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Mélenchon : un peu de prospective

Dans la riante contrée du Valais suisse, on s’intéresse à la politique française et l’on tire des plans sur la comète... L’1dex en particulier.

Nous sommes le lundi 8 mai 2017, Jean-Luc Mélenchon vient d’être élu Président de la République et annonce la convocation d’une Assemblée Constituante. Les travaux de cette assemblée, composée de citoyens tirés au sort, débuteront dans l’année et une VIème République sera proclamée avant 2020.

Mais remontons un peu le fil du temps. . .

Nous sommes le lundi 20 mars. Devant une presse médusée, Benoît Hamon annonce son intention de retirer sa candidature au profit de Jean-Luc Mélenchon.

Le meeting de Paris-Bercy de la veille aurait pu le bercer d’illusions : les supporters étaient là, en nombre, des bus avaient été affrétés par les fédérations des quatre coins de la France, ils avaient fait le job, il y avait les effigies à son portrait, les slogans annonçant la victoire, les cris, les chants, les applaudissements, il y avait tous ces encouragements, tous ces « Benoît Hamon Président » , il y avait tout ce qu’il fallait pour le porter encore, pour lui faire oublier une campagne polluée, empoisonnée par François Hollande, par Manuel Valls et tous les autres. Il y avait toute cette ferveur concentrée dans l’arène, mais Benoît Hamon, dans son for intérieur, entendait déjà le bruit de la défaite à venir.

Malgré les défections, malgré les divisions, le parti fonctionne encore mais ce n’est plus qu’un appareillage mécanique, sans âme. Benoît Hamon en est maintenant persuadé : il est inutile de s’acharner, la bataille est déjà perdue parce qu’il est, quoiqu’il puisse dire, quoiqu’il puisse faire, le candidat d’un parti, d’un système mourant, il ne peut représenter le renouveau, la refondation. Une grande marée résistante a déferlé le samedi précédent place de la république ; là se situe la force et la détermination, il ne le sait que trop. Il est grand temps de lever les derniers barrages qui s’opposent encore à cette déferlante citoyenne. Aux Pays Bas, aux dernières élections législatives, les travaillistes viennent d’être laminés, ridiculisés ; le représentant d’un parti social-libéral fracturé, ayant autant trahi, n’a aucune chance de remporter la Présidentielle. Il faut passer la main.

Sa déclaration très sobre est sans ambiguïté : « Chers compatriotes, je constate que j’ai dores et déjà échoué à rassembler la famille socialiste autour de ma candidature et que mes chances de figurer au second tour s’amenuisent au fur et à mesure que les jours passent. Force est de constater qu’au sein du parti socialiste, auquel j’appartiens encore, il existe des tendances décidément irréconciliables. Ma candidature, émanant d’une primaire organisé par ce parti, perd donc, de fait, sa légitimité, sa pertinence, sa force. Je ne peux plus espérer engendrer une dynamique gagnante autour d’elle et je fais donc le choix douloureux, mais responsable, de m’effacer afin de ne pas désespérer une fois de plus le peuple de gauche, je veux lui donner toutes les chances d’être représenté au second tour. Je me retire donc et j’appelle solennellement toutes celles et ceux qui ont voté pour moi lors de la primaire de la Belle alliance et m’on soutenu jusqu’à présent à rejoindre les rangs de la France insoumise, rassemblée autour de Jean-Luc Mélenchon. »

Ce fut d’abord une belle pagaille ; dans les jours qui suivirent, le choc provoqué par ce ralliement fut terrible. Le PS réunit son comité directeur et ne put que constater son éviction de la campagne. La plupart des cadres dirigeants, des élus, des importants, inquiets pour leur carrière, se sentant menacés, se mirent immédiatement « en marche » vers la grande maison libérale la plus proche ; il y restait sûrement quelques bonnes places à prendre. Emmanuel Macron, inquiet de ses ralliements opportunistes et compromettants, déclara qu’il ne se situait pas dans la continuité du quinquennat et que son mouvement ne pouvait accueillir tous les transfuges socialistes. Beaucoup de dirigeants et d’élus du PS n’hésitèrent pas alors à déclarer qu’ils n’étaient plus vraiment socialistes, qu’il fallait évoluer avec son temps, qu’ils ne se reconnaissaient plus dans la filiation de Jaurès, qu’ils ne se revendiquaient pas non plus du quinquennat passé, et qu’Emmanuel Macron représentait pour eux l’espoir du redressement économique et moral de la France. Toute honte bue, ils se prosternèrent devant leur nouveau maître.

Mélenchon : un peu de prospective

Parmi les simples militants la stupeur et le désarroi furent immenses, ils comprirent enfin que le PS n’était plus. Une tribune émanant d’intellectuels engagés fut alors publié dans la presse pour appeler l’ensemble des membres du Parti socialiste restés attachés aux valeurs de gauche à rejoindre la France insoumise. Dans les jours qui suivirent, des dizaines de milliers de ralliement furent enregistrés sur le site de JLM 2017.

Les écologistes d’EELV emboitèrent aussi le pas à Benoît Hamon et un grand mouvement de rassemblement, de résistance, et de revendication populaire fut à nouveau organisé à Paris. L’électrochoc fut déterminant, la publicité donnée à tous ces évènements dopa formidablement la campagne de Jean-Luc Mélenchon qui dépassa pour la première fois dans les sondages la barre des 25 % d’intentions de vote quelques jours avant le premier tour scrutin. Emmanuel Macron perdit alors son statut de seul recours face à Marine le Pen et, dépité, sombra dans l’outrance et la déraison. Son dernier meeting de campagne prit des accents messianiques délirants : il déclara se sentir porté par toute l’histoire de ce grand pays, qu’il ne pouvait résister à sa vocation, que le général De Gaulle lui était apparu en songe et qu’il lui avait remis les clés du royaume de France, l’exhortant à rassembler un peuple égaré qui menaçait de se perdre dans les extrêmes, il fallait lui faire confiance, il allait mener à bien cette mission de sauvetage, lui seul en était capable, il hurlait, il rentrait presque en transe, il en devenait effrayant.

Et il fit peur.

Dès lors, les jeux étaient faits. Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen se retrouvèrent face à face au 2ème tour. Malgré l’appel de François Fillon à voter pour Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon était finalement élu de justesse. La VIème République était en marche, la France se donnait les moyens de résoudre la crise écologique, sociale, et démocratique dans laquelle elle était plongée.

Jean-Luc Gasnier

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paru dans l’International Herald Tribune, 26 juin 2000.

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