u’est-il arrivé à l’Égypte ? Les morts sont appelés des « terroristes », le mot que les Israéliens utilisent pour leurs ennemis. Le mot que les Américains utilisent. La presse égyptienne parle « d’affrontements », comme si des Frères musulmans en armes avaient combattu la police. Hier matin, j’ai rencontré un vieil ami égyptien qui m’a dit qu’il avoir regardé le drapeau de son pays pui s’être mis à pleurer.
Je peux comprendre pourquoi. Pourquoi tant de morts ? Qui les a tués ? Il y a beaucoup d’Égyptiens aujourd’hui, des personnes anti-Morsi, bien sûr, qui m’ont dit hier ne pas croire que les partisans des Frères étaient tous avec des fusils, comme celui de la veille, tenant une kalachnikov près de l’hôpital - un homme que j’ai aperçu - car la vérité est que la police a abattu des hommes désarmés et pas un seul policier n’a été tué. Ce fut un massacre. Ce fut un véritable massacre. Il n’y a pas d’autre mot.
Et nous entendons les paroles de nos ministres bien-aimés. Prenez William Hague, qui a demandé aux autorités égyptiennes de s’abstenir de toute violence, car « est venu maintenant le temps pour le dialogue et non la confrontation ».
Oh mon cher ! Certainement pas les mots qu’il allait utiliser pour le gouvernement syrien, bien sûr.N’allons pas plus loin quand nos amis égyptiens utilisent une telle puissance de feu contre leurs adversaires.
Si c’étaient des copains de Bachar al-Assad qui tuaient tant de manifestants dans les rues de Damas, l’ONU ferait part de son horreur, de notre fureur sans limites, de notre dégoût. Mais bien sûr, c’est Le Caire, et pas Damas, et nos paroles doivent être tempérées quand nous nous adressons à nos amis, surtout à ce général qui dirige le pays. Et attention ! Le ministre égyptien de l’Intérieur égyptien a dit à son peuple que le sit-in de la Fraternité à la mosquée Rabaa « si Dieu le permet, doit cesser. Nous espérons qu’ils reviennent à la raison et rejoignent le processus politique. » Mais n’était-ce pas ce qu’ils avaient fait quand ils ont gagné les élections ? Le général Mohamed Ibrahim, le ministre de l’Intérieur, a déclaré que 21 membres des Frères musulmans avaient été tués. Alors, pourquoi ai-je compté 37 corps sur le sol de l’hôpital hier matin ?
Mais quel est le « processus politique » en Égypte ? Si vous pouvez participer à une élection et gagner - et ensuite être déposé par un général (par exemple un type du nom d’Abdel-Fatah al-Sisi) - quel est l’avenir de la politique en Égypte ? L’Occident peut vouloir aimer l’Egypte, mais elle est maintenant dirigé par un général très difficile qui ne semble pas se soucier beaucoup ce que nous pensons. Il se rend compte que les relations de l’Égypte avec Israël sont beaucoup plus importantes que n’importe quel coup d’État au Caire, et que la préservation du traité de paix entre l’Égypte et Israël vaut bien plus que toute prétention à la démocratie au Caire.
Et nous - en Occident - allons marcher de concert avec cela. M. Obama a dit aux Égyptiens que les aux États-Unis « seront toujours un partenaire solide pour le peuple égyptien car ils tracent leur voie vers l’avenir ». Et le peuple égyptien - tenez-vous bien - s’était vu « donné une chance de mettre sur les rails la transition post-révolution dans le pays." Donc là vous l’avez ! Le coup d’État militaire était une « transition post-révolution ». Oubliés les 37 morts que j’ai vu à l’hôpital ce samedi. Oublié le discours que Barack Obama a fait dans le bâtiment de l’Université du Caire il y a quatre ans. Nous sommes dans une transition post-révolutionnaire. Appelez Lénine.
Robert Fisk
Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.
SOURCE : http://www.independent.co.uk/voices/commentators/fisk/egyptian-violence-was-a-massacre-not-a-postrevolution-transition-8735647.html
TRADUCTION : http://www.info-palestine.net/spip.php?article13800