A 73 ans, Ibrahim Boubacar Keïta, ou IBK, est candidat pour un nouveau mandat à la tête du Mali. Ce cacique de la vie politique du pays, déjà Premier ministre en 1994, symbolise à lui-seul les racines inexpugnables d’une Françafrique où se mêlent déni démocratique, mépris pour le sort des populations et corruption généralisée au service d’une petite minorité. De quoi IBK est-il le nom ? Cet amateur de grands vins et de montres de luxe est au cœur d’un réseau où grenouillent d’éminents représentants du milieu corse, des hommes d’affaires dont les seules affaires consistent à toucher des commissions (ils s’appellent entre eux des « facilitateurs », et un réseau familial dont le clinquant du train de vie exaspère l’opinion publique locale.
Dans le premier cercle du président malien, on retrouve Michel Tomi, celui que la presse qualifie de « parrain des parrains corses » et qu’IBK considère comme « un frère ». Ce Corse, qui a fait fortune dans les casinos en Afrique, a joué les intermédiaires dans l’acquisition du deuxième Boeing présidentiel d’IBK. Une acquisition à laquelle se sont intéressées les justices françaises et maliennes.
Sur la base d’un signalement de la cellule anti-blanchiment Tracfin, le Bureau vérificateur général (BVG), autorité malienne indépendante, a dénoncé des pratiques de surfacturation, de détournement de fonds publics, de fraude, de trafic d’influence et de favoritisme. L’enquête sera rapidement enterrée par les autorités de Bamako mais pas par les juges français.
Interrogé par les juges Tournaire et Robert, Michel Tomi a décrit certains des « cadeaux » qu’il reconnait avoir fait au président malien. Tout en réfutant avec la plus grande énergie toute tentative de corruption.
Une Rolex ? « Pour lui porter chance pendant sa campagne ». Costumes de luxe et smokings ? « Il n’avait pas de costume d’hiver ». Virées shopping à Paris pour la Première Dame ? « Elle n’avait que des tenues africaines ». Smartphones et iPads ? « J’ai l’habitude d’acheter des tablettes ou des téléphones et de les offrir aux personnes que j’aime ».
La liste à la Prévert de la corruption du président du Mali se poursuit. Avec des sommes de plus en plus extravagantes. « Je l’ai fait loger (avec sa famille) à la résidence La Réserve où j’avais un compte, et auparavant au Franklin Roosevelt », explique Michel Tomi sans préciser qu’il parle là de deux des plus grands palaces parisiens.
Un traitement de faveur dont bénéficie pleinement Karim Keïta, le fils d’IBK, qui s’est fait ces dernières années une réputation sulfureuse à Bamako. Elevé en France, Karim Keïta n’est arrivé au Mali que dans le sillage de l’élection de son père à la présidence en 2013. En cinq ans, il est devenu l’une des personnes les plus riches et les plus influentes du pays.
Député et président de la Commission Défense de l’Assemblée Nationale, Karim Keïta est au cœur de la galaxie IBK, et est un des symboles du dysfonctionnement du système démocratique malien, où les intérêts privés d’une petite élite prennent allègrement le pas sur le bien-être d’une population confrontée à une double crise sécuritaire et sociale.
Mais de tout ça IBK n’a cure. En bon représentant de la Françafrique, il n’est pas là pour le bien du peuple malien, mais pour garantir les intérêts d’une oligarchie riche et puissante.
Kioupy