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Pierre Overney : se souvenir

Des camarades de Nanterre me remémorent l’assassinat de Pierre Overney, ouvrier de chez Renault (dont il venait d’être licencié) abattu devant l’usine de Billancourt par Jean-Antoine Tramoni, un " agent de sécurité " , le 25 février 1972 à 14 heures 30.

Avec une dizaine de militants maoïstes, il distribuait des tracts appelant à une manifestation au métro Charonne pour rendre hommage aux militants antifascistes assassinés le 8 février 1962 par la brigade volante de la police alors qu’ils protestaient pacifiquement contre les crimes de l’OAS.

Overney fut abattu, non à cause de menées " terroristes " , mais parce qu’il était maoïste (comme July, Gérard Miller et d’autres) et qu’il dénonçait, au sein d’un Comité de lutte, les conditions faites aux travailleurs de l’entreprise. Vingt ans plus tard, le site Renault Billancourt serait fermé, avec force licenciements à la clé.

Sur les documents de l’époque (http://archivescommunistes.chez-alice.fr/gp/overney.pdf), on voit clairement Tramoni (un ancien de chez Massu) s’approcher des militants, un pistolet à la main brandi dans leur direction. Overney se protège avec une batte. A trois mètres d’Overney, Tramoni n’est pas physiquement menacé - d’autant que d’autres membres de la sécurité sont derrière lui -, mais il abat de sang-froid le jeune ouvrier d’une balle en plein coeur.

On peut se demander - la réponse n’est pas simple - si cet assassinat ne fut pas le grand tournant, non seulement de la période militante de l’après Mai 68, mais aussi d’un certain aggiornamento communiste et cégétiste. Le psychanalyste Gérard Miller, justement, évoqua un « effet de vérité ». Du côté maoïste, la mort d’Overney sonna le glas d’un ouvriérisme sans espoir parce que sans relais dans la classe ouvrière, et mit un terme à la tentation italienne ou allemande d’un gauchisme armé, donc meurtrier. En d’autres termes, il n’était plus question de s’essayer à produire des Tramoni d’extrême gauche. Du côté des organisations de masse, bien avant la chute du Mur de Berlin, il s’opéra indéniablement un glissement vers des attitudes plus " responsables " , plus conciliatrices, en un mot, plus social-démocrates. Lorsqu’ils n’avaient pas disparu, les partis communistes de l’Europe de l’Ouest marquèrent de moins en moins leur opposition au système capitaliste en tant que tel. Pendant ce temps, des quartiers ouvriers désemparés, en France ou ailleurs, rejoignirent l’extrême droite, souvent de manière durable (http://blogbernardgensane.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/07/06/henin.html#more).

Se souvenir d’Overney, c’est assumer l’héritage des luttes ouvrières, même si le jeune militant ne fut pas vraiment pleuré par Georges Marchais.

Le 4 mars, 120000 personnes (dont Sartre et Foucault) accompagnent Pierre Overney au cimetière du Père-Lachaise. Quatre jours plus tard, des militants de la gauche prolétarienne, dirigés par Olivier Rolin, kidnappent Roger Nogrette, un cadre de Billancourt, puis le libèrent deux jours plus tard. Sartre déclare : « Nous considérons qu’après la mort de Pierre Overney, étant donné que l’usine Renault-Billancourt est quasiment en état de siège, entièrement fermée par les CRS, et qu’on a licencié onze ouvriers dont cinq ont été arrêtés et inculpés, des événements tels que l’enlèvement de Robert Nogrette étaient prévisibles à brève échéance, et que ceux qui l’ont accompli ont certainement conçu leur acte comme une riposte normale à la répression qui sévit chez Renault ». Dans Le Monde, Raymond Barillon écrit : « Le meurtre du 25 février et le rapt du 8 mars ne sont que deux illustrations parmi des centaines de la fameuse crise de civilisation dont la réalité nous a explosé au visage il y a bientôt quatre ans, et qui a suscité depuis lors bien des discours et des gémissements, mais n’a provoqué aucune prise de conscience globale ni, surtout, aucune initiative fondamentale dans les milieux dirigeants, qu’il s’agisse du pouvoir en place, du patronat, du PCF ou de la CGT. » A l’époque, le quotidien consacrait beaucoup plus de pages aux problèmes sociaux, aux luttes dans les entreprises, qu’aux affaires boursières.

Le 23 mars, Jean-Antoine Tramoni est tué par d’anciens militants de la Gauche prolétarienne. Le 17 novembre 1986, le directeur de la Régie Renault Georges Besse est abattu par un « Groupe Pierre Overney », appartenant à la mouvance d’Action directe.

Carlos Gohsn est milliardaire.

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