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Pétition pour la défense de la langue française

« A chaque fois qu’affleure, d’une manière ou d’une autre, la question de la langue, cela signifie qu’une série d’autres problèmes est en train de s’imposer : la formation et l’élargissement de la classe dirigeante, la nécessité d’établir des rapports plus intimes entre groupes dirigeants et la masse nationale-populaire, c’est-à-dire de réorganiser l’hégémonie culturelle ». Antonio Gramsci, Cahiers de prison.

« Il ne restait de ce pays que son langage. Un beau langage qui servait à tout. Vous savez, comme on a chez soi une chose précieuse qui est là depuis si longtemps qu’on en use à n’importe quoi, à empêcher la fenêtre de se fermer, et le petit la prend comme une règle pour dessiner, et c’est un presse-papier si commode ! Qui donc se souciait que ce fût un pays, ce pays, et il est indiscutable que c’est un grand progrès que de perdre ce sens de la jalousie, cette haine du voisin, cet orgueil de son toit, un grand progrès sur les ténèbres, un grand progrès sur le néant ». Louis Aragon, poète et résistant.

Accompagnant la casse néolibérale et euro-atlantique du cadre national, des services publics et des conquis sociaux, une politique destructive de substitution systématique du « globish » à la langue française (pourtant « langue de la République » au titre de la Constitution…) affecte tous les aspects de la vie sociale en France. Entre mille exemples : Carrefour-Market lance une campagne intitulée Act for food ! ; Renault, Airbus et PSA basculent toute leur documentation technique à l’anglais ; des centaines de grandes entreprises, voire de « startup », obligent illégalement leurs salariés francophones à ne plus travailler qu’en anglais, pendant que la Poste lance « Ma French Bank », que la SNCF en voie de privatisation promeut ses Ouigo (lire we go), qu’EDF invite ses « clients » à « pulser », et que, plus grave encore, la contre-réforme Blanquer du lycée s’ajoute à la loi Fioraso et aux pratiques délétères de la direction de la Recherche pour faire de l’anglais, de la maternelle au Supérieur en passant par le CNRS, non pas une langue enseignée en France, mais une langue d’enseignement concurrençant et évinçant systématiquement le français (et se substituant de fait de toute autre langue étrangère !).

Il est clair qu’à terme, si ces pratiques continuent de se généraliser en France et en Europe (au détriment de l’allemand, de l’espagnol, de l’italien, du portugais, du russe, de l’arabe, du turc, du chinois, etc.), il n’y aura bientôt plus qu’une langue de prestige, celle de l’Oncle Sam et de Wall Street, ce qui portera un coup gravissime à la diversité culturelle qui fut toujours un aliment vital des échanges et de la culture. Le mauvais exemple est donné par Macron, qui ne perd jamais une occasion de jargonner en Globish devant les grands patrons et de promouvoir l’anglais comme langue internationale unique, non seulement à l’étranger mais en France même… Même si les intéressés n’en ont pour la plupart pas conscience parce qu’elle suit la mode, par mimétisme ou par « modernisme branché », cette invasion de la langue française par des mots ou des expressions d’origine anglosaxonne a contaminé jusqu’aux milieux populaires, voire militants : le tract n’est-il pas trop souvent devenu un flyer ? Il y a peu, des chercheurs en lutte défilaient derrière une banderole portant l’inscription Academic Pride…

Il faut dénoncer ces pratiques faussement anodines car elles sont le symptôme de l’allégeance sournoise à l’impérialisme occidental qui génère guerres et inégalités entre les hommes et entre les peuples. Du reste, des phénomènes identiques d’acculturation au détriment des langues nationales se déroulent en Europe orientale ou en Afrique, partout où l’impérialisme occidental est prégnant, économiquement et politiquement. Et nous sommes solidaires de tous ceux qui, en Roumanie, au Sénégal, etc. luttent pour la défense de leur langue et de leur culturel.

En France, derrière cette manœuvre antipopulaire de grande envergure et totalement soustraite au débat démocratique, on trouve le MEDEF : son ex-président, le baron Sellières, clamait ainsi en 2004 que l’anglais doit désormais « devenir la langue (sous-entendu : unique) de l’entreprise et des affaires » ; pratiquant de fait une « préférence nationale » inavouée, le CAC-40 n’embauche déjà plus guère que des « English Mother Tongue » (anglais langue maternelle) comme cadres supérieurs, pendant que l’OTAN a fait de l’anglais, y compris en France, la langue de travail unique des armées.

