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Auteur : Robert FISK

La relation entre le pouvoir et les médias est une question de sémantique, a déclaré Robert Fisk au Forum Al Jazeera en 2010.

Le journalisme et "les mots du pouvoir".

Robert FISK
Note de la rédaction d'Al Jazeera : Robert Fisk, ancien correspondant de The Independent au Moyen-Orient, est décédé vendredi à l'âge de 74 ans. Au cours de ses décennies de carrière, il a couvert les principaux événements internationaux, notamment la guerre civile libanaise, l'invasion soviétique de l'Afghanistan, la révolution iranienne, l'invasion du Koweït par Saddam Hussein, les conflits dans les Balkans et le printemps arabe. En tant que collaborateur régulier d'Al Jazeera, il s'est adressé au cinquième forum annuel d'Al Jazeera le 23 mai 2010 avec un discours-programme dans lequel il a fait valoir que les journalistes sont devenus prisonniers du langage du pouvoir. * * * * Le pouvoir et les médias ne se résument pas à des relations conviviales entre journalistes et dirigeants politiques, entre rédacteurs en chef et présidents. Il ne s'agit pas seulement de la relation parasitaire-osmotique entre des reporters soi-disant honorables et le noyau dur du pouvoir qui se trouve (…) Lire la suite »

Moins de 3 mois après l’assassinat de Soleimani, les États-Unis contraints d’évacuer 3 bases en Irak (The Independent)

Robert FISK

24 mars 2020. Au Moyen-Orient, Trump parle de « repositionnement » de ses troupes. Qu’il aie au moins le courage de parler de « retraite », sinon de « débâcle » ! La Maison Blanche n’a pas le temps de s’occuper de l’Irak et de l’Afghanistan : elle a une autre guerre primordiale sur les bras, celle contre le coronavirus. Peu de gens peuvent oublier les paroles de l’assistant du gouvernement de Tony Blair quelques heures après la destruction du World Trade Center le 11 septembre 2001 : « C’est une très bonne journée pour sortir tout ce que nous voulons enterrer », a écrit Jo Moore. Donald Trump pensait évidemment la même chose.

Au Moyen-Orient, Trump parle de « repositionnement » de ses troupes. Qu’il aie au moins le courage de parler de « retraite », sinon de « débâcle » ! La Maison Blanche n’a pas le temps de s’occuper de l’Irak et de l’Afghanistan : elle a une autre guerre primordiale sur les bras, celle contre le coronavirus. Peu de gens peuvent oublier les paroles de l’assistant du gouvernement de Tony Blair quelques heures après la destruction du World Trade Center le 11 septembre 2001 : « C’est une très bonne journée pour sortir tout ce que nous voulons enterrer », a écrit Jo Moore. Donald Trump pensait évidemment la même chose. Alors que la pandémie de coronavirus envahit l’Amérique, il a ordonné aux troupes américaines d’abandonner trois bases militaires vitales en Irak pour leur éviter de subir de nouvelles attaques de combattants chiites irakiens soutenus par l’Iran. Trump s’est toujours vanté de la nécessité du retrait de troupes ; mais là, il s’agit bel et bien d’une retraite. La ligne (…) Lire la suite »

Le juge Richard Goldstone a souffert d’avoir renié Gaza, mais pas autant que les Palestiniens qu’il a trahis. (The Independent)

Robert FISK
Quand on est trahi par son héros, on ne l'oublie jamais. Je ne suis pas la seule personne, je le sais, qui considérait Richard Goldstone comme un héros - un juge formidable, brillant et courageux qui avait finalement dit la vérité au pouvoir au Moyen-Orient. Et puis il s'est rétracté, comme un prisonnier politique terrifié, en multipliant les protestations d'amour envers la nation dont il avait si courageusement dénoncé les crimes de guerre. Aujourd'hui, après des années de silence, l'homme qui avait osé mettre Israël et le Hamas en face de leur violence impardonnable après la guerre de Gaza en 2008-09 a trouvé un défenseur dans un universitaire peu connu mais éloquent. Le juge Goldstone, un juif sud-africain, a été accusé par les Israéliens et leurs partisans d’être le "mal incarné" et un "collabo" parce qu’il avoir publié les preuves de la brutalité d'Israël contre les Palestiniens de Gaza (environ 1 300 morts, pour la plupart civils), et des crimes du Hamas en nombre plus (…) Lire la suite »

Ce que j’ai appris au cours d’une journée passée avec Gideon Levy, le journaliste le plus controversé d’Israël (The Independent)

Robert FISK

Le journalisme et Israël sont intimement liés dans la vie de Gideon Levy. Sa relation d’amour-haine avec le journalisme se mêle à l’horreur que lui inspire la voie où s’est engagé son pays.

