Pakistan. Les activistes contre les drones qui incluent des gens qui ont perdu leurs grands-mères, frères et enfants dans des attaques à contrôle à distance des avions sans pilotes, voient clairement que le gouvernement pakistanais condamne publiquement les attaques étasuniennes mais qu’en privé, il les facilite, c’est pourquoi ils ont entrepris une série d’activités judiciaires et d’actions directes pour exiger qu’il y soit mis fin.
Un des critiques les plus virulent du programme de drones étasunien au Pakistan a été arrêté, torturé et interrogé par les agences d’intelligences du pays pendant 9 jours au mois de février. Il n’y a eu ni confirmation officielle ni explication concernant la détention de Kareem Khan, mais ce ne fut pas nécessaire.
Khan a irrité les agences de renseignement, tant pakistanaises qu’étasuniennes, avec un recours judiciaire. Le Gouvernement du Pakistan dénonce officiellement les attaques aériennes, mais en privé ses agences militaires et de renseignement facilitent le travail de la CIA. Plus de 3 000 personnes ont été assassinées dans ce pays par des avions sans pilotes depuis 2004.
Les attaques ont lieu dans les Zones Tribales sous Administration Fédérale (FATA), une région frontalière avec l’Afghanistan, qui fait partie du Pakistan mais n’est pas régie par sa constitution. La région est régie par le Règlement sur les Délits Frontaliers, une loi qui date de l’époque coloniale britannique et qui permet les châtiments collectifs, comme les incendies de hameaux entiers ou l’expulsion de tribus dont les membres agissent à l’encontre du gouvernement fédéral. Un fonctionnaire désigné par le gouvernement fédéral coordonne les activités avec les tribus et est l’unique autorité qui peut agir comme juge dans les cas pénaux.
Ce précaire système légal rend difficile de faire mettre en jugement les autorités responsables des morts, que ce soit celles attribuées à des militaires - il y a plus de cent mille soldats étasuniens stationnés à FATA – ou dues à des attaques par avions sans pilote étasuniens.
Mais cela pourrait changer, à mesure que de plus en pus de personnes portent plainte, tant contre les autorités pakistanaises que contre les étasuniennes, pour la mort de leurs êtres chers morts dans les attaques de drones.
Il était 9h30 du soir le 31 décembre 2009, quand la maison de Khan (au Waziristân du Nord, FATA, près de la frontière avec l’Afghanistan) fut attaquée par une série de missiles Hellfire depuis un avion sans pilote étasunien. Le fils de Khan, âgé de 18 ans, Zahinuallah, et son frère Asif Iqbal, de 35 ans, furent assassinés. Khaliq Dat, un maçon qui travaillait à la construction d’une mosquée locale et qui séjournait dans la Hujra, une habitation adjacente mourut lui aussi cette nuit là.
Khan présenta des charges d’homicide contre John Rizzo, ex directeur de la CIA, et Jonathan Banks, chef de l’Agence au Pakistan en tant que responsables du programme de drones. Le chef de la CIA au Pakistan est l’officiel le plus haut placé dans le pays et son identité est un secret bien gardé, ce qui fait que lorsque son nom apparut sur des documents judiciaires, il fut rapidement rappelé hors du pays.
L’attaque aérienne qui a tué les proches de Khan, semblerait avoir également causé la mort de Hajji Omar, un ex haut commandant des talibans. Les rapports annonçant la mort de Hajji Omar étaient surprenants – il avait été rapporté qu’il était mort dans une autre attaque plus d’un an auparavant. Jusqu’à ce que Khan se présente avec sa version de l’histoire, les informations d’actualités citèrent des fonctionnaires Pakistanais et Étasuniens anonymes qui prétendaient qu’aucun civil n’était mort dans l’attaque. Pour les activistes anti-drones comme Khan, c’est cela le problème avec les avions sans pilotes. Les États-Unis insistent sur le fait que cette technologie permet un meilleur respect de la vie que la guerre conventionnelle, puisqu’ils peuvent faire la discrimination entre les militants et les civils.
Les drones peuvent tourner au-dessus d’un lieu pendant plusieurs jours, espionnant les personnes pendant qu’elles effectuent leurs activités quotidiennes, en attendant l’opportunité claire pour tuer une personne sans dommages collatéraux. Mais même ainsi, les attaques assassinent des civils. Le fil de Khan, par exemple, travaillait comme gardien dans une école où son frère était professeur.
« Eux, (les étasuniens) ils tuent, tout simplement et peu leur importe qui », accuse Khan. « C’est seulement après qu’ils attribuent aux morts le statut de terroristes ».
Dans l’après-midi du 24 octobre 2012, Nabeela, de 8 ans était en train de récolter l‘okra dans les champs familiaux en compagnie de ses deux frères et de sa grand-mère, Mamana Bibi, de 68 ans. A ce moment, un drone, qui volait en cercle depuis des heures, lança deux missiles. « L’explosion eut lieu très près de nous. Elle fut tellement forte qu’elle me projeta en l’air avant de me plaquer contre le sol », raconte Nabeela aux enquêteurs d’Amnesty International. Quand elle est revenue à elle, Naabela a trouvé sa grand-mère, morte. « Nous avons rencontré son corps mutilé peu après. A cause de l’explosion il était fort loin. Nous avons ramassé les différentes parties du corps et nous les avons enveloppées dans un foulard ».
Quand les frères de Nabeela accoururent sur les lieus pour porter secours, le drone lâcha contre eux une autre salve de missiles.
