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Pôle emploi : Les drôles de comptes de l’enquête « Besoin en main d’oeuvre » (BMO)

Pôle emploi publie depuis 10 ans son enquête BMO (Besoins en main-d’euvre). Les chiffres de l’étude sont souvent paradoxaux dans le contexte actuel de records du chômage en France. En effet, les derniers en date font état de projets de recrutement en hausse de 0,3% en 2012. Le hic est que Pôle emploi recueille parfois ces données selon des procédés dont la fiabilité est plus que relative, tout autant que les moyens mis en oeuvre. Tant pis pour le demandeur d’emploi.

Nous l’appellerons Jean. Il a travaillé (en CDD) pour Pôle emploi, participant spécifiquement à l’enquête BMO qui se déroule, pour réaliser ce bilan, traditionnellement en fin d’année pour publication dans les premiers mois de l’année suivante.

Le constat de Jean est sans appel : « je ne crois pas qu’il faille accorder quelque crédit que ce soit à l’enquête BMO ». Cette enquête est conjointement réalisée avec le CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie).

Jean détaille les moyens mis en oeuvre par Pôle emploi pour constituer une image tendancielle du marché de l’emploi, porteuse d’espoir pour les 3,18 millions de chômeurs français :

 Quinze CDD sur un mois juste avant noël, payés au SMIC ;
 Des répertoires téléphoniques et carnets d’adresses obsolètes :
 Des codes ROME (Répertoire Opérationnel des Métiers et Emplois ) non mis à jour ;
 Un logiciel peu adapté à la tache ;
 Des secteurs d’activités à contacter aux abonnés absents ;
 Du matériel d’appel désuet ou hors d’usage.

Chez Pôle emploi, un responsable explique que "ce n’est pas tant la méthode qui est à remettre en cause que la difficulté pour les chefs d’entreprises à répondre précisément aux questions"

TRAVESTIR L’INCERTITUDE EN CERTITUDES

Ce qui est bien dommage car Jean, lui, a mis toute sa bonne volonté pour les écouter. Mais ce n’est pas précisément ce qu’on lui demandait. Tout d’abord, il constate qu’il ne travaille pas directement pour Pôle emploi mais que ce dernier sous-traite au secteur privé, à Synerfil, du groupe Teleperformance. Il s’agit d’ un poids lourd de « l’expérience client externalisée ».

Contactée également, cette dernière société ne s’est pas montrée particulièrement pressée de commenter nos informations.

Chez Pôle emploi, le responsable affirme que sur les 26 régions passées au crible par l’enquête seules trois font appel à des sous-traitants (soit 15 bassins d’emplois sur 388). Parmi ces régions, l’une des plus importantes toutefois : l’Ile-de-France. Jean travaillait "sur" cette région.

Comme dans toutes les entreprises de services, chez Synerfil il faut faire du chiffre. Avec les moyens qui lui sont donnés, Jean pose les questions devant permettre de construire l’enquête BMO :

 Avez-vous des projets de recrutements pour l’année prochaine ?
 Pour quel type de poste ?
 Combien de personnels pour ce type de poste ?

Dans un premier temps, il est reproché à Jean d’être trop « à l’écoute » des interlocuteurs qu’il arrive à joindre. Pas bon. Il faut aller à l’essentiel.

Très vite se dessine un gros problème, du moins quand il s’agit de définir chiffres et statistiques fiables. En effet, l’employeur interrogé est très partagé sur la teneur des réponses qu’il peut donner.

« Notre travail était de travestir l’incertitude en certitudes ». Telle était la demande du responsable Synerfil sous pression car au bout de deux semaines, Pôle emploi, son « client » s’inquiétait du manque de résultats.

Donc avec une réponse du type : « il y aura sans doute des projets de recrutement, on ne sait pas vraiment dans quel secteur ni combien de personnes » nous cochions « oui » dans l’interface informatique se rappelle Jean.

FISSION MOLECULAIRE

Pour quel type de poste ? Réponse du style : « sans doute des ingénieurs, peut-être des commerciaux, probablement des administratifs ou des ouvriers ». En fait personne n’en sait rien mais est noté alors sans frémir : « Ingénieur, commercial, administratif, ouvrier ».

Et enfin, combien ? Cet élément est assez important pour déterminer "la tendance" au niveau de Pôle emploi mais sont éliminés les « peut-être » des réponses. En revanche est retenue la fourchette haute des estimations : Trois si la réponse était « deux ou trois, peut-être »....

Puis arrivait la question qui devait se rapporter au code « Répertoire Opérationnel des Métiers et Emplois » (ROME) pour évaluer les besoins en détail. Si l’interlocuteur répondait « nous cherchons des ingénieurs en énergie atomique » et que la liste ROME en est privée nous cochions « ingénieur en fission moléculaire », se rappelle Jean. Plus précis, tu meurs... L’important, dit le responsable de Pôle Emploi, est de savoir qu’il s’agit d’ ingénieurs qu’on recherche.

Mais tout ceci n’est, bien entendu, permis que si vous avez un contact au téléphone. Ce qui tient du miracle car, on le sait, peu d’actifs battent les mains de joie lorsqu’on leur demande de répondre à ce type de questionnaire. Sachant que ce sont, quand même, les petites entreprises qui se prêtent le plus facilement au jeu.

Enfin, un « central » est censé piloter des « fiches sociétés » classées par ordre d’importance « moins de 10 salariés », (plus de 300 salariés », etc… Mais des secteurs n’ont pas de fiches du tout comme ceux de l’audiovisuel, de la presse, du cinéma, de l’imprimerie ou bien encore de l’édition.

Sinon, Pôle emploi a rendu publique le 9 avril 2013, son enquête BMO pour 2013. Elle fait état de 1 613 100 projets de recrutement dans les 388 bassins d’emploi français. Ce qui correspond à 421 900 recruteurs potentiels. Chiffres "pondérés et retraités", selon Pôle Emploi qui ne peut chiffrer le coût financier de cette enquête.

Son responsable explique que depuis dix ans qu’elle existe, ses estimations ont "systématiquement été en dessous des réalisations, sauf en 2009 où l’on avait pas vu venir la crise". Une information qui va immédiatement rassurer, on s’en doute ,les usagers de ce service public.

Denis Thomas

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