Quant à l’UE, elle ne craint pas, en plein Brexit et alors que l’anglais n’est plus la « langue officielle déposée » d’aucun Etat-membre, de promouvoir l’idée qu’il faut faire de l’anglais la langue officielle unique des institutions bruxelloises au détriment des autres langues nationales d’Europe. L’enjeu de cette politique de casse et de classe est énorme : il s’agit de renforcer le « marché unique » cher aux monopoles, de préparer la future « Union transatlantique » sous la houlette de Washington et de faciliter la mise en place des traités néolibéraux transcontinentaux (du type CETA, UE/Mercosur ou TAFTA).

En instituant la langue unique, les maîtres du grand capital rêvent de mettre en place un hypermarché continental et mondial de la force de travail qui, tout en humiliant les peuples non anglophones, en affaiblissant décisivement les nations existantes, en dévaluant les travailleurs actuels et futurs qui ne maîtriseraient « que » leur langue nationale (ou une langue étrangère autre que l’anglais), accentuerait brutalement la concurrence acharnée et le moins-disant social et salarial entre les prolétaires d’aujourd’hui et de demain : énormes avantages pour le grand patronat sur tous les terrains, social, politique, culturel...

C’est pourquoi, considérant que la résistance ne se divise pas et qu’elle comporte nécessairement une dimension culturelle et linguistique (comme le comprirent Lénine, Gramsci, Nicolas Guillen, Aragon…), nos organisations communistes appellent, non pas à proscrire l’anglais (qui, comme tel, n’est pas plus responsable que « le français », des prédations de type néocolonial que les impérialismes rivaux ont commises ou commettent encore en leurs noms), mais à combattre vigoureusement la POLITIQUE DU TOUT-anglais : c’est-à-dire la politique oligarchique et antidémocratique tentant à imposer une langue unique continentale, voire mondiale.

Nous communistes appelons donc à : · exiger des autorités, du patronat, des services publics et des collectivités publiques le respect et le renforcement de la législation visant à protéger le français ; · promouvoir un véritable apprentissage des langues étrangères dans leur pluralité dans le cadre de l’Education nationale (avec des maîtres qualifiés), y compris des principales langues de l’immigration de travail (ainsi que des langues régionales là où une demande significative existe) ; · reprendre et élargir le grand combat du PCF de Barbusse, d’Aragon, d’Eluard ou de Jean Ferrat pour la langue, pour la chanson francophone et pour des « lettres françaises » et francophones dans toute leur diversité (Wallonie, Suisse Romande, Afrique francophone, Québec…) ; non dans un esprit de « purisme » ou de fermeture aux autres cultures, mais pour favoriser un dialogue et une coopération égalitaires entre toutes les nations, toutes les langues et toutes les cultures nationales d’Europe et du monde. c’est-à-dire l’anglo-américain managérial…

Appel publié à l’initiative des organisations ou réseaux suivants (par ordre alphabétique) :

