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Attentat à Islamabad

Pourquoi l’hôtel Marriott ?

L’attentat meurtrier à Islamabad fut un acte de représailles contre les événements de ces dernières semaines dans les zones frontalières du nord-ouest du pays. Il souligne la crise à laquelle est confronté le nouveau gouvernement à la suite de l’intensification des frappes aériennes US sur les zones tribales de la frontière afghane.

Des missiles Hellfire, des drones, des raids menés par des forces spéciales à l’intérieur du Pakistan et les morts d’innocents qui en ont résulté ont alimenté le nationalisme Pashtoun. C’est la guerre en Afghanistan qui est en train de déborder et déstabiliser le Pakistan.

Le premier ministre « de facto » du pays, un ami non élu du président Zardari et maintenant son conseiller en chef, Rehman Malik, ont déclaré : « nos ennemis ne veulent pas voir la démocratie fleurir dans ce pays. » Pas mal, venant de lui, mais la réalité est toute autre. C’est la conséquence de la « bonne guerre » en Afghanistan qui a mal tourné. Le directeur du renseignement national US, Michael McConnell, le reconnait en déclarant que les dirigeants Afghans doivent confronter « une corruption endémique, des cultures de pavot étendues et le trafic de drogue » qui résultent de la montée en puissance des néo-talibans.

La majorité des Pakistanais sont opposés à la présence des Etats-Unis dans la région, et la considèrent comme la plus grande menace contre la paix. Pourquoi alors les Etats-Unis ont-ils décidé de déstabiliser un allié crucial ? Au Pakistan, certains analystes affirment qu’il s’agit d’une initiative soigneusement coordonnée pour affaiblir l’état pakistanais en créant une crise qui s’étend au delà des frontières avec l’Afghanistan. Son objectif, affirment-ils, est d’arracher les incisives militaires nucléaires du Pakistan. Si tel était le cas, cela impliquerait que Washington serait déterminé à briser le Pakistan, puisque le pays ne survivrait pas à un désastre d’une telle ampleur.

Cependant, à mon avis l’expansion de la guerre est beaucoup plus liée à l’occupation désastreuse de l’Afghanistan par l’administration Bush. C’est un secret de polichinelle que de dire que le régime du président Karzai est chaque jour plus isolé, tandis que les guérillas Taliban se rapprochent de Kaboul. Un vieil adage impérialiste dit « en cas de doute, intensifie la guerre ». Les frappes contre le Pakistan représentent - comme les décisions du Président Richard Nixon et de Henry Kissinger de bombarder puis d’envahir le Cambodge - une tentative désespérée de sauver une guerre qui n’a jamais été « bonne » et qui est même devenue franchement mauvaise.

Il est vrai que ceux qui résistent à l’occupation de l’OTAN traversent sans peine la frontière pakistano-afghane. Cependant, les Etats-Unis ont souvent mené de discrètes négociations avec eux. Plusieurs émissaires ont été envoyés auprès des Taliban du Pakistan, et des experts du renseignement US logent régulièrement à l’hôtel Serena à Swat pour rencontrer Maulana Fazlullah, un dirigeant local pro-taliban.

Des Pashtounes de Peshawar, considérés comme des libéraux laïques, ont déclaré la semaine dernière à la BBC qu’ils avaient perdu toute confiance en l’Occident. La décision de violer à volonté la souveraineté du pays les a rapprochés des insurgés.

Bien que les victimes de l’hôtel Marriott soient pleurées, certains demandent pourquoi ces victimes là auraient plus de valeur que celles provoquées par les Prédateurs ou des tirs de missiles. Ces dernières semaines, prés de 100 innocents ont été tués de cette manière. Pour eux, il n’y a eu aucune protestation ou couverture médiatique.

Pourquoi avoir visé l’hôtel Marriott ? Deux explications ont été données par les média. La première est qu’un diner y était prévu cette nuit là pour le président et son cabinet, mais fut annulé au dernier moment.

Le deuxième, rapportée par le respecté journal Pakistanais de langue anglaise, Dawn, est « qu’une opération top secret de marines US se déroulait à l’intérieur de l’hôtel Marriott lorsque l’attaque se produisit ». Selon le journal : « des officiers de sécurité de l’ambassade US, bien équipés, ont été aperçus sur les lieux peu après les explosions. Cependant, ils sont partis peu de temps après. »

Le plus grand quotidien du pays, the News, a aussi rapporté dimanche que des témoins avaient aperçu des caisses métalliques de l’ambassade US transportées à l’intérieur du Marriott dans la nuit du 17 septembre. Selon le journal, les caisses métalliques ont été autorisées à ne pas passer par les scanners de sécurité placés à l’entrée de l’hôtel.

Mumtaz Alam, élu au parlement, en est témoin. Il voulait quitter l’hôtel mais, à cause des mesures de sécurité draconiennes, n’en a pas été autorisé sur le champ et menace de porter l’affaire devant le parlement.

Ce sont peut-être là les raisons de cet attentat, mais derrière cette attaque se profile l’ombre d’une guerre en expansion.

TARIQ ALI

Traduction VD pour le Grand Soir
http://www.legrandsoir.info

Version originale
http://www.counterpunch.org/tariq09232008.html

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