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ONU / Syrie : Allocution du Dr Bachar al-Jaafari au lendemain de la destruction de l’IL-20 russe...

Pour mémoire, il s’agit ici de la réunion mensuelle du Conseil de sécurité réuni pour la 55ème fois afin de discuter de la situation en Syrie [1].

Merci Monsieur le Président,

Permettez que je présente mes chaleureuses condoléances à mon ami et cher collègue, l’Ambassadeur de la Fédération de Russie, pour toutes les victimes tombées en martyrs, hier, du fait de l’agression israélienne sur la ville de Lattaquié.

Les martyrs de nos alliés russes en Syrie sont nos martyrs : même sang, même ennemi, même victoire sur le même terrorisme.

Avec nos alliés nous sommes associés dans la stratégie de guerre contre le terrorisme en Syrie, dans la région et dans le monde, en paroles et en actions.

Monsieur le Président,

Mon pays condamne cette nouvelle attaque israélienne. Elle vient s’ajouter aux politiques agressives d’Israël, à ses tentatives désespérées de soutien aux groupes terroristes démoralisés par leurs successives défaites face à l’Armée arabe syrienne déterminée à nettoyer le pays de leur souillure, à ses violations provocatrices et permanentes de l’Accord de désengagement de 1974 et des résolutions du Conseil de sécurité relatives à cet accord, notamment la résolution 350 (1974).

Une fois de plus, mon pays demande au Conseil de sécurité d’assumer ses responsabilités quant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, et de prendre des mesures fermes et immédiates afin de juger de la responsabilité d’Israël, de ses crimes et de son terrorisme, lesquels constituent des violations flagrantes de la Charte des Nations Unies et des dispositions du droit international.

Ici, je m’arrête pour souligner avec beaucoup de tristesse, mais sans surprise, que dans leurs communiqués portant sur les aspects humanitaires et politiques de la scène syrienne, ni l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, ni le Coordonateur des affaires humanitaires n’ont abordé le rôle destructeur d’Israël. Tout comme ils n’ont pas abordé le terrorisme, lequel se revivifie dans mon pays, en sachant que mon cher ami, Monsieur de Mistura, n’ignore pas que nos accords de Genève portent sur quatre « paniers », dont le panier du terrorisme !

Des accords qui devraient, par conséquent, interdire à MM. de Mistura et Lowcock de faire l’impasse sur le terrorisme interne et externe, d’autant plus que deux attaques israéliennes viennent de se succéder en l’espace d’une seule semaine. Mais, il semble qu’aucun membre de ce Conseil n’en a entendu parler !

Monsieur le Président,

L’ignorance délibérée de tous les renseignements que nous avons transmis depuis sept ans et demi ainsi que les déformations de la vérité, pratiquées par certaines délégations d’États membres permanents de ce Conseil, ont atteint un niveau sans précédent. Je n’agis pas de la sorte. Je veux dire que je n’invente pas d’histoires ni ne porte de fausses accusations en des termes misérables et illégitimes. Je les accuse sur la base des déclarations de leurs propres représentants ou de membres de leurs gouvernements.

Aussi, permettez que je rappelle à mon collègue, délégué de la France, les paroles de M. Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères de son pays, lors d’une émission de BFM TV en juin 2013. Je cite :

« Il y a deux ans à peu près, avant que les hostilités ne commencent en Syrie, je me trouvais en Angleterre pour d’autres choses, pas du tout pour la Syrie. J’ai rencontré des responsables anglais et quelques uns, qui sont mes amis, m’ont avoué, en me sollicitant, qu’il se préparait quelque chose en Syrie. C’était en Angleterre et pas en Amérique ! L’Angleterre préparait une invasion de rebelles en Syrie [...] C’est pour dire que cette opération vient de très loin. Elle a été préparée, conçue, dans le but très simple de destituer le gouvernement syrien parce que, dans la région, il est important de savoir que ce régime syrien a des propos anti-israéliens [...] J’ai la confidence du Premier ministre israélien, qui remonte à très longtemps, qui m’avait dit : on essaiera de s’entendre avec les États autour et ceux qui ne s’entendront pas on les abattra ! » [2].

