds en caisse.

Toutes les activités criminelles des banquiers et la dévastation sociale qui en résulte ont été motivées par la cupidité personnelle. Ce sont des parasites dont le comportement ne peut qu’être qualifié de sociopathique. Dimon et ses semblables ne contribuent pas, en quoi que ce soit, à l’amélioration de la société.

La corruption n’est rien de neuf dans le capitalisme américain. Mais, contrairement aux barons voleurs des temps passés, les ploutocrates d’aujourd’hui ne sont pas associés au développement des forces productives, comme par exemple la sidérurgie et l’automobile. Des gens comme Dimon bâtissent leur fortune sur la manipulation de l’argent – principalement celui des autres. La criminalité qui de nos jours est omniprésente dans le capitalisme est liée à des activités qui sont totalement parasitaires et détruisent les forces productives.

Ce qui entre en ligne ici c’est plus qu’une personnalité subjective. Dimon et ses homologues de Wall Street sont les incarnations d’un système qui se caractérise par des niveaux d’inégalité sociale époustouflants. La criminalité dont ils font preuve est l’inévitable manifestation d’une société où le 0,1 pour cent le plus riche contrôle 10,3 pour cent du revenu et le 1 pour cent le plus riche contrôle 35 ans pour cent de la richesse. De tels niveaux d’inégalité façonnent les structures juridiques et politiques et sont en dernier ressort incompatibles avec la démocratie.

Pas une seule des banques de Wall Street ou un banquier influent n’a été inculpé et poursuivi et encore moins emprisonné pour ses crimes. Le fait que c’est la conséquence d’une politique délibérée de la part du gouvernement Obama a été révélé en mars dernier par le procureur général américain Eric Holder. Lors d’une audition devant le Comité judiciaire du Sénat, Holder a expliqué que le gouvernement fédéral avait choisi de ne pas poursuivre les grands banquiers parce « si nous les poursuivons, si nous précédons à une mise en examen, cela aura un effet négatif sur l’économie nationale, peut-être même sur l’économie mondiale. »

Ceci est une admission comme quoi les parasites de Wall Street sont au-dessus de la loi. Ce qui prévaut en Amérique ce n’est pas la démocratie, mais un renouveau de ce qui, dans les époques antérieures s’appelait le privilège de l’aristocratie. Sous le féodalisme, l’aristocratie jouissait de l’immunité vis-à-vis des lois qui s’appliquaient aux gens ordinaires. L’aristocratie d’aujourd’hui est, en pratique, pareillement immunisée.

Dans ce pays 2 millions de personnes se trouvent derrière les barreaux. Tous les jours, des gens sont traînés devant les tribunaux et jetés en prison pour des crimes commis dont la cause principale est la misère économique. La société américaine est impitoyable dans son traitement des pauvres, mais extrêmement indulgente lorsqu’il est question des atrocités commises par les riches.

C’est cette couche sociale réactionnaire qui contrôle les leviers du pouvoir politique, de la Maison Blanche au Congrès en passant par les tribunaux. Elle domine les principaux partis politiques et soudoie ses représentants. Elle est propriétaire des médias de masse.

Les banquiers ne peuvent pas être tenus responsables de leurs crimes parce qu’ils contrôlent le système politique et parce que la criminalité est devenue un trait essentiel du système financier américain et mondial. S’attaquer à une partie quelconque du système risque de voir se désagréger l’ensemble de l’édifice en décomposition.

Il incombe à la classe ouvrière de briser l’étau de la ploutocratie financière. Il s’agit d’une tâche révolutionnaire. La fraude financière et la criminalité sont intégrées à la structure même du système capitaliste.

La classe ouvrière doit s’organiser indépendamment pour lutter contre l’élite financière et tous ses partis et institutions. Elle doit exproprier la vaste richesse obtenue par les banquiers par le biais de moyens illégaux et antisociaux et l’utiliser pour fournir des emplois et des services sociaux à la masse de la population. Ceci est la seule base sur laquelle les criminels tels que Jamie Dimon peuvent être traduits en justice.

Ceci n’est que le point de départ d’une restructuration fondamentale de la société. La subordination du système financier à l’accumulation personnelle de richesse doit prendre fin. Les banques et les grands groupes doivent être arrachés des mains du secteur privé et placés sous contrôle public et démocratique de façon à être utilisés comme des instruments de la planification économique internationale dans le cadre d’une économie orientée vers les besoins humains et non le profit privé.

Barrey Grey

»» http://www.wsws.org/fr/articles/2014/jan2014/wall-j13.shtml
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