1er tableau : le Xinjiang
S’il est un sujet sur lequel on a publié ces dernières années des milliers de pages bourrées de contre-vérités, c’est bien le sort des Ouïghours dans le Xinjiang.
Comme dans l’ « Histoire de faussaire » de Georges Brassens, c’est
La bibliothèque en faux bois, faux bouquins achetés au poids.
La liste de ces contre-vérités est longue et leur regroupement pourrait occuper des travées entières. Exemples :
– le Xinjiang, que les séparatistes appellent Turkestan oriental, aurait été un État indépendant ;
– le terrorisme ne serait qu’un prétexte utilisé par le gouvernement chinois pour justifier l’oppression de la population musulmane ;
– la Chine aurait commis, ou serait en train de commettre un génocide au Xinjiang ;
– la Chine aurait fermé le Xinjiang à tous les étrangers ; personne ne pourrait s’y rendre pour vérifier les allégations de génocide et de camps de concentration.
Chacun de ces sujets et d’autres encore font l’objet, dans le livre d’Albert Ettinger, d’une réfutation rigoureuse basée sur une vaste documentation passée au crible d’un esprit critique aiguisé, apte à discréditer des témoignages apparemment crédibles.
Il ne faut jamais perdre de vue, nous rappelle l’auteur, qu’Adrian Zenz, « la principale source des allégations de ‘crimes’ au Xinjiang est un illuminé qui se croit investi d’une mission divine : ‘libérer’ la Chine du communisme athée » (p. 52).
Aussi étrange que cela paraisse, « les affirmations absurdes de Zenz ont été reprises, diffusées et défendues bec et ongles par nos médias antichinois, bien que réfutées et même ridiculisées (...) par de vrais experts (...) » (p. 56).
Aussi étrange que cela paraisse, « nos médias nous cachent les faits qui contredisent l’image caricaturale qu’ils brossent du Xinjiang » (p. 46). Ils ne relaient pratiquement jamais les informations suivantes – pourtant dûment accréditées et recoupées, à savoir, notamment, que :
– la Chine a été la victime de centaines d’attentat terroristes ;
– en Syrie, il y a des milliers de terroristes ouïghours prêts à retourner au Xinjiang pour y mener le djihad ;
– dans sa guerre « contre la terreur », c’est l’Occident, et non pas la Chine, qui a commis toutes sortes d’horreurs : destruction de pays entiers, massacres, crimes de guerre et crimes contre l’humanité ;
– les États-Unis ont enlevé l’ETIM (East Turkestan Islamic Movement) de leur liste des organisations terroristes afin de pouvoir se servir des djihadistes pour combattre la Chine ;
– les séparatistes ouïghours qui veulent « détruire la Chine » sont depuis longtemps financés et soutenus par le gouvernement des États-Unis ;
– les témoignages des réfugiées ouïghoures laissent apparaitre les idées d’extrême droite du mouvement séparatiste.
Ce sont là des faits vérifiables, mais qu’on préfère taire. « De surcroît, signale Albert Ettinger, toute une série de vidéos qui montrent un Xinjiang tel qu’ ‘on ne le voit pas aux infos’ ont été produites par des visiteurs étrangers, et on peut les trouver sur YouTube » (p. 79). Ces témoignages, référencés p. 80, montrent des mosquées pleines de fidèles, des écoles où on enseigne le ouïghour et le mandarin, des villes modernes en pleine expansion, des terres agricoles valorisées, des marchés regorgeant de denrées diverses, des autoroutes et des chemins de fer à travers toute la région autonome du Xinjiang.