Association Nationale des Communistes (A.N.C.), Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe (CISC), Faire vivre et développer le PCF (FVD-PCF), Jeunes pour la Renaissance Communiste en France (JRCF), Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF), Rassemblement communiste (RC), et d’autres militants communistes engagés dans la résistance linguistique. PREMIERS SIGNATAIRES (o.a.) : Francis Arzalier, historien, professeur IUFM retraité, bureau de l’A.N.C., Collectif Polex 95 ; Paul Barbazange, PCF 34, Faire vivre et développer le PCF (FVR-PCF) ; Danielle Bleitrach, (PCF 13, FVR-PCF) ; Saïd Bouamama, Rassemblement Communiste (RC) ; Pascal Brula (PCF 69, FVR-PCF) ; Marie-Christine Burricand (PCF 69, direction nationale, FVRPCF) ; Michel Decourcelles (RC) ; Gilliatt De Staërck, conducteur de bus (50), responsable national des Jeunes pour la Renaissance communiste en France (JRCF) ; Christian Champiré, maire PCF de Genay (62) ; Jean-François Dejours, professeur de philosophie, militant communiste (62), syndicaliste ; Aurélien Djament, mathématicien au CNRS, syndicaliste CGT, militant communiste, resp. d’association linguistique (59) ; Marianne Dunlop (PCF 62, FVD-PCF) ; Madeleine Dupont, ancien PEGC français/anglais, trésorière nationale du Comité Internationaliste pour la Solidarité internationaliste (CISC), 62 ; Vincent Flament, rédacteur en chef de Solidarité de classe, bulletin du CISC, professeur de français (59) ; Roland Fodé Diagne (RC) ; Rachida El Fekaïr, médiathécaire, membre du secrétariat national du PRCF (81) ; Mireille Gabrelle (RC) ; Georges Gastaud, secrétaire national du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF), philosophe, fondateur d’une association internationaliste de résistance au tout-anglais (62) ; Dominique Haquette (RC) ; Jean-Pierre Hemmen, président du CISC (80) ; Charles Hoareau, syndicaliste International, président de l’A.N.C., 13 ; Fadi Kassem, secrétaire national adjoint du PRCF, professeur agrégé d’histoire (78) ; Razika Kerchouni, syndicaliste, bureau ANC, 93 ; Annie LacroixRiz, historienne, membre du Comité central du PRCF (78) ; Léon Landini, président de l’Amicale Carmagnole-Liberté des FTP-MOI, président du PRCF, Médaille de la Résistance, président d’honneur d’une association de lutte contre le tout-anglais (92) ; Claude Langlet (RC) ; Armand Lecoq (PCF 31, FVR-PCF) ; Pierre Lenormand, géographe, universitaire retraité, C.A. de l’ANC, 41 ; Jean Lévy, Blog Ca n’empêche pas Nicolas" ; Annette MateuCasado, coordinatrice de la direction du PRCF, militante de la culture catalane (66) ; Robert Malcles, historien, professeur retraité, C.A. de l’ANC, 30 ; Anne Manauthon (PCF 06, FVR-PCF) ; Pierre-Alain Millet, PCF 69, FVD-PCF ; Aymeric Monville, secrétaire de la commission internationale du PRCF, éditeur (92) ; Leila Moussavian-Huppe, PCF 67, FVR-PCF ; Moussa Naït (RC) ; Laurent Nardi, élu communiste de Passy (74), militant contre le tout-anglais ; Jean-Michel Padot, élu franchement communiste de Bully-les-Mines, militant contre le tout-anglais (62) ; Damien Parrot, dessinateur industriel, responsable JRCF (33) ; Hervé Poly (PCF 62, direction nationale, FVRPCF) ; Pierre Pranchère, président de la commission internationale du PRCF, anc. député, anc. Franc-Tireur et Partisan français (19) ; Jean Penichon, journaliste e, bureau de l’ANC, 75 ; Anna Persichini, trésorière nationale du PRCF, syndicaliste Métallurgie, 06 ; Gilbert Rémond, PCF 69, FVR-PCF ; William Roger (RC) ; Jany Sanfelieu, professeur de français retraitée, secrétaire à l’organisation du PRCF (89) ; Matthieu Seeburger (RC) ; Guillaume Suing (RC) ; Stéphane Toque, Paris, syndicaliste Énergie, bureau ANC ; Bernard Trannoy (PCF 33, FVR-PCF) ; Yves Vargas, philosophe, communiste sans parti (93) ; Mireille Villemin, bureau de l’ANC, 30

LES SIGNATURES DOIVENT ÊTRE ADRESSÉES À

djament.aurelien@orange.fr

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COMMENTAIRES  

16/10/2019 11:16 par J.J.

"Les signatures doivent être adressées à damen.aurelien@orange .fr"
Je me suis rendu à cette adresse, où j’ai découvert des choses fort intéressantes au demeurant. Mais comme je ne suis pas très doué, je n’ai pas trouvé où l’on pouvait adresser une signature pour cette pétition (que je signerais bien des deux mains et même avec les pieds, si c’était possible).

16/10/2019 19:16 par cunégonde godot

Défendre la langue française en restant dans la lessiveuse européiste : le type même de verbiage pour occuper le cerveau du militant de base...

17/10/2019 05:41 par babelouest

Je suppose qu’il suffit d’écrire un message à cette adresse en indiquant qu’on signe, et puis voilà.