Fin de citation. Mais c’était une autre France ! C’était la France de François Mitterand. C’était la France de de Villepin et de Chevènement. C’était la France de Roland Dumas... [Paroles dites en français ; NdT].

À ce premier témoignage, j’ajouterai un deuxième tout aussi important ; celui du Colonel Lawrence Wilkerson qui fut le chef d’État-Major du secrétaire d’État Colin Powell. Dans un entretien accordé à Real News TV le 11 septembre 2018, il a déclaré :

« Les fauteurs de guerre sont à la recherche de n’importe quel prétexte pouvant justifier une éventuelle attaque contre la Syrie, pays qui se trouve être leur deuxième cible après l’Irak, avant d’atteindre leur cible ultime : l’Iran [...] Les USA, la Grande-Bretagne et la France ne disposent d’aucune preuve concernant l’utilisation d’armes chimiques par l’État syrien. Les agents de leurs services du renseignement, présents illégalement sur le territoire syrien, n’ont pas réussi à trouver la moindre preuve confirmant leurs allégations. Au contraire, toutes les preuves indiquent que ce sont les organisations terroristes qui ont utilisé des armes chimiques... » [3].

Fin de citation. Et là aussi, c’était une autre Amérique. C’était l’Amérique de Colin Powel et du Colonel Wilkerson... [Paroles dites en anglais ; NdT].

Ces gouvernements ont voulu cette guerre contre mon pays dans le but d’infléchir la politique adoptée par son gouvernement et de modifier son identité nationale, afin de servir le projet d’un nouveau Moyen-Orient composé d’entités ou d’États, faibles et en conflits permanents, fondés sur une base religieuse confessionnelle, sectaire ou ethnique, mimant le projet sioniste d’un État-nation du peuple juif en Israël, lequel nie le droit du peuple palestinien à un État indépendant. Par conséquent toute l’histoire se résume à la Palestine. Toute l’histoire se résume à la Palestine et à Israël !

Monsieur le Président,

Tenir au bien-être des Syriens implique de coopérer avec le gouvernement syrien et de soutenir ses efforts visant à éliminer le fléau du terrorisme, au lieu d’exploiter les cerveaux des laboratoires occidentaux, spécialisés dans le renseignement, pour la promotion d’expressions trompeuses telles « opposition syrienne armée modérée - groupes armés non étatiques - groupes djihadistes, etc. », lesquelles n’incluent même pas le mot terrorisme.

Il n’y aurait donc pas de terrorisme en Syrie ? Il n’y aurait qu’une opposition armée génétiquement modifiée en opposition modérée, Monsieur de Mistura ? Nous avons des ouzbeks, des turkmènes venus du Turkestan, des chinois, des tchétchènes, des koweitiens, des saoudiens, des égyptiens, des européens, etc. Et tous seraient une opposition syrienne modérée génétiquement modifiée !

Lisons attentivement les déclarations du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, sur BFM TV, il y a une semaine. Je cite :

« Si d’aventure le régime syrien soutenu par la Russie voulait poursuivre ses intentions [de lancer cette dernière bataille à Idleb][...] il y a aussi un risque sécuritaire dans la mesure où dans cette zone se trouvent beaucoup de groupes djihadistes, plutôt se réclamant d’Al-Qaïda, qui sont entre 10 000 et 15 000 et qui sont des risques pour demain, pour notre sécurité » [4].

Fin de citation. Ce qui m’amène à demander à mon collègue délégué permanent de la France : pourquoi le gouvernement français a-t-il continué à assurer une couverture politique aux groupes terroristes armés sévissant en Syrie, en dépit du fait que ces mêmes groupes ont attaqué le Bataclan à Paris, puis Nice ?

Un autre exemple concerne la déléguée des Pays-Bas. Comme vous le savez, chers collègues, notre délégation vous a transmis il y a quelques jours des informations sur l’implication du gouvernement néerlandais dans le soutien, le financement et l’assistance logistique de plusieurs groupes armés présents en Syrie, alors que le procureur général hollandais avait qualifié certains d’entre eux d’« entités terroristes liées au salafisme djihadiste » ; informations publiées par les médias néerlandais [5].