2e tableau : le Tibet
Ce deuxième tableau présente d’évidentes similitudes avec le premier. Ce n’est pas étonnant quand on connaît les liens qui unissent les séparatistes ouïghours et les séparatistes tibétains, pouvant compter les uns comme les autres sur Washington pour financer leurs activités subversives et pour forger et répandre une série de fake news comme justifications de leurs menées antichinoises. Comme l’écrit Albert Ettinger en tête de ce deuxième chapitre, « la nouvelle campagne de propagande antichinoise a recyclé et adapté au Xinjiang toutes les distorsions, toutes les contre-vérités, toutes les falsifications, toutes les exagérations, toutes les interprétations malveillantes et malhonnêtes qui ont été utilisées, pendant plus d’un demi-siècle, pour façonner la perception de la « question tibétaine » de la part du public occidental » p. 145).
Les habitués du site www.tibetdoc.org retrouveront ici la liste des fausses images largement répandues sur le Tibet, comme, par exemple (liste non exhaustive) :
– le Tibet n’aurait jamais fait partie de la Chine et aurait même été un État indépendant de 1913 à 1951 ;
– avant « l’invasion communiste », le Tibet aurait été un pays heureux où il faisait bon vivre ;
– les Tibétains seraient un peuple profondément pacifique et non violent ;
– les Chinois auraient commis un génocide au Tibet en tuant plus de 1,2 millions de Tibétains ;
– les Chinois voudraient détruire la culture tibétaine ;
– le dalaï-lama serait un vrai démocrate et son « gouvernement en exil » serait issu d’élections démocratiques.
Autant de contre-vérités qu’Albert Ettinger, grâce à sa connaissance approfondie du dossier, n’a aucune peine à démolir au terme d’une argumentation implacable, toujours référencée.
Il n’a aucune peine non plus à rappeler et à développer une série de vérités incontestables et incontestées par les tibétologues sérieux ayant eu accès aux archives étasuniennes et britanniques. On ne peut plus aujourd’hui ignorer que :
– le régime des dalaï-lamas était une dictature féroce et corrompue, basée sur le servage et les corvées ;
– les États-Unis et la Grande-Bretagne ont reconnu l’appartenance du Tibet à la Chine avant l’arrivée au pouvoir des communistes chinois ;
– la CIA a joué un rôle décisif dans la fuite du dalaï-lama et dans l’établissement d’une « Administration centrale tibétaine » en exil ;
– le Tibet d’aujourd’hui peut se prévaloir d’un remarquable essor économique.
Si ces faits étaient admis une fois pour toutes et si le témoignage de milliers de visiteurs du Haut Plateau était pris au sérieux, tout esprit sensé devrait admettre que « le Tibet a tout intérêt à rester une région autonome au sein de la République populaire de Chine » (p. 210).
3e tableau : Hong Kong
C’est aussi l’intérêt de Hong Kong de continuer à bénéficier de son statut privilégié au sein de la RPC. Cette évidence a pourtant été violemment combattue en 2019 et 2020 par des milliers de manifestants auxquels on a fait croire, à coup de slogans mensongers, que combattre la Chine, c’est défendre Hong Kong.
Au départ des protestations qui ont fait la une de nos médias, il y a eu un projet de loi sur l’extradition visant à empêcher qu’un fugitif, ayant commis un délit ou un crime, par exemple en Chine continentale ou à Taïwan, puisse continuer à passer des jours tranquilles à Hong Kong, ce qui était le cas en vertu de la législation héritée de l’occupation britannique, ne permettant l’extradition qu’avec « 20 pays sur les presque 200 que compte la planète « (p. 235). « Le projet de loi sur l’extradition était [donc] nécessaire et n’avait que trop tardé » (p. 234). Mais, forgée par certains médias antichinois, une rumeur s’est répandue chez les Hongkongais selon laquelle le « gouvernement fantoche » de Hong Kong à la solde de Pékin s’apprêtait à renvoyer dans les geôles chinoises des dissidents pro-démocratie. C’était pure désinformation étant donné que le projet de loi « ne concernait que des crimes graves, comme le meurtre et certains crimes économiques » (pp. 241-242). Preuve que le prétexte démocratique n’était qu’un déguisement pour masquer un programme antichinois : quand, par souci d’apaisement, Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif, eut retiré son projet de loi, l’agitation antichinoise n’a fait que s’amplifier.