Cunégonde, il est logique de défendre la langue française ET de vouloir sortir de l’union européenne tout de suite...
https://vk.com/club184486140
http://ennemieurope.eklablog.com/
ET par conséquent d’avoir sous le coude à la fois des éléments pour une nouvelle Constitution, et une Assemblée charger de l’écrire et la peaufiner.
https://ti1ca.com/56erqvle-2019-10-16-constit-a-modif-2019-10-16-constit-a-modif.pdf.html
https://www.pouruneconstituante.fr/

17/10/2019 14:06 par Jean-Yves Leblanc

Je soutiens complètement cette pétition car elle permet de mettre au grand jour une casse si évidente... que peu de gens la voient. Et l’attaque contre ma langue, le français, m’affecte très profondément.
Malheureusement, au-delà de son utile fonction dénonciatrice, je considère cette pétition comme une démarche désespérée. Et là, je rejoins Cunégonde.
Désespérée car semblable à la sauvegarde des "patrimoines". Quand il s’agit de sauver un patrimoine, c’est qu’il est en grande partie détruit. Une fois la destruction complète, on ouvre des musées : des musées du tissage, des mines ou de la sidérurgie. On exalte "la mémoire" en exposant des petits wagonnets sur les rond-points. Pour les langues défuntes, il reste les bibliothèques.
Désespérée aussi car pétitionner pour sauver la langue c’est un peu comme si on avait pétitionné en 1941 pour le départ des Allemands.
La langue c’est la nation. Quand on casse la nation, on casse la langue et inversement. Et la nation, ça se défend par une volonté politique (et parfois militaire), par un rayonnement économique, diplomatique, scientifique, culturel ... Défendre la nation et donc sa langue, c’est à l’opposé du vent libéral qui souffle de toutes parts : effacement national, européisme, liquidation de notre industrie, de nos savants, de notre recherche, de notre diplomatie, de notre culture, de notre souveraineté, trahison de nos élites, détestation de soi, effacement de notre histoire, découpage du pays en länder, ..
La machine tourne à plein : L’Alsace et la Moselle deviennent des territoires européens, on criminalise la Résistance ("l’épuration sauvage" !) ; Schuman devient le grand héros ; l’école, les médias - du feuilleton télévisé au bulletin municipal en passant par le magazine mutualiste - fustigent le "nationalisme" et la gôche "antifasciste" mène le bal.

Non on ne peut pas défendre le français tout en crachant sur le drapeau tricolore après avoir appris à notre jeunesse à cracher sur le drapeau rouge. Que la gauche se saisisse à nouveau du drapeau de la nation qui flottait en décembre dernier sur tous les ronds-points. Qu’elle l’unisse au drapeau rouge (comme le disait l’ancien PCF) et la langue française reprendra de l’avenir.
Sinon, dans quelques années, la France sera la Yougoslavie, c’est à dire détruite et dépecée en micro-états croupion dirigés depuis Bruxelles (Berlin) et le français sera un vernaculaire inapte à nommer les nouveaux objets et concepts.

18/10/2019 04:51 par BEYER Michel

SVP...LGS....donnez-nous la bonne méthode pour signer cette pétition !!!

18/10/2019 15:02 par Assimbonanga

L’anglais est devenu la langue universelle. On peut bien agiter notre petit drapeau ! A France Inter, Sonia Devillers ne prend même plus la peine de traduire certains extraits de films en anglais. Les jeunes qui vont faire des séjours linguistiques en Allemagne, se parlent en anglais. Et notre prési ne trouve rien de plus sexy que de démontrer qu’il speech l’english. C’est la défaite !
Tous les bourgeois savent pertinement que si leurs gosses veulent marquer une supériorité par rapport au populo, il faut les envoyer à Cambridge ou autre.
L’école abandonnée à la loi du marché.

18/10/2019 22:28 par Vania

Il est très important de signer cette pétition. Merci à dament.aurelien pour l’initiative.

19/10/2019 13:21 par Xiao Pignouf

Je ne sais pas si l’illustration de cet article a été utilisée sciemment, mais je vous conseille cette (longue) vidéo d’un linguiste :
https://www.youtube.com/watch?v=x3TQkQO_XMc

Je suis prof de français et ai été pendant près de 20 ans un bon petit soldat de la francophonie. J’ai toujours aujourd’hui la passion de l’enseigner, particulièrement aux étrangers.

Cet article est, je crois, le énième sur le sujet que je vois sur le GS et c’est toujours pratiquement la même chose : on veut protéger le français, cette petite chose fragile. Heureusement que les Gaulois n’ont pas rechigné autant pour parler le latin, la langue de Rome. On n’aurait eu ni la Renaissance, ni les Lumières, ni Balzac, ni Zola, ni Hugo... Enfin, je me fais l’avocat du diable, évidemment.