Gideon Levy, le plus provocateur et le plus haï des journalistes de Haaretz, a quelque chose d’un philosophe-roi bien que, assis dans son minuscule jardin de la banlieue de Tel-Aviv, son chapeau de paille protégeant du soleil ses yeux bruns malicieux, il ait l’air sorti d’un roman de Graham Greene. Courageux, subversif, mais accablé ─ dans son style âpre et intransigeant – c’est le genre de journaliste qu’on vénère ou qu’on déteste. Les philosophes-rois à la Platon sont peut-être nécessaires à notre santé morale, mais pas bons pour le stress. Ainsi, pour avoir dit la vérité, des compatriotes israéliens l’ont menacé de mort ; et c’est là la récompense la plus prestigieuse qu’on puisse décerner à un journaliste. Il adore le journalisme mais son déclin l’atterre. Son anglais parfait s’altère parfois quand il entre en fureur. Par exemple, quand il constate l’absence de réaction face aux informations des journaux : « En 1986, j’ai écrit un papier sur une bédouine palestinienne qui (…) Lire la suite »

J’ai demandé à la seule journaliste israélienne basée en Palestine de me montrer quelque chose de choquant - et voici ce que j’ai vu (The Independent)

Robert FISK

C’est l’ancienne route de Ramallah à Jérusalem, bordée de richesses perdues, de vains espoirs et de maisons autrefois aimées. Tout cela, bien sûr, finit maintenant dans le Mur.

Montrez-moi quelque chose qui va me choquer, ai-je demandé à Amira Hass. La seule journaliste israélienne qui vit en Cisjordanie - ou en Palestine, si vous croyez encore en ce mot si peu orthodoxe - m'a donc emmené sur une route à l’extérieur de Ramallah qui dans mon souvenir était une autoroute qui menait à Jérusalem. Mais maintenant, sur la colline, elle se transforme en une route à l’abandon, à moitié goudronnée, bordée de magasins fermés par des volets rouillés et des ordures. La même odeur putride d’égouts à l’air libre plane sur la route. L’eau puante stagne, verte et flasque, en flaques au pied du mur. Ou Mur avec une majuscule. Ou, pour les journalistes prudents, "Mur de sécurité". Ou, pour les âmes délicates, "Barrière de sécurité". Ou pour les plumes désinvoltes, simplement "Barrière". Ou, si ses implications politiques vous font peur, "Clôture". Une clôture, comme ces clôtures de bois qu’on voit dans les champs. Ou - si vous voulez vraiment faire peur aux journalistes (…) Lire la suite »

Quand la bataille d’Idlib sera terminée, où iront les combattants qui ont juré de ne jamais se rendre ? (The Independent)

Robert FISK

Si l’armée syrienne a été entraînée à combattre en relief montagneux, c’est pour en finir avec l’occupation du Golan par Israël plutôt que pour en finir avec celle d’Idlib par Al Nosra. Après Idlib, le Golan ?

L’issue des guerres est difficile à prévoir. Sous le soleil blanc, la vaste plaine située sous le champ de bataille d'Idlib rôtit en silence - sans parler de la batterie d'artillerie syrienne de quatre canons de 130 mm déployée sur les hauteurs du mont Akrad et pointée sur les champs torrides et les villages déserts occupés par les islamistes à l'est. Dans les oueds humides qui rejoignent la rivière en contrebas, des troupeaux de vaches noires et blanches s’abritent sous les arbres. Près de la route principale, des soldats syriens se reposent sous les buissons. Il y a là plusieurs tanks T-72, dont les caisses sont enterrées et recouvertes de branches. Alors ça y est, me dis-je en roulant vers la ville de Jisr al-Chougour, au nord ? Elle est toujours aux mains d’Al Nosra, et les nombreux panneaux de signalisation m’indiquent qu’elle n’est plus qu’à 17 km - on s'habitue aux guerres et au fait que les panneaux signalent des endroits qui se trouvent de l’autre côté des lignes de (…) Lire la suite »

Israël construit 1 000 nouveaux logements sur des terres palestiniennes. Qui s’en indigne ? (The Independent)

