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Mademoiselle de Joncquières et les féministes

Le film d’Emmanuel Mouret, tiré d’une nouvelle insérée dans Jacques le Fataliste de Diderot, n’engage apparemment pas de grands débats. C’est même le consensus des critiques qui est fastidieux, en particulier sur la subtilité et l’élégance des dialogues, écrits dans une langue XVIIIe, et sur le jeu parfait des acteurs.

Sur le premier point, il faut avouer qu’il y a bien des platitudes (on est loin de Marivaux !), que les acteurs s’efforcent de débiter comme des traits d’esprit ; on relève aussi un « délivrer une éducation », totalement incompréhensible au XVIIIe siècle : « délivrer » dans ce sens (formuler, énoncer, ou, ici, impartir) est un anglicisme qui ne s’est imposé que dans ces dernières décennies.

Sur le deuxième, on comprend bien que Cécile de France est tendance et qu’il faut la porter aux nues ; mais son espiègle voix de petite fille, pas plus que son maintien raide et guindé, ne conviennent guère au rôle de Mme de la Pommeraye ; peu subtile, elle répond à toutes les situations par le même sourire de toutes ses dents. Quant à Edouard Baer, plus que par sa « séduction naturelle », on est frappé par son aspect rondouillard et crade (barbe de trois jours, qui ne se portait guère à l’époque), qui en fait un Don Juan peu convaincant. Bref, tous deux sont loin de former « un duo fascinant ». Enfin, l’ingénue (malgré son métier de prostituée), Mademoiselle de Joncquières, n’est longtemps qu’un joli minois boudeur ; on attend qu’elle se révèle dans la grande scène de la « reconnaissance » de Madame des Arcis (je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler [raconter l’intrigue et gâcher le plaisir de qui n’a pas vu le film. Note du GS] ), qui devrait être bouleversante ; mais elle est en fait plutôt bâclée, et le minois boudeur laissera finalement place à une expression triomphale peu sympathique. Dans la distribution, c’est Mme de Joncquières (Natalia Dontcheva) qui, dans un rôle ingrat, se montre la plus émouvante.

Le film a pourtant du charme, et il gagne en intensité lorsque s’achèvent les mièvres échanges entre le Marquis des Arcis et Mme de la Pommeraye et que la vengeance de celle-ci contre l’inconstance du premier se met en place. Mais le charme est dû en grande partie aux somptueux décors, extérieurs et intérieurs, et aux costumes d’époque (les robes « Pompadour » : dans le premier quart d’heure, Cécile de France en arbore une douzaine), comme dans les films anglo-saxons tirés des romans de Jane Austen. Aussi, plutôt qu’aux Liaisons dangereuses de Stephen Frears et à leur climat vénéneux, on peut penser à Love and Friendship, sorti en 2016, adapté d’un roman de Jane Austen, Lady Susan, plus léger et indulgent envers les personnages, et dont l’intrigue rencontre celle de Mademoiselle de Joncquières : il y est aussi question d’un mariage trompeur, et d’une jeune fille qui fait un plus beau mariage que celui que sa mère ou sa protectrice avait manigancé pour elle.

Mais le véritable enjeu, pour les critiques, c’est le féminisme – à l’exception notable de Critikat ( le cinéaste « prend ici le contre-pied de la tendance actuelle [celle de Metoo] en signant un véritable anti-revenge movie ») [revenge movie , voir note (1). LGS].

Dans Télérama, Mathilde Blottière se demande si le film est « Metoo-compatible ; elle pose la question avec humour, mais elle la traite sérieusement, distribuant les bons et mauvais points, pour conclure que, comme toujours, les hommes s’en tirent bien mieux que les femmes. Dans une interview, Emmanuel Mouret accepte aussi ce débat, même s’il le déplace en répondant : « Au fond, le féministe, c’est Diderot. Il a écrit La Religieuse. » Argument bien superficiel : La Religieuse est un roman anti-clérical et libertin, qui traite du thème des amours saphiques, traditionnellement excitant pour les lecteurs masculins, dans ces romans XVIIIe qu’on « ne lit que d’une main ».

Mais c’est Mathieu Machette, dans Le Monde, qui réalise la plus belle performance : convaincu, lui aussi, que le féminisme est le critère absolu de la valeur d’une œuvre d’art, il se débrouille, pour décerner à Mademoiselle de Joncquières un brevet de féminisme : « Mme de la Pommeraie ne nourrit pas seulement une vengeance égoïste mais au nom du genre féminin, afin d’éduquer et de punir le genre masculin ». Rien de moins !

C’est en effet l’aspect le moins convaincant du film : on ne croit pas à Mme de la Pommeraye/Cécile de France en bras armé de la Justice et de la Cause des Femmes ; au contraire, dans la séquence où elle ressasse, toujours avec son sourire éclatant, son mantra féministe face à une autre femme, Mme de Joncquières, à laquelle elle vient de jouer un tour terrible, on se demande si elle n’est pas devenue folle à force de fureur de vengeance. De fait, ce personnage, central pourtant, n’est pas assez construit, et Cécile de France peine à l’incarner.

Aussi, au fil du film, on s’attache plutôt aux autres personnages, au point d’en oublier Mme de la Pommeraye et sa sombre vengeance. Finalement, ce thème de la vengeance devient secondaire, il sert surtout à raconter une belle histoire d’amour et de rédemption – belle, et assez traditionnelle : comme dans les romans de Jane Austen, le véritable enjeu, ce n’est pas le féminisme, mais le mariage ; il s’agit toujours de faire un “ beau mariage ”, qui apporte à la jeune fille sécurité affective et économique, et statut social.

Mademoiselle de Joncquières est donc un divertissement agréable, qui a surtout le mérite négatif d’ignorer l’hystérie Metoo/ Balance ton porc (ici, ç’aurait pu être : Balance ton séducteur infidèle), mais sur lequel il n’y a pas lieu de s’extasier : un film en costume Pompadour, pourquoi pas, mais, dans cet exercice, les cinéastes français sont loin de l’ironie pétillante et du rythme allègre des Anglo-Saxons.

Rosa LLORENS

Note du GS(1). Revenge movie  : Film d’action ou polar, situé généralement (mais pas forcément) en milieu urbain et prônant les vertus du règlement immédiat de certains problèmes sociétaux par des citoyens usant de méthodes directes. Le héros du film d’auto-défense est généralement un citoyen lambda (ou un groupe de citoyens) qui, las de l’insécurité et de l’inertie des autorités, et en ayant souffert lui-même (viol et/ou meurtre d’une personne proche, incendie de sa maison), décide de prendre les devants et de se débarrasser lui-même de la vermine humaine, quitte pour cela à transgresser la loi. Ce type de film est voisin par le ton et l’ambiance de polar violents comme "L’Inspecteur Harry", mais le héros n’y est pas forcément un représentant de la loi (bien que des films de type "sