RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
45 
L’Occident peut célébrer sa mort, mais il s’agit juste d’un accident de timing.

On ne peut blâmer Kadhafi de penser qu’il faisait partie des braves types. (The Independent)

Nous l’avons aimé. Nous l’avons détesté. Ensuite, nous l’avons aimé à nouveau. Anthony Blair a bavé sur lui. Ensuite, nous l’avons détesté à nouveau. Puis La Clinton a bavé sur son BlackBerry et nous l’avons vraiment détesté encore plus à nouveau. Prions tous pour qu’il n’ait pas été assassiné. « A succombé à des blessures subies lors de la capture. » Qu’est-ce que cela signifie ?

Il était une combinaison folle de Don Corleone et de Donald Duck - le seul moment de vérité de Tom Friedman à propos de Saddam Hussein - et nous qui avons dû regarder ses marches militaires martiales ridicules, et ses discours à pouffer de rire et avons écrit sur les tanks, les fusiliers marins et les missiles libyens et qui étions censés prendre tout ça au sérieux. Ses hommes-grenouilles claudiquaient en palmes à travers la Place Verte dans la chaleur et nous avons dû prendre ces bêtises pour argent comptant et prétendre qu’il s’agissait d’une menace réelle pour Israël, tout comme Anthony Blair a essayé de nous persuader (non sans succès) que les tentatives pathétiques de Mouammar Kadhafi de créer « des armes de destruction massive » avaient été stoppées. Ceci, dans un pays qui n’arrivait pas à réparer un WC public.

Ainsi il s’en est allé, le Colonel qui était autrefois aimé du Foreign Office [Ministère des Affaires Etrangères britannique] (après le coup d’Etat contre le roi Idris), puis apprécié comme « quelqu’un de sûr », puis détesté parce qu’il avait envoyé des armes à l’IRA, puis aimé, etc, etc. Pouvez-vous blâmer cet homme pour penser qu’il faisait partie des braves types ?

Et a-t-il péri ainsi ? Abattu alors qu’il tentait de résister ? Nous avons survécu à la mort de Ceausescu (et celle de sa femme), alors pourquoi pas à celle de Mouammar Kadhafi ? Et la femme de Mouammar Kadhafi est hors de danger. Pourquoi le dictateur ne devrait-il pas mourir ainsi ? Question intéressante. Nos amis du Conseil National de Transition ont-ils décrété sa disparition ? Ou était-ce « naturel », une mort aux mains de ses ennemis, une fin honorable pour un homme mauvais ? Je me demande. Comme l’Occident doit avoir été soulagé qu’il n’y ait pas de procès, pas de discours interminables du Grand Leader, pas de défense de son régime. Pas de procès signifie pas d’histoires sur les renditions (arrestations et transferts de prisonniers - NdT), les tortures et les mutilations de parties génitales.

Oublions donc toutes les courbettes devant Mouammar Kadhafi. Voici plus de 30 ans, je suis allé à Tripoli, et j’ai rencontré l’homme qui avait envoyé du Semtex à l’IRA en Irlande et protégé des citoyens irlandais en Libye, et les Libyens étaient très heureux de notre rencontre. Et pourquoi pas ? Car c’était une période où Mouammar Kadhafi était le leader du Tiers Monde. Nous nous sommes habitués aux méthodes de son régime. Nous nous sommes habitués à sa cruauté. Nous avons fermé les yeux lorsqu’il est devenu « normal ». Il était donc important de terminer de documenter sa méchanceté exercée en notre nom.

En effet, la disparition de tout élément de preuve juridique de torture par les soins du régime de Mouammar Kadhafi (bien sûr) et pour le compte du gouvernement britannique serait une bonne chose, n’est-ce pas ? La femme britannique qui savait tout sur cette torture - non nommée, mais dont je connais l’identité, alors faites en sorte qu’elle ne recommence pas à se comporter mal - sera-t-elle à l’abri de poursuites (ce qui ne devrait pas être le cas) ? Et allons-nous tous faire copain-copain avec les potes de Mouammar Kadhafi au lendemain de sa disparition ?

Peut-être. Mais n’oublions pas le passé. Mouammar Kadhafi se souvenait de l’ordre colonial italien en Libye, l’autorité italienne répugnante sous laquelle tous les Libyens devaient marcher dans le caniveau lorsqu’ils croisaient un Italien, où les héros de la Libye étaient pendus en public, lorsque la liberté de la Libye était considérée comme du « terrorisme ». Les hommes du pétrole et les gars et les filles du FMI allaient être traités de la même manière. Les Libyens sont des gens intelligents. Kadhafi le savait. Et de manière fatale, il s’est cru plus intelligent encore. L’idée que ces populations tribales allaient soudain se « mondialiser » et devenir différents est ridicule.

Mouammar Kadhafi était un de ces potentats arabes pour lesquels le surnom de « fou » était approprié, mais qui s’exprimait avec une sorte de bon sens. Il ne croyait pas en « la Palestine » parce qu’il pensait que les Israéliens avaient déjà volé trop de terres arabes (correct) et il ne croyait pas vraiment dans la Nation Arabe - d’où ses croyances tribales. C’était vraiment une personne très étrange.

Nous allons attendre pour savoir comment Mouammar Kadhafi est mort. A-t-il été assassiné ? A-t-il « résisté » (une bonne chose tribale à faire) ? Ne vous inquiétez pas - La Clinton sera heureuse qu’il ait été « tué ».

Robert Fisk - (The Independent).

Source : Robert Fisk : You can’t blame Gaddafi for thinking he was one of the good guys

URL de cet article 14936
   
Même Thème
Libye, OTAN et médiamensonges
Michel COLLON
Les « armes de destruction massive », ça n’a pas suffi ? Le martyre de l’Irak, frappé d’abord par les médiamensonges et ensuite par les bombes, on n’en a pas tiré les leçons ? Non, on n’en a pas tiré les leçons. On sait que les Etats-Unis ont menti sur le Vietnam, l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan et Gaza, mais on croit que cette fois-ci, sur la Libye, ils disent la vérité. Etrange. La majorité de nos concitoyens croient encore ce que l’Otan a raconté sur la Libye. Y compris les (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Un écrivain doit désormais être un homme d’action... Un homme qui a consacré un an de sa vie aux grèves dans la métallurgie, ou aux chômeurs, ou aux problèmes du racisme, ou qui n’a pas perdu son temps. Un homme qui sait où est sa place. Si vous survivez à une telle expérience, ce que vous raconterez ensuite sera la vérité, la nécessité et la réalité, et perdurera.

Martha Gellhorn, 1935

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.