C’est un « véritable tsunami de désinformation » qui s’est abattu sur la ville de Hong Kong (p. 240) pour reprendre les termes de Nury Vittachi, le journaliste d’origine sri-lankaise, établi depuis longtemps dans cette dernière colonie britannique, qui a suivi l’actualité au jour le jour et en a rendu compte dans un livre irremplaçable The Other Side of the Story : A Secret War in Hong Kong. Quelques exemples de ces mensonges qui ont été diffusés largement par les médias occidentaux :
– avant son retour à la Chine en 1997, les habitants de Hong Kong auraient bénéficié des droits et libertés démocratiques ;
– Pékin n’aurait pas tenu les promesses faites lors de la rétrocession de Hong Kong ;
– les revendications du mouvement de protestation auraient été justes et légitimes.
Une étude historique sérieuse permet à Albert Ettinger de réfuter ces contre-vérités ; bien sûr, comme dans toutes les mégalopoles du monde, la vie à Hong Kong n’est pas rose pour tout le monde, mais il est incontestable que le programme « un pays deux systèmes » a créé une situation socio-culturelle nettement meilleure que sous l’occupation britannique.
Mais c’est surtout à propos du caractère prétendument pacifique des manifestants que le livre d’Albert Ettinger remet les pendules à l’heure. Illustré par plusieurs photos plus que parlantes (pp. 250, 270, 273, 276, 279), il démontre que les « défenseurs héroïques de la démocratie » ont fait preuve d’une extrême brutalité ; il révèle certains faits généralement occultés par nos médias, à savoir notamment que :
– les manifestants ont été instruits et formés par les spécialistes occidentaux de la « révolution de couleur » ; ils ont aussi accueilli dans leurs troupes des voyous néonazis européens (voir pp. 246-247) ;
– ils ont professé et pratiqué la xénophobie, et même le racisme (voir p. 256), en agressant tout ce qui représentait la Chine : les institutions, les commerces, les biens et les personnes ;
– ces manifestants, disons plutôt ces émeutiers, ont pris d’assaut et saccagé le complexe du Conseil législatif de Hong Kong, et ont détruit systématiquement l’infrastructure hongkongaise ;
– ils ont maintes fois agressé les policiers avec des armes létales et ont terrorisé et menacé les familles des policiers.
Et s’inscrivant en faux contre « les reportages biaisés de la presse anglo-saxonne ou les déclarations d‘Amnesty International » (P. 287), le journaliste Nury Vittachi a pu documenter avec soin la retenue exemplaire dont la police hongkongaise a fait preuve (voir pp. 287 et ss.), tranchant singulièrement, soit dit en passant, avec notamment la répression du mouvement des Gilets Jaunes en France (voir p. 323). Autre retenue remarquable, celle de l’Armée populaire de libération chinoise, qui s’est sagement tenue à l’écart des provocations des émeutiers.
4e tableau : Taïwan
Au sujet de Taïwan aussi, Pékin garde la tête froide face aux provocations des États-Unis. Ayant raté leur coup à Hong Kong, ces derniers essaient de persuader les Taïwanais et le monde entier que la politique « un pays deux systèmes » ne peut pas réussir à Taïwan. Et pour ce faire, ils n’hésitent pas à utiliser les arguments les plus fallacieux.
Pour justifier les ingérences EU dans les affaires chinoises, voilà le type de contre-vérités auxquelles on a affaire, soutenues en Occident par certains milieux académiques et médiatiques :
– les Taïwanais ne seraient pas des Chinois ;
– si les États-Unis ont soutenu Taïwan, ce serait à cause de son système démocratique ;
- la Chine mènerait une politique agressive faite de provocations militaires et de menaces à l’égard de Taïwan et des États-Unis.
Une fois encore, Albert Ettinger n’a aucune peine à tordre le cou à ces canards.