Le problème d’une vue du problème sous cet angle est qu’il n’apporte aucune solution. On réclame des lois qui obligeraient un supermarché ou une entreprise à communiquer essentiellement en français... Et ça changerait quoi ? D’abord, le loup est déjà et depuis longtemps dans la bergerie, je dirais même que les loups ont construit une ville autour de la bergerie. Mac Do, GAFA, Hollywood, musique, tout ça et encore davantage contribue à nous baigner constamment dans un bain anglophone. Qu’on s’en rende compte ou pas. Quelques mesurettes pro-francophones en direction de la SNCF et ses quatre clients ou de grandes surfaces ne risquent pas de faire dévier un état de fait déjà ancré.

Mon avis est d’abord que l’anglais utilisé dans le commerce, que ce soit en France ou ailleurs, est extrêmement appauvri, et de ce point de vue, ce sont plutôt les anglophones qui ont du souci à se faire pour leur langue. Cet anglais débilitant tend en plus à donner une très mauvaise image de cette langue, ils ont quand même eux aussi Shakespeare, Joyce...

Le problème face à cet anglais merdique de business, ce n’est pas de protéger la pauvre petite langue française en danger, mais de faire le bon constat et de se poser la bonne question : qu’est-ce qui fait que, culturellement, Ironman a une plus grande influence que Jules Verne dans la jeunesse d’aujourd’hui ?

La réponse se trouve en partie dans l’instruction, dans les écoles, les collèges et les lycées. La bibliophobie rampante dans la jeunesse, ce symptôme grave : quand ils ou elles ne lisent pas, ils se zombifient en ayant les yeux rivés constamment sur leurs écrans.

Si mesures il y a, elles doivent être d’abord faites dans cette direction, car celles proposées ci-dessus, c’est cautère sur jambe de bois. Instaurer une bonne fois pour toute la nocivité de ces engins et injecter du prof qualifié, du prof qualifié et encore du prof qualifié dans les rouages de notre système éducatif, voilà quelques autres solutions au problème !

Et qu’on ne se méprenne pas sur ce que je dis : il ne s’agit pas d’empêcher les jeunes de se plonger dans la culture américaine (en déclin, selon moi), mais de leur donner les outils adéquats pour en faire la critique et se défier de la propagande sous-jacente qui l’accompagne.

Ah oui, et accessoirement, tant que j’y suis, il s’agirait aussi d’améliorer substantiellement le statut des milliers de profs qui bossent (hors système EN) au renforcement de l’influence du français à travers le monde. Niveau retraite et reconnaissance, c’est proche du zéro pointé. Par contre, quand il s’agit pour nos importants de venir parader dans les cocktails d’ambassade et de s’auto-satisfaire de la grandeur de la France, ce genre de détail passe à l’arrière-plan.

Le français est une langue forte et vivace qui ne peut cependant survivre et s’enrichir que par le métissage. Les mots anglais parsèment notre langue sans la corrompre. Que dire d’autre que boycott ou DJ ? Mais d’autres langues ont aussi nourri la nôtre, sans que cette dernière n’en ait souffert. En chinois, France se dit Fàguó (法国) et langue française Fǎyǔ (法语), c’est-à-dire respectivement pays des lois et langue de la loi, tout bonnement parce que notre langue est la plus précise du monde, que ce soit pour légiférer ou pour aimer. C’est pas « Ouigo » ou « Ma French bank » qui vont changer ça. A condition qu’on l’enseigne correctement et que la lecture redevienne un acte d’émancipation.

Ceci dit, j’ai signé cette pétition, par principe.

PS : je crois que l’une des raisons pour lesquelles les universités proposent des cursus en anglais est de les rendre accessible aux étudiants étrangers, notamment chinois, auparavant en grosse situation d’échec dans des cours entièrement en français, d’où si je me souviens bien certains trafics de diplômes.

19/10/2019 15:57 par Assimbonanga

Il y a une mode qui m’énerve beaucoup actuellement. Les gens se sont mis à dire "c’est compliqué" à la place de "c’est difficile". Une chose peut être difficile sans pour autant être compliquée. Pas besoin de complexité pour éprouver la difficulté. Gravir un col de montagne à bicyclette n’a rien de compliqué, mais c’est difficile.
Or, les gens semblent se délecter de cette petite expression "c’est compliqué". C’est distingué de l’employer. C’est gentillet, mièvre, consensuel. Moi je trouve ça complètement trouduc.

