Exemple de la complexité de ce processus, la crise politique crée en Amérique Centrale par l’arrivée, au Costa Rica et à sa frontière avec le Panama, de 8 000 Cubains en route vers les États-Unis.
Comme l’écrivait dernièrement un éditorial du New York Times, les privilèges migratoires exclusifs dont bénéficient les Cubains commencent à créer des problèmes à certains pays et aux États-Unis, alors que tous traitent de manière sévère les autres migrants même s’il s’agit d’enfants. Le quotidien ajoute que l’application de la loi d’ajustement cubain (ley de ajuste) constitue un obstacle à la normalisation des relations avec Cuba et il précise que si le Congrès ne fait rien, Obama, lui, détient le pouvoir exécutif pour la rendre caduque.
La crise a éclaté en novembre quand San José a accordé aux Cubains des visas de transit leur ouvrant sa frontière avec le Nicaragua sans l’autorisation de ce pays. Les autorités nicaraguayennes les ont renvoyés de l’autre côté déclarant qu’il ne leur permettrait pas le passage. Les gouvernements du Guatemala et de Belize l’ont imité.
Tous ces migrants avaient acheté un billet d’avion pour l’Équateur et, profitant de la visite touristique de trois mois autorisée jusqu’ici par ce pays, ils faisaient appel à des passeurs qui les acheminaient aux États-Unis, extorquant au passage entre huit et dix mille dollars par voyageur.
Les Cubains ne vont pas récolter les fruits dans les grandes plantations, se louer comme domestiques ou employés des abattoirs comme la grande majorité des Centro-Américains et Mexicains qui s’échappent aux États-Unis, poussés par le chômage, l’ignorance, le manque de services publics, la persécution des organismes de sécurité ou des mafias.
Le but des Cubains est de traverser les postes de frontière en toute sécurité jusqu’à parvenir aux guichets étasuniens, passeport cubain en main. A la différence des migrants du monde entier, ils obtiendront en très peu de temps la green card, la carte verte. Aucune autorité ne va les poursuivre et au bout de un an et un jour, ils deviendront automatiquement des résidents de la puissance du nord. Voilà quelques uns des privilèges que leur octroie la loi d’ajustement cubain, appliquée par les États-Unis depuis 1966.
C’est la récompense que Washington décerne aux Cubains – presque tous instruits et qualifiés – à condition qu’ils quittent illégalement leur pays, qu’ils désertent de leurs missions gouvernementales, scientifiques, sportives ou artistiques. Ils doivent demander l’asile politique mais personne ne les mettra en demeure de produire une preuve de persécution politique qu’ils seraient d’ailleurs parfaitement incapables de fournir.
Les États-Unis ont utilisé le thème migratoire comme arme politique contre Cuba depuis 1959. Ils ont accueilli les assassins, les bourreaux et les gangsters de la dictature de Batista qui fuyaient la justice révolutionnaire et atteignaient leurs côtes en toute illégalité. Aucun d’entre eux ne fut renvoyé à Cuba, encore moins les richesses qu’ils avaient volées.
Washington encouragea ensuite l’exode de la bourgeoisie, de secteurs de la petite bourgeoisie, d’universitaires, avec l’objectif de priver l’ile de talents. Cette migration a pris un caractère de plus en plus économique. Comme l’avouent nombre de Cubains interrogés au Costa Rica et au Panama, le but de leur voyage est « d’acheter une voiture », « d’ avoir une vie meilleure » « de vivre mieux ».
On ne peut nier que ces raisons soient légitimes même si cela se résume à profiter d’un petit bout de l’idéal consumériste. A Cuba, ouverte au tourisme de masse et dont des centaines de milliers de citoyens voyagent tous les ans, le sens commun néolibéral , en premier lieu l’appétit effréné de consommation, exerce aussi son influence. Voilà ce qui pousse les Cubains à se rendre aux États-Unis lesquels maintiennent le blocus qui empêche le développement économique de Cuba.
Angel Guerra Cabrera est une journaliste Cubain qui vit à Mexico et écrite notamment dans la Jornada.
Traduction Maïté Pinero