Au hasard de mes déambulations, j’ai pu acquérir un ouvrage assez intéressant : Les communistes et le cinéma : France, de la Libération aux années 60 de Pauline Gallinari, docteur en histoire contemporaine. Comme son titre l’indique, le livre retrace les relations entre le PCF et le monde du cinéma durant cette période.
Le livre met particulièrement en exergue l’attraction du Parti pour le cinéma comme œuvre de propagande pour les idées communistes, tâche qui s’est avérée très ardue face à la censure de la Quatrième République. Plus encore, est marqué sa volonté de transformer la façon de produire un film, autrement que par le règne des producteurs, par la création ambitieuse de la "Coopérative Générale du Cinéma Français" (CGCF), ou encore par l’opposition du PCF aux accords Blum-Byrnes qui permettaient une entrée sans restriction du cinéma étasunien en France, créant une situation de déséquilibre avec les productions du cinéma français.
Nombreux seront les communistes qui travailleront d’arrache-pied à créer un nouveau cinéma progressiste, éloigné de ce qu’on voit habituellement dans le cinéma français et étasunien, à l’instar des réalisateurs Louis Daquin et Jean-Paul le Chanois ou du critique Georges Sadoul. A cela ajoutons les cinéastes amateurs qui viendront eux aussi tenter de dépeindre le monde tel qu’il est, comme le méconnu Paul Carpita ou le génialissime René Vautier (Afrique 50, Avoir vingt ans dans les Aurès).
Ajoutons bien sûr le militantisme (notamment par l’intermédiaire de France-URSS) pour faire connaître le cinéma soviétique, y compris contre la censure, en cachette, alors que les séances pouvaient être interdites.
Toutefois l’attitude de certains communistes envers le cinéma n’était pas forcément indemne de critiques : il existait en effet un certain sectarisme cinématographique. Sous prétexte de vouloir faire un cinéma neuf et progressiste, des communistes du cinéma jetaient avec dédain tout un pan des genres cinématographiques, comme la romance, l’aventure ou la science-fiction, au lieu de jouer avec les codes propres de ces genres pour les rendre progressiste. Au demeurant cette attitude fermée de certains communistes pour un cinéma purement réaliste (socialiste), ne devant décrire que la réalité sociale et rien d’autre, leur a aliéné certains intellectuels, mais pire encore, elle est allé à l’encontre des « désirs » de la masse des adhérents, les régions où on visionnait le plus de films étasuniens étant souvent des régions avec un PCF fort !
L’autre problème des films produits par les communistes fut celui de la diffusion. Les films une fois finis n’avaient, soit pas de visa du tout, soit seulement un visa non commercial, ce qui ne permettait pas en théorie des rentrées d’argent. D’autres part même avec un visa, les distributeurs étaient frileux avec ces films pour deux raisons :
1) L’anti-communisme qui prospérait dans ces milieux.
2) Les piètres résultats en termes d’audience des films produits dans le sillon du PCF.
En effet, remarquons que sur ce dernier point, même le public communiste ne se bousculait pas pour les films.
Enfin, dernier problème, un peu paradoxale : des films tournés sous l’égide du PCF, soutenus par lui, réalisés grâce à l’effort des militants, n’étaient plus soutenus lors de leur sortie parce que la tactique politiques avait changé et parce que le film ne correspondait plus alors au but poursuivi, à l’instar d’Aubervilliers d’Eli Lotar (1945) ou de Les Lendemains qui chantent de Louis Daquin (1946).
Un livre passionnant à lire et qui permet de continuer la réflexion sur cet art, et sur les moyens de s’en servir pour mener la lutte.