19/10/2019 16:11 par Bernard Gensane

Parfaitement d’accord avec Assimbonanga. On entend "compliqué" 50 fois par étape du Tour de France. Je vois cela comme une fausse atténuation du discours qui vise à masquer que la vie des gens est de plus en plus dure. J’avais repéré cela avec l’expression “ belle journée ” au lieu de “ bonne journée ” (https://www.legrandsoir.info/belle-journee.html). Cette fois-ci, je ne pense pas qu’il y ait interférence de l’anglais, les Britanniques n’employant pas “ complicated ” à tour de bras.

19/10/2019 16:28 par Assimbonanga

Effectivement, pas d’interférence avec l’anglais. J’ai juste profité de l’occasion ! "Une fausse atténuation du discours", oui ! Quelque chose comme ça. J’ai l’intuition que ça a à voir avec l’abus de psychologie, en particulier autour des enfants que l’on plie dans du coton.

20/10/2019 00:46 par Vagabond

C’est vrai que face à la catastrophe qui menace toute la planète, guerres, environnement, économie...il faut se battre contre les transformations que subit la langue !
C’est vrai qu’en parlant correctement le français, les médias vont devenir transparents !
Belle lutte, je voulais dire, bonne lutte...

20/10/2019 09:12 par babelouest

@ Vagabond

Il y a une chose à laquelle il faut penser. Si la langue que l’on utilise est pauvre, en particulier en vocabulaire, les pensées subiront le même sort, faute de mots de support. Si nous ne pensons pas précisément dans notre tête, il en résultera des projets fumeux, des raisonnements sans consistance, on ne pourra plus se défendre contre une hiérarchie hostile,un environnement qui se dégrade...

C’est pourquoi il est si important que le plus tôt possible, les enfants puissent manier une langue cohérente et riche. Sur d’autres forums que celui-ci, certaines interventions sont tout simplement incompréhensibles. On ne sait pas où sont les phrases (souvent il n’y a ni points, ni virgules dans tout un paragraphe), le contexte est difficile à cerner en raison à la fois de fautes d’accord, de barbarismes, de mots plus ou moins inventés. Quand cette personne intervient toujours ainsi, elle n’est même pas lue. A l’oral se passeront des choses similaires. C’est grave, car intelligente ou pas la personne ne peut plus se faire comprendre, et souvent elle non plus ne comprend pas les autres. Où finira-t-elle ?

20/10/2019 10:37 par Pie Niouf

Je partage l’avis de Xiao Pignouf et j’ajoute que le meilleur moyen d’assurer la pérennité et l’expansion de notre langue réside dans le rayonnement de la France à l’étranger.
Or, depuis que nous sommes à la remorque de l’Europe, elle même arrimée à l’oncle Sam, nous n’avons plus la moindre lisibilité en matière de politique étrangère.
À cela s’ajoute la médiocrité croissante de notre enseignement universitaire qui attire de moins en moins d’étudiants étrangers.
Comment ensuite ne pas s’étonner du déclin de notre influence dans le Monde ?

De Gaulle a été, hélas, le dernier Président à avoir une stature d’homme d’État.
N’allez pas me parler de Mitterrand qui consultait des cartomanciennes pour prendre ses décisions ou des palinodies de Chirac, grand sachem d’un état voyou.
Et depuis Sarkozy, Hollande, Macron, notre pays est ridiculisé comme jamais.

20/10/2019 20:19 par Ouallonsnous ?

L’adresse dament.aurelien@orange.fr est rejetée comme inexistante, le GS serait il censuré par orange.fr ?

21/10/2019 08:53 par Toff de Aix

Camarades, ce texte n’est pas en écriture inclusive, c’est un scandale !

21/10/2019 11:45 par J.J.

Asimbonanga, Bernard Gensane @ Ce qui semble "très compliqué" actuellement, c’est de mettre des contrôleurs dans les TER. Quelle idée invraisemblable ! Comme d’ailleurs celle de réparer les lignes rendues hors service par la vétusté (si, si ça existe !).

21/10/2019 16:12 par Yannis

En réponse et appui aux propos de Xao Pignouf, enseignant également à l’étranger, je confirme que : "Ah oui, et accessoirement, tant que j’y suis, il s’agirait aussi d’améliorer substantiellement le statut des milliers de profs qui bossent (hors système EN) au renforcement de l’influence du français à travers le monde. Niveau retraite et reconnaissance, c’est proche du zéro pointé. Par contre, quand il s’agit pour nos importants de venir parader dans les cocktails d’ambassade et de s’auto-satisfaire de la grandeur de la France, ce genre de détail passe à l’arrière-plan."

