Depuis hier, Daniel Mermet, animateur de "Là -bas si j’y suis" sur France Inter, diffuse dans son émission une interview au long cours de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks. L’homme est assez rare. Sauf en ce moment puisqu’il est en pleine promotion de son livre Menace sur nos libertés, comment Internet nous espionne, comment résister. Il a ainsi reçu Le Point, L’Express, Sud-Ouest, Europe 1 et de nombreux autres médias. France Inter et Mermet font partie de cette tournée, mais c’est tout de même un évènement que d’avoir deux heures d’interview d’Assange.
Vendredi 15 mars, Mermet et l’équipe de "Là -bas" réalisent donc un spot d’autopromo pour diffusion sur l’antenne d’Inter, afin d’appâter l’auditeur. Le responsable de la programmation de ces spots, Eric Oswald, donne son accord pour cinq passages à l’antenne à partir de lundi 18 jusqu’au mercredi 20 mars, jour de diffusion de la première partie de l’interview. Seulement, voilà , nous sommes le jeudi 21 mars et ces spots d’autopromo ne sont jamais passés à l’antenne d’Inter.
Pourquoi ?
Vendredi 15 mars, lorsque la direction apprend que Mermet a prévu de diffuser des spots d’autopromo, elle demande d’abord à écouter l’intégralité de l’interview. Une fois l’écoute terminée, Laurence Bloch directrice adjointe de France Inter, fait savoir à Mermet que les spots ne seront pas diffusés. Motif : la direction refuse de diffuser des messages sur un tel sujet.
Mermet prend donc sa plume pour écrire un mail à Philippe Val, le directeur, à Bloch et à Jean-Luc Hees le PDG de Radio France. "Julian Assange, classé parmi "les cent personnalités les plus influentes au monde" par Time Magazine, n’est jamais passé sur France Inter, ni nulle part à Radio France", souligne Mermet. Et il ajoute : " je ne comprends pas ce choix (de ne pas faire d’autopromo, NDLR) et je tiens à vous faire part ma plus totale incompréhension devant ce refus. Autour de ce livre, d’autres médias (Le Monde, Le Point, L’Express, BFM, Europe 1...) préparent des sujets pour les jours prochains". Ce mail est resté sans réponse.
Contactée par @si, Laurence Bloch n’a pas répondu à notre appel. D’autres à la direction "s’étonnent de cette polémique en arguant du fait que l’interview est diffusée, qu’il y a deux heures d’Assange sur Inter et qu’il n’y a aucun complot à voir là -dessous". D’après les informations qu’@si a pu recueillir, la direction de la station aurait demandé à la rédaction d’en diffuser éventuellement quelques extraits à l’antenne. Cela ne s’est pas fait. Ni dans la matinale, ni dans les sessions d’infos de la journée. De même, le service de presse de la radio a "fait le job" en envoyant à la presse un communiqué aux journalistes pour l’informer de cette interview.
Toutefois, dans les travées de la radio, d’autres analysent l’incident comme une nouvelle preuve de l’inimitié entre Philippe Val et Daniel Mermet. En effet, entre Mermet et Val, les relations sont très compliquées. Une amitié déçue. En 1998, lorsque Val dirige Charlie Hebdo, les deux hommes sont proches, ils participent tous les deux à la fondation du mouvement ATTAC et Val est souvent invité dans "Là -bas si j’y suis". Et puis vient la guerre au Kosovo, en 1999. Val est pour, Mermet contre. Première anicroche. Viendront ensuite les débats sur la guerre en Irak, ou sur le Traité constitutionnel européen, éloignant de nouveau les deux hommes. Et ce jusqu’à l’affaire du licenciement par Val de Siné, le caricaturiste de Charlie, proche de Mermet (@si a consacré tout un dossier à cette "guerre des bulles")
La rupture atteint son summum lorsque Val prend ses fonctions de directeur d’Inter en 2009. Mermet et l’équipe de "Là -bas si j’y suis" décident alors de saluer l’arrivée de Val. Et ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Dans un billet ironique, Mermet avait taclé Val. "En dénonçant avec courage des figures nauséabondes comme celle du dessinateur Siné ou du journaliste Denis Robert, du dessinateur Lefred-Thouron ou du négationniste américain Noam Chomsky, Val a montré qu’il avait pleinement réussi à évoluer avec pragmatisme du côté du manche sans rien perdre de cette impertinence libertaire qui est la marque de fabrique de cet homme de gauche. Mais Philippe est aussi un chef d’entreprise avisé. C’est d’une main ferme qu’il a conduit son journal Charlie Hebdo, là où il se trouve aujourd’hui. Et certains pensent bien qu’il pourrait faire la même chose avec France inter. Aujourd’hui, familier des plateaux de télévision, penseur reconnu de l’élite médiatique, il tutoie nos plus brillantes personnalités, de BHL à Carla Bruni. Certains, à France Inter, assurent donc que cette petite incartade autour des spots d’autopromo n’est qu’une nouvelle illustration de la détestation réciproque que se vouent Val et Mermet. "La direction a fait une erreur, mais ce n’est pas comme si elle avait censuré l’interview. Mermet en fait des tonnes sur cette histoire", note ainsi un fin connaisseur de la station. Difficile de lui donner tort...
Source : http://www.arretsurimages.net/vite-dit.php