Par conséquent, n’avons-nous pas le droit de demander à notre collègue, déléguée de la Hollande, si ce comportement ne constitue pas un manquement du gouvernement d’un État membre du Conseil de sécurité à sa responsabilité de maintien de la sécurité et de la paix internationales ?

Monsieur le Président,

Je dis à celui qui persiste dans son arrogance à s’ingérer dans les affaires de mon pays que nous continuerons à travailler sérieusement en faveur de la solution politique reposant sur le dialogue entre Syriens sous direction syrienne et sans ingérence étrangère, du retour des réfugiés et des déplacés dans leurs foyers, du lancement de la reconstruction et du redressement du pays, de la libération de nos territoires illégitimement occupés par des forces étrangères et illégitimes ; la lutte contre le terrorisme demeurant la priorité des priorités à toutes les étapes du processus.

Ici, j’aimerais rappeler à M. Lowcock qui a déclaré avoir besoin de l’approbation du gouvernement syrien pour acheminer l’aide humanitaire jusqu’au camp d’Al-Roukbane. C’est là une curieuse remarque M. Lowcock. Pourquoi n’avez-vous pas dit que ce sont les forces d’occupation américaines, basées à Al-Tanf, qui ont refusé l’entrée des convois humanitaires dans ce camp et ont exigé qu’ils soient déchargés à 10 kilomètres de ce même camp ? Pourquoi ne pas l’avoir dit ?

Concernant le « Comité constitutionnel », le gouvernement syrien s’est acquitté de ses obligations et a fourni la liste de ses représentants, comme l’a dit M. de Mistura.

Par ailleurs, le gouvernement syrien a exprimé ses remerciements aux deux États amis, la Russie et à l’Iran, pour les efforts manifestes du président Poutine et du président Rohani lors du dernier Sommet de Téhéran [7 septembre 2018].

Quant à l’accord de Sotchi annoncé hier [17 septembre 2018], le gouvernement syrien l’a favorablement accueilli et affirme qu’il est le résultat de consultations intensives entre la République arabe syrienne et la Fédération de Russie, avec l’entière coordination entre les deux pays.

Alors que la Syrie a accueilli et continue d’accueillir favorablement toute initiative visant à arrêter l’effusion du sang syrien et à ramener la sécurité partout où le terrorisme a frappé, elle affirme qu’elle persévérera dans sa lutte contre le terrorisme jusqu’à la libération du dernier empan de son territoire par les opérations militaires ou les réconciliations locales ; ces dernières ayant prouvé leur efficacité en ce qui concerne les deux objectifs précités en plus d’avoir enclenché le retour des déplacés dans leurs foyers.

Et, pour répondre à ma collègue déléguée du Royaume-Uni, je précise que l’accord d’Idleb, annoncé hier, est assorti de dates précises pour chacune de ses étapes, fait partie des accords d’Astana ayant défini les zones de désescalade, début 2017, et implique le respect de la souveraineté et de l’unité de la Syrie, ainsi que la libération de son territoire de toute présence militaire étrangère illégale.

Pour finir, Monsieur le Président, un dernier mot destiné à ma collègue déléguée du Royaume-Uni. D’après la traduction, je l’ai entendue demander au représentant syrien : « Que fait le régime syrien pour délivrer les aides humanitaires ? ».

Au Conseil de sécurité de l’ONU, je ne vois pas de représentant du régime syrien, mais le représentant de la République arabe syrienne. Par conséquent, il vaudrait mieux qu’elle pose sa question à ce personnage imaginaire que nous avons nommé « Godot » la dernière fois. Je ne sais pas où le trouver. Peut-être, le trouvera-t-elle en dehors de cette salle.

À l’ONU, il n’y a pas de régime syrien. Il y a la délégation de la République arabe syrienne.

Merci.

Dr Bachar al-Jaafari

Délégué permanent de la Syrie auprès des Nations Unies

Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal

Source : Mission syrienne à l’ONU

https://www.youtube.com/watch?v=WjTMxz60ROM

Notes  :

[1] The situation in Middle East - Security Council, 8355th meeting

[2] Roland Dumas / LCP

[3] Lawrence Wilkerson/The Real News]

[4] Jean-Yves Le Drian / BFM TV

[5] Les Pays-Bas ont soutenu le ’mouvement terroriste’ en Syrie (Nieuswuur)

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