Compte tenu de la pandémie de la COVID-19, le Conseil de sécurité tient toujours ses réunions par visioconférence. Il s’est réuni dans la soirée du 19 août pour discuter de la « situation politique » en Syrie. Une situation sans cesse rapportée et décrite par le Docteur Bachar al-Jaafari, mais dont les conséquences sont de plus en plus désastreuses par la conjonction d’une guerre impitoyable directe puis indirecte qui dure depuis plus de neuf ans, de mesures coercitives unilatérales de plus en plus cruelles décrétées par les États-Unis et l’Union européenne, d’une pandémie au départ bien maîtrisée mais qui semble se propager rapidement vu l’embargo portant sur les besoins essentiels à la vie d’une nation et, par conséquent, l’aggravation de la situation humanitaire en dépit de l’aide des pays amis [NdT].
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Monsieur le Président,
J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue à l’envoyé spécial, mon ami Geir Pedersen, et vous féliciter ainsi que la République amie d’Indonésie pour votre présidence du Conseil de sécurité, ce mois-ci.
J’adresse mes sincères condoléances à mon collègue, le Représentant permanent de la Fédération de Russie, et à son pays ami, pour le douloureux incident survenu hier, entraînant la mort d’un général-major et blessant deux soldats de l’Armée russe par un engin explosif posé par des terroristes, leur convoi ayant été pris pour cible alors qu’ils rentraient d’une mission humanitaire dans le gouvernorat syrien de Deir ez-Zor.
Monsieur le Président,
Depuis que le Conseil de sécurité a approuvé le « processus politique » comme base de résolution de la crise dans mon pays, certains de ses membres permanents se sont efforcés de saper cette approche jour après jour, mois après mois, année après année, au point qu’ils en sont malheureusement arrivés à abuser ce Conseil afin de soutenir effectivement la guerre terroriste contre la Syrie, justifier leur occupation de son territoire et leur exploitation effrénée du terrorisme.
À chaque fois que nous vous avons soumis une plainte ou informé de faits concernant des actes de soutien au terrorisme, d’agression, d’occupation, de pillage, de destruction de nos ressources, la pression occidentale s’est accrue afin de détourner les efforts de ce Conseil et de l’empêcher d’exercer son rôle de protecteur des dispositions de la Charte et de garant du respect de ses propres résolutions concernant la Syrie, notamment son plein engagement envers sa souveraineté, son unité et son intégrité territoriale ; chose que vous avez à juste titre rappelée à la fin de votre déclaration, Monsieur le Président.
Ce qui soulève nombre de questions :
• Qu’a fait le Conseil de sécurité pour mettre fin à l’occupation américaine de certaines régions de mon pays ?
• Qu’a-t-il fait pour mettre fin à l’occupation turque et aux pratiques de parrainage du terrorisme par le régime d’Erdogan à Idleb et ailleurs ?
• Quelles mesures votre Conseil a-t-il prises pour soutenir les efforts de l’État syrien et de ses alliés dans leur lutte contre des dizaines de milliers de « terroristes sans frontières » -ou de « combattants terroristes étrangers » dans le langage onusien- et afin de tenir pour responsables les gouvernements qui les recrutent, les financent et les soutiennent ?
Monsieur le Président,
Alors que dès l’adoption de leurs premières résolutions relatives à la situation en mon pays, les membres du Conseil de sécurité se sont fermement engagés à respecter la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne, les forces d’occupation américaines ont franchi, au vu et au su des Nations Unies et de la Communauté internationale, une nouvelle étape de pillage des ressources de la Syrie dont le pétrole et le gaz.
Récemment, comme nous le savons tous, la société américaine « Crescent Delta Energy », parrainée et soutenue par l’administration américaine, a conclu un contrat avec lesdites « Forces Démocratiques Syriennes » / FDS -milice séparatiste et sbire des forces d’occupation américaines du nord-est de la Syrie- dans le but de voler le pétrole syrien et ainsi priver l’État et le peuple syriens des revenus nécessaires à l’amélioration de la situation humanitaire, à la satisfaction des besoins de subsistance et à la reconstruction.
Imaginez, Mesdames et Messieurs, une société inconnue, née du néant, dirigée par un ex-ambassadeur des États-Unis au Danemark, James Caen ; un officier américain retraité de la Delta Force, James Reese ; et un expert en pétrole. Le tout avec la bénédiction de l’administration américaine, laquelle a effectivement créé cette société.
Ce comportement américain hostile à la Syrie, en totale contradiction avec le droit international -« le défunt droit international »-, avec la Charte des Nations Unies -« la défunte martyre Charte des Nations Unies »- et avec les résolutions du Conseil de sécurité, ne fut pas une surprise, vu que l’administration américaine avait déjà facilité l’acquisition et le trafic du pétrole syrien à l’organisation terroriste Daech, puis la contrebande du pétrole ainsi volé vers la Turquie, en coopération avec le régime parrain du terrorisme d’Erdogan.