Le réseau des Alliances françaises par exemple est délaissé financièrement et diplomatiquement par les autorités (qui préfèrent investir désormais directement dans l’aide au commerce pour les multinationales fr., certaines écoles servant surtout de faire-valoir et de centre de formation linguistique pour des entreprises fr. implantées à l’étranger).

Or régulièrement les candidats à la présidentielle se vantent des mérites éducatifs et culturels des Af dans le monde, qui contribuent au rayonnement tricolore (entendre la richesse du CAC40). Pourtant, une fois à l’Élysée, Macron nomme une rwandaise anglophone au poste de présidente de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), un comble, pour faire plaisir aux intérêts USA/UK dans les Grands Lacs en Afrique... Plus que de l’hypocrisie ou du désintérêt, c’est du dynamitage institutionnel.

Cependant le français est (encore pour combien de temps ?) la deuxième langue la plus apprise dans le monde après l’anglais, pour diverses raisons, à commencer par le charme, et les références culturelles de notre langue - celles-ci s’effilochant à grande vitesse.

C’est désormais en Afrique que se trouvent le plus d’espoirs pour la persistence de l’usage international du français : des Chinois entrepreneurs sur ce continent préfèrent apprendre le français pour communiquer sur place, dans la partie francophone de l’Afrique évidemment, un gros morceau de ce continent, et parler... bizness, voire plus !

22/10/2019 12:53 par HUGO

La bonne adresse de messagerie pour valider un nom et une signature est :

djament.aurelien@orange.fr

22/10/2019 22:21 par babelouest

Merci @Hugo.

Aurélien Djament ? Ah mais oui, lui je le connais.Je me souviens avoir longuement parlé avec lui, c’était à Nantes il me semble.

23/10/2019 09:30 par HUGO

A babelouest

C’est bien ça effectivement. Aurélien est membre du Front Syndical De Classe et professionnellement, mathématicien au CNRS.

24/10/2019 09:04 par Gub

@Assimbonanga :
Le mot “compliqué” roule les mécaniques : “KPLK”, avec le “L” qui huile les rouages... Il jouerait sourdement le rôle d’une onomatopée, un peu comme jadis les “bistanclaque-pan” (“...BSTKLK-P...”) des métiers à tisser “Jacquard”, menés bon train par la dextérité des Canuts lyonnais, sur les pentes d’une Croix-Rousse alors ouvrière et fière.

24/10/2019 10:56 par Assimbonanga

Autre truc bizarre. Sur France Inter, les bulletins météos. Désormais les nuages ne vont plus de quelque part à autre part, ils vont de de quelque part vers autre part. Vers ? C’est vague, imprécis. On n’oserait même plus dire franchement le lieu d’arrivée ? C’est dingue. Je ne comprends pas ce qui se passe. Toutes les speakerines ont adopté cette manière.
Merci @Gub. Les ouvriers, ça n’existe plus. Maintenant, ce sont des collaborateurs ! ;)
Desintox à la langue de bois, en plus de la desintox au globish.

25/10/2019 14:02 par Assimbonanga

Un danseur fait des heures de barre.
Un pianiste fait des heures de gammes.
Un footeux fait des assouplissements, des étirements, des abdominaux.
Pourquoi les présentateurs de radio et de télévision n’ont-ils pas des obligations quotidiennes de grammaire, orthographe, vocabulaire et pièges de la langue française, avec un complément de classiques de la littérature ?

26/10/2019 10:38 par placide

Attention l’adresse email est erronée
c’est Djament.aurelien [.a r o b a s e :] orange.fr [supprimer la partie entre crochet et remplacer arobase par @]

27/10/2019 05:49 par babelouest

Pour raffermir ses méninges à propos de la langue française, avec le Bled ou le Bescherelle, rien de tel que les six volumes de Lagarde et Michard, qui m’ont bien servi à l’école, et qui sont toujours à portée de main. C’est probablement indispensable pour tenir le coup face aux énormes, de plus en plus énormes coups de boutoir des pro-langue des affaires, ce salmigondis, cette cochonnerie (désolé pour les cochons) faite surtout, je pense, pour accentuer la pagaïe en France et dans les pays francophones, bien que toutes les langues soient touchées par ce raz-de-marée. Il est important de savoir dans quelle langue l’on pense.