Ainsi en va-t-il des propos du « spécialiste de la Chine », chéri de nos médias, Antoine Bondaz, arguant du fait qu’il y a à Taïwan 2,42% d’habitants d’origine austronésienne pour contester l’identité chinoise des Taïwanais. C’est tout simplement bête et méchant : les Chinois du continent et les Taïwanais ne sont qu’un seul et même peuple du point de vue ethnique. On peut même affirmer que la population taïwanaise, avec ses 95,3% de Han, est plus chinoise qu’en RPC, avec « seulement » 91,5% de Han.
En bon historien qu’il est, Albert Ettinger réfute ce type de bobards et rappelle certaines réalités souvent mises sous le boisseau ; exemples :
– Taïwan fait bien partie de la Chine depuis des siècles ;
– comme pour les Chinois du continent, la langue officielle des Taïwanais est le mandarin ;
– aux yeux de la communauté internationale, Taïwan n’est pas un pays, mais fait partie de la RPC ;
– la Chine veut une réunification pacifique, mais elle n’est pas pressée ;
– il y a une importante mouvance séparatiste à Taïwan qui est encouragée par Washington.
Ceux qui aujourd’hui encore persistent à attribuer le mauvais rôle à Pékin et à essayer de faire croire au bon droit de Washington devraient se rappeler que, dès la fuite de Tchang Kaï-chek à Taïwan, les États-Unis ont compris la valeur déstabilisatrice de l’île apte à devenir, pour reprendre les termes du général Douglas MacArthur, un « porte-avions insubmersible » mouillant en face de la Chine communiste.
À ne pas oublier non plus que, pendant la guerre du Vietnam, l’île tropicale de Taïwan a été utilisée comme zone de repos et de délassement pour GI ayant grand besoin de récupérer. Voir p. 352 une photo, tirée du Time Magazine du 22/12/1967, montrant un jeune soldat EU dans une baignoire entre deux petites Taïwanaises.
Pendant les quarante ans qu’a duré la dictature à Taïwan (jusqu’en 1987), Taipei a abrité « un ramassis de nazis, de fascistes, d’antisémites, de faussaires (...) » (p. 354) ; ça n’a pas empêché les champions de la démocratie que sont les États-Unis de chouchouter leur protectorat officieux.
Et ils ont continué après la démocratisation du régime, surtout quand le premier président élu au suffrage universel en 1988, Lee Teng-hui, un ancien collabo au service des Japonais, s’est fait le champion de la mouvance indépendantiste.
Ses héritiers, représentés aujourd’hui par le Parti démocrate progressiste, ne semblent même pas comprendre que cette indépendance revendiquée par rapport à Pékin implique un asservissement aux intérêts des États-Unis, lesquels sont capables, par exemple, d’imposer aux Taïwanais, avec un impact désastreux sur leur santé, la consommation de cigarettes made in USA : « Honni soit, fait remarquer Ettinger, celui qui pense ici à la façon dont les Britanniques ont jadis mis fin à leur déséquilibre commercial avec la Chine par la vente de l’opium ! » (p. 360)
Qu’il s’agisse, en effet, de Taïwan, de Hong Kong, du Tibet ou du Xinjiang, la Chine doit sans cesse réagir aux attaques des États-Unis (et de leurs vassaux européens et japonais) qui, n’ayant jamais renoncé totalement à leurs menées coloniales, tentent par tous les moyens de perturber l’Empire du milieu, champion d’un monde multipolaire.
En avant-propos de La Chine, un ennemi fabriqué par la propagande ?, Albert Ettinger, eu égard aux idées véhiculées en Occident sur la Chine, avait posé la question : « Comment ne pas haïr la Chine ? ». Quand on a terminé la lecture de cet ouvrage limpide, quand on a refermé les quatre panneaux formant ce polyptyque magistral, on doit plutôt se demander :
« Comment peut-on encore haïr la Chine ? », sinon « Comment ne pas aimer la Chine ? »