De plus, l’administration américaine a continué, par le biais de sa coalition illégale, à lancer des attaques répétées contre les forces de l’Armée arabe syrienne pour l’empêcher de libérer les zones occupées par l’organisation terroriste Daech dans le nord-est de la Syrie. Et c’est exactement ce que signifie le « chaos créatif » !
Il y a à peine deux jours, deux hélicoptères militaires américains ont attaqué un poste de contrôle de l’Armée arabe syrienne au sud-est de la ville de Qamichli, tuant un soldat et en blessant deux autres.
Et nous nous souvenons tous de l’attaque pernicieuse des forces d’occupation américaines sur les positions de l’Armée arabe syrienne au mont Al-Tharda le 17/09/2016, pour permettre à l’organisation terroriste Daech d’en prendre le contrôle et, par conséquent, le contrôle de la ville de Deir ez-Zor toute proche.
En outre, le président américain Donald Trump, après avoir annoncé le 27/10/2019 son intention, et je cite, « de conclure un accord avec une entreprise américaine pour qu’elle se rende en Syrie et obtienne sa part du pétrole syrien », a confirmé cet objectif en annonçant le 01/11/2019 qu’il avait l’intention de le garder, parce qu’« il aime le pétrole » [*] !
D’ailleurs, nul n’ignore que l’administration américaine avait déjà autorisé des compagnies pétrolières américaines, supervisées par l’ancien vice-président américain « Dick Cheney », à extraire le pétrole du Golan syrien occupé, en violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies.
D’où notre question : ce comportement des États-Unis, pays hôte du siège des Nations Unies et membre permanent du Conseil de sécurité chargé de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, exprime-t-il son respect du droit international, de la Charte des Nations Unies et d’une solution politique en Syrie ?
Monsieur le Président,
Dernièrement, la société américaine « Creative Associates International » a conclu un accord de coopération avec ce qu’ils ont désigné par le « Conseil civil de la ville de Deir ez-Zor » et ont placé sous l’égide des milices desdites Forces démocratiques syriennes / FDS ; ces mêmes milices ayant publié, il y a quelques jours, la prétendue « loi de protection et de gestion de la propriété des absents ». Une loi dont le but est de piller les biens des Syriens déplacés suite aux efforts conjugués des FDS et de Daech visant à changer la composition démographique de ces régions.
Cet accord, parrainé par l’administration américaine et ses forces d’occupation, est-il conforme à l’engagement en faveur de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de mon pays ?
Le bilan honteux des États-Unis d’Amérique contre des dizaines d’États membres répond à la question et témoigne du mépris des administrations américaines pour les principes et les objectifs de cette organisation internationale.
Mon pays condamne ces pratiques et toute autre action similaire ou accords suspects avec des milices séparatistes, des entités terroristes ou des organes artificiels qui n’ont aucun statut légitime. La Syrie affirme que ces pratiques sont nulles, non avenues et sans aucun effet juridique car elles constituent une attaque éhontée contre la souveraineté de la République arabe syrienne et les ressources de son peuple. Le défunt droit international doit désormais se retourner dans sa tombe, déplorant un tel comportement.
Monsieur le Président,
De son côté, le régime turc poursuit ses pratiques visant à renforcer son occupation de certains territoires de mon pays, territoires dont il tente de modifier le caractère juridique, démographique, économique et financier en turquifiant ou en déplaçant leurs habitants, en pillant leurs biens immobiliers et leurs avoirs, en imposant la monnaie turque, en donnant des noms de personnalités turques et ottomanes à leurs places et à leurs rues, ainsi qu’aux organisations et entités terroristes qu’il supervise, dirige et exploite dans ses guerres étrangères en Libye et ailleurs. Permettez que je vous cite quelques appellations de groupes terroristes en rapport avec l’histoire ottomane : Brigade du sultan Mourad, Brigade du sultan Mouhammad al-Fateh, Mouvement Nour al-Dine al-Zanki, etc.
Ce n’est là qu’une infime partie des crimes perpétrés par le régime d’Erdogan, lequel n’a jamais respecté les engagements pris en vertu des accords d’Astana ou des accords de Sotchi et a commis toutes sortes de crimes caractérisés tels que : soutenir le terrorisme, faciliter l’infiltration de combattants terroristes étrangers en Syrie -ceux que je qualifie de « terroristes sans frontières »-, fournir aux organisations terroristes des produits chimiques toxiques à utiliser contre les civils et ainsi fabriquer de fausses accusations contre le gouvernement syrien.
Le régime turc a aussi commis des actes d’agression et d’occupation dans plusieurs régions du pays, dont les attaques contre la ville de Kassab, les incursions au nord et au nord ouest du pays, les incursions suite à la soi-disant opération turque « Source de paix », le pillage des usines et des biens des gens d’Alep et de sa région -1441 usines démontées, volées et acheminées vers la Turquie pour la seule région d’Alep !-, le vol ou les incendies provoquées des récoltes agricoles, le trafic du pétrole volé et des antiquités pillées par Daech et autres organisations terroristes, etc.
En ce moment même, plus d’un million de citoyens syriens de la région d’Al-Hassaka vivent sans eau potable, sous une chaleur intense et avec la peur de l’épidémie du Coronavirus.