L’attaque s’est déroulée dans une zone rurale, non loin de la maison de Mamana Bibi, et à plus de 3 mille mètres de la route la plus proche, c’est pourquoi il est difficile de comprendre pourquoi l’opérateur de drones qui observait la grand-mère depuis des heures prit soudain la décision de l’attaquer.
A ce moment les actualités citèrent des fonctionnaires pakistanais anonymes qui déclarèrent que trois militants avaient été tués dans cette opération.
“Avant même que nous soyons nés, ils nous ont déjà catalogués comme terroristes” avertit Khan.
L’attaque qui a tué la grand-mère de Nabeela a entraîné d’autres plaintes devant les tribunaux pakistanais contre le personnel étasunien et en 2023 Nabeela s’est rendue à Washington pour témoigner devant le Congrès au sujet des drones.
En mai 2013, un tribunal supérieur du Pakistan émit un jugement historique, qui déclare que le gouvernement fédéral était complice et de voulait pas arrêter les attaques. La cours ordonna au Gouvernement de porter la question devant l’Organisation des Nations Unies (ONU) et, si le programme continuait, de prendre des mesures plus fortes, comme le gel du budget de ‘OTAN ou d’abattre les drones. Mais le gouvernement pakistanais n’accomplit pas la sentence.
Les drones décollent de bases afghanes et sont contrôlé par des pilotes qui sont dans des sièges aux E.U.. Des caméras sophistiquées recueillent d’énormes quantités de données qui incluent les conversations sur téléphone cellulaire qui sont utilisés dans la zone - et qui sont transmises à travers les réseaux vers les pays européens. Il faut plus d’une centaine de personnes pour coordonner le vol d’un seul drone, incluant des experts du renseignement qui analysent les prises de vue depuis les drones, en direct, et les mettent en relation avec les contenus des conversations téléphoniques interceptées. Beaucoup d’entre aux travaillent en étroite collaboration avec des agences d’intelligences d’Europe, c’est pourquoi les victimes ont également déposé des plaintes contre les pays européens.
Noor Khan (sans relation avec Kareem Khan) dont le père a été assassiné dans une attaque au Waziristân du Nord en 2011, présenta son cas au Royaume Uni. Il demanda des explications aux agences de renseignement de ce pays pour son appui logistique au programme de drones des E.U. Autour de 10h45 du matin, le 17 mars 2011, des avions sans pilotes commencèrent à tirer contre une réunion de plus d’une centaine d’ancien des tribus qui réglaient une querelle au sujet d’une mine locale de chromite.
Les journalistes du Bureau de Journalisme d’Investigation, qui a son siège au Royaume Uni, rapportent que 42 civiles moururent ce jour-là, mais les fonctionnaires étasuniens continuent à d’affirmer que tous les morts étaient des Talibans. « Ces personnes n’étaient pas réunies pour une vente de gâteaux », allègue un fonctionnaire étasunien au New York Times en 2011. « C’étaient des terroristes ».
Vu que les cas judiciaires contre des attaques avec des avions sans pilote s’amplifient, d’autres activistes se mettent à utiliser d’autres manières de faire pression sur les États-Unis.
A trente kilomètres à l’Est de la frontière avec l‘Afghanistan dans un kiosque d’une autoroute, les volontaires comme Nazzar Muhammad, de 55 ans, font une tournante pour vérifier les conteneurs de charges destinés à l’Afghanistan. Des centaines de camions passent par le kiosque tous les jours en route vers le passage de la frontière à Torkham. Les manifestants occupent le kiosque depuis décembre 2013, dans une tentative de couper la route de l’approvisionnement crucial entre la cité portuaire du Sud de Karachi et les troupes de l’OTAN en Afghanistan.
L’Afghanistan ne dispose pas de sortie vers la mer, ce qui fait que tout ce qui est nécessaire aux troupes étasuniennes et de l ‘OTAN doit passer par voie des airs ou dans des camions. Pendant la dernière décennie, la majorité des approvisionnements utilisés par les troupes étasuniennes en Afghanistan – depuis la nourriture jusqu’aux Humvees blindés – est arrivé par la route qui est bloquée par les manifestants près de Torkham ou par une autre route au sud-ouest de là, vers un autre passage de la frontière à Chaman.
“Nous n’abandonnerons pas tant que les drones ne cesseront pas” explique Mohamed. Il se tient debout au côté d’un flux constant de camions abondamment décorés et d’autobus pleins qui se dirigent vers la frontière, beaucoup actionnent leurs klaxons ou crient des slogans de soutient aux manifestants.
Avec le blocage de la route d’approvisionnement, les États-Unis doivent dépenser plus d’argent pour trouver des solutions de rechange, plus de cent millions de dollars par mois, selon les fonctionnaires étasuniens. A mesure que s’achèvera la guerre d’Afghanistan en 2014 et que les troupes et équipement devront être transportés, les routes d’approvisionnement seront toujours plus importantes.
« Je ne suis pas certains que les attaques de drones vont s’arrêter » fait valoir Kareem Khan. « Mais même si elles ne s’arrêtent pas nous continuerons à faire ce que nous pouvons ».
2 mars 2014
Article lié : Kareem Khan : Un conocido activista pakistaní anti-drones denuncia que fue secuestrado y torturado – RT
Traduction espagnole Clayton Conn pour Pakistán, los ciudadanos contra los drones « Desinformémonos
Traduction française Anne Wolff