Le Lagarde et Michard m’a bien servi, pour compléter le panorama de la langue et de la littérature françaises, dont voici un lien ici. Il est recommandé de l’imprimer sur du A3 et en couleur (au moins la première page) vu tout ce qu’il y a dessus. J’ai pris la peine de mettre en valeur les œuvres des dames, hélas un peu trop souvent en arrière-plan.

27/10/2019 16:10 par Autrement

Lagarde et Michard...
"Ô souvenir, printemps, aurore !"
Ils ont accompagné mes débuts dans l’enseignement, au lycée de filles de Dijon.
La première année, j’avais des 6e et des 2nde, que j’ai suivies ensuite en 5e et en 1ère. Les 6e avaient le "Plaisir de lire" ; je me rappelle le premier texte que nous avons expliqué : c’était un extrait d’Albert Camus dans "La Peste", qui parlait de la solidarité. Il a eu tant de succès que nous en avons même fait un court passage en dictée, mais là, j’ai dû complètement revoir mon barème, car pour mon premier essai de l’autre côté du bureau, j’avais vu trop grand et je m’en serais voulu de décourager même les cancres avérés. De sorte que tout le monde se retrouva content.

Mes 6e adoraient le latin, les déclinaisons, les cas, bien commodes pour ne plus jamais confondre l’attribut du sujet et le complément d’objet direct (quand je pense aux "prédicats" qu’ont voulu faire passer pour de la grammaire de prétentieux ignares sous Belkacem, j’ai envie de la rosser, cette bonne femme). Je me rappelle entres autres une petite brune aux grands yeux noirs, douce et calme, toujours passionnément attentive : elle eût traduit du Cicéron au bout de trois mois si c’eût été au programme. J’y insiste car elle était fille de cheminot, comme je l’appris lors d’un conseil de classe. L’histoire de Romulus et Rémus les charmait. Un petit nombre rechignait : c’étaient des gosses de riches, des esprits supérieurs, mais je les aimais bien quand même.

En seconde, elles étaient 32. Mais je faisais comme j’avais vu faire mes parents, profs de philo en terminale tous les deux : chaque copie corrigée était une leçon particulière. Moyennant quoi elles voulaient toutes faire des exposés pour montrer qui elles étaient. Je me rappelle la naissance de Pantagruel : rire ou pleurer ? Montaigne et les guerres de religion, Agrippa d’Aubigné : "La terre n’aime pas le sang ni les ordures" (cité par Jean Ferrat dans une célèbre chanson censurée). Les poètes de la Renaissance étaient bien présents pour la Deffence et Illustration, beaucoup de Pascal (je défendais les Jansénistes contre le clan du catéchisme jésuite inculqué par l’aumônier), et trop peu de Descartes - qui écrivit le Discours de la méthode en français, contrairement à d’autres de ses oeuvres, non pour seulement plaire au roi, mais parce que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée (contrairement, bien sûr, à la richesse ou aux titres de noblesse), comme le prouvent les Gilets jaunes ; beaucoup de Voltaire, mais trop peu de Diderot et surtout de Rousseau, présenté comme admirable rêveur, mais presque ignoré comme politique... Puis les XIXe et XXe...En tout, rien que de beaux textes nourrissants.

Mais la directrice veillait. Mes 2nde n’avaient pas le droit d’emprunter à la bibliothèque Stenhal in extenso : trop immoral,"les parents se seraient plaints". Puis elle pratiquait des fouilles dans les cartables et les casiers des internes, et s’en vantait. Je me souviens du jour de ma première rentrée. Elle avait notamment convoqué les jeunes collègues pour leur inculquer les bons principes. Je n’avais pas encore rencontré mon futur mari, chanteur et guitariste grec, vie aventure et père de mes deux enfants, eux-mêmes adeptes du hors-piste social. Je la revois nous apostrophant sur le ton de la confidence indignée, les yeux un peu égarés, pour nous parler du résultat de ses fouilles : "Mesdemoiselles, elles - en - savent - plus que vous !"

Comme la première année j’ai été chargée aussi du cours d’instruction civique (elle ne savait pas que je venais d’adhérer au PCF, mais avait dû avoir quelques rapports inquiétants par le canal de l’aumônier), elle était venue m’inspecter, par prudence, dans un cours sur Britannicus, dont elle sortit réconfortée, car elle avait tout de même du sens littéraire. Mais ce fut la première et dernière fois qu’on me confia le cours d’instruction civique...
Lagarde et Michard...

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