Tout cela est le résultat du silence de ce Conseil sur l’utilisation permanente de l’eau comme arme de guerre par le régime turc, lequel a déjà coupé l’eau potable de la « station d’Alouk » plus de quinze fois, sur des périodes allant de deux à dix jours, et a réduit le reste du temps sa capacité de production au minimum.
Combien de temps votre conseil restera-t-il silencieux face aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité commis par le régime d’Erdogan ? Avez-vous une réponse ?
La Syrie réaffirme que la présence des forces militaires turques sur le territoire syrien est un acte d’agression, d’occupation et une violation flagrante des principes du droit international, des dispositions de la Charte des Nations Unies et du principe des relations amicales et de bon voisinage entre pays limitrophes.
Mon pays affirme également que la confiscation et l’annexion de terres syriennes ainsi que l’édification dudit « mur de séparation » sur ces terres, par le régime turc, ne modifieront en rien leur statut juridique et leur appartenance à la République arabe syrienne, ni ne porteront atteinte de quelque façon que ce soit aux droits légaux et souverains de la République arabe syrienne, ni ne constitueront un précédent à une quelconque démarcation bilatérale de la frontière dans le futur.
L’adhésion de la Turquie à l’OTAN, dont elle use comme d’un bouclier pour agresser les pays voisins et violer leurs droits souverains, ajoute à la responsabilité de cette alliance quant à l’instabilité dans toute la région méditerranéenne et pousse l’escalade à des niveaux sans précédent.
Monsieur le Président,
Notre délégation nationale se prépare à participer à la prochaine série de réunions du « Comité constitutionnel », lesquelles se tiendront dans quelques jours à Genève [annoncées par Geir Pedersen pour le 24 août prochain ; NdT]. Nous réaffirmons que ce processus appartient aux Syriens, est et doit toujours être dirigé par les Syriens sans aucune ingérence extérieure, que les bases et les références convenues sur lesquelles il repose doivent être maintenues et respectées avec interdiction de toute manipulation susceptible de le détourner, sous n’importe quel prétexte, des tâches et objectifs qui lui ont été assignés.
Oui, nous disons et répétons encore et encore que la solution est politique, qu’elle doit être dirigée par les Syriens auxquels elle appartient, sans aucune ingérence étrangère. Une solution dont les paramètres ont été fixés par les Syriens eux-mêmes afin de protéger leur pays des vautours qui s’y cachent, non des paramètres fixés par l’administration américaine et Erdogan qui attaquent la Syrie et occupent ses riches territoires.
D’ailleurs, il ressort de la déclaration de ma collègue, la représentante permanente des États Unis, que la politique de son administration à l’égard de mon pays est basée sur le règlement de comptes avec tout pays qui se tient aux côtés du mien, contre la conspiration visant la Syrie et le pays qui la soutient. Par conséquent, il n’est pas surprenant qu’elle ait commencé sa déclaration en parlant de l’Iran, comme si le sujet de la réunion d’aujourd’hui était de discuter de la situation difficile de l’administration américaine suite à son retrait du « Plan d’action global commun » ou, plus succinctement, du JCPoA.
Monsieur le Président,
La Syrie renouvelle, une fois de plus, sa demande au Secrétaire général et au Conseil de sécurité de prendre des mesures urgentes en réponse à la plainte déposée le 31/5/2020, condamnant les actes d’agression, d’occupation et d’ingérence extérieure dans les affaires intérieures de la Syrie, ainsi que les effets désastreux des mesures coercitives unilatérales imposées par l’administration américaine et l’Union européenne en dépit des appels du Secrétaire général, de l’Envoyé spécial et de bien d’autres.
Ces mesures empêchent les Syriens de subvenir à leurs besoins essentiels en nourriture, médicaments et équipements médicaux en pleine propagation de la COVID-19 pandémique et de ses conséquences catastrophiques.
Des mesures qui correspondent aussi à un crime : celui d’un « meurtre délibéré » de la population des pays touchés par ces sanctions.
Un dernier mot amical à l’intention de mon collègue et ami, l’envoyé spécial M. Pedersen : dans votre déclaration, je vous ai entendu décrire les forces d’occupation américaines comme des « Forces de la Coalition internationale ». Naturellement, le défunt droit international, la défunte Charte martyre, le Conseil, tout le monde, vous et moi-même… nous savons tous que la présence des forces américaines dans mon pays est illégitime et pure occupation. Par conséquent, je vous invite, mon ami, à reconsidérer l’utilisation de ce terme à l’avenir.
Merci beaucoup.
Dr Bachar al-Jaafari
Envoyé permanent de la Syrie auprès des Nations Unies
19/08/2020
Traduit de l’anglais par Mouna Alno-Nakhal
Source : Vidéo / The Syrian Mission to the United Nations
https://www.youtube.com/watch?v=odVq6i0Z4DI
[*] Video du 1er novembre 2019 : Trump says ‘we’re keeping the oil’ when asked about U.S. troops remaining in Syria… « I like oil » !
https://globalnews.ca/video/6116058/trump-says-were-keeping-the-oil-when-asked-about-u-s-troops-remaining-in-syria/