Robert FISK
La même semaine où Uri Avnery, l’adversaire acharné du colonialisme, est mort à Tel Aviv, le gouvernement israélien a annoncé un nouveau programme de développement de sa colonisation massive de la Cisjordanie occupée. Les plans de 1 000 nouveaux 'logements' dans les 'lotissements' juifs – ce sont les mots qu’ils utilisent pour parler de ce qui est en fait un vol de terres - sont maintenant prêts, a-t-il dit mercredi, et l'approbation finale a été donnée pour 382 autres. Aujourd'hui, 600 000 Israéliens juifs vivent dans environ 140 colonies construites sur des terres appartenant à un autre peuple, le peule palestinien, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Il y a une sorte de voile de normalité qui recouvre tout ce qui touche au dernier conflit colonial du monde, et qui se traduit par l’indifférence aux chiffres et la mollesse des réactions à l'énorme entreprise de construction en territoire palestinien. La multiplication des toits rouges sur les hauteurs des collines de (…) Lire la suite »

L’évacuation des Casques blancs de Syrie est-elle le prélude de l’ultime bataille ? (The Independent)

Robert FISK
Grâce à Donald Trump, c'en est fini des "rebelles" de Syrie, trahis par les Américains - sûrement en fin de compte par Trump lui-même au cours des discussions secrètes qu’il a eues avec Vladimir Poutine. S'agira-t-il de la dernière bataille ? Pendant trois ans, Idlib a été le dépotoir de toutes les milices islamistes syriennes en retraite, la dernière citadelle de tous les combattants qui ont préféré continuer le combat plutôt que de se rendre à l'armée syrienne et à l'armée de l'air russe - et au Hezbollah et, dans une moindre mesure, aux Iraniens. Le général de brigade Suheil al-Hassan, le "Tigre" de la légende et du mythe militaire syrien - qui peut citer le poète Mutanabi par cœur mais préfère être comparé à Erwin Rommel plutôt qu'à Bernard Montgomery - conduira sûrement ses "Forces du Tigre" vers le dernier combat, le combat qui soldera les comptes entre le régime de Damas et les islamistes salafistes, armés par les occidentaux, qui ont osé essayer de renverser Bachar (…) Lire la suite »

Pour Jared Kushner les Palestiniens sont à vendre (The Independent)

Robert FISK

Après trois guerres, des dizaines de milliers de morts palestiniens et des millions de réfugiés, Kushner croit-il vraiment que les Palestiniens se contenteront de cash ?

N'y aura-t-il pas de fin à l'humiliation des Palestiniens ? Après Oslo, après la « solution des deux États », après les années d'occupation israélienne répartissant les Palestiniens en zones « A » et« C » suivant les modalités d’occupation définies par Israël, après la vaste colonisation juive de terres volées à ses propriétaires arabes, après les massacres de Gaza, et la décision de Trump de désigner Jérusalem, toute entière comme capitale d'Israël, va-ton oser demander aux Palestiniens de se contenter de cash et d’une misérable banlieue comme capitale ? Il n’y a donc pas de limite au cynisme ? Car les Palestiniens se verront bientôt imposer un« accord final » – « final », signifiant dernier, définitif, terminal, irréversible ; on tente le tout pour le tout, c’est à prendre ou à laisser, c’est le dernier avertissement, le jeu est fait, on remet les compteurs à zéro, c’est la fin de la partie, allez au diable. Une pauvre banlieue comme capitale, pas de fin à la colonisation, pas (…) Lire la suite »

En quête de vérité dans les décombres de Douma – et les doutes d’un médecin sur l’attaque chimique (The Independent)

Robert FISK
C’est l’histoire d’une ville appelée Douma, un endroit putride, ravagé, plein d’immeubles résidentiels défoncés, et où se trouve une clinique souterraine dont les images de souffrance ont permis à 3 des plus grandes puissances du monde occidental de bombarder la Syrie la semaine dernière. Il y a même un docteur sympa en blouse verte qui, alors que je le localise justement dans cette même clinique, me dit avec entrain que la vidéo du « gaz » qui a horrifié la planète – malgré tous les sceptiques – est absolument authentique. Les récits de guerre, cependant, ont pour habitude de tourner au cauchemar. Et ce même médecin-chef syrien de 58 ans ajoute ensuite une chose profondément dérangeante : les patients, dit-il, ont été exposés non pas à du gaz, mais à un manque d’oxygène (hypoxie) dans les tunnels jonchés de déchets, et dans les sous-sols où ils vivaient, au cours d’une nuit de grand vent et de bombardements intensifs qui ont déclenché une tempête de poussière. Tandis que le (…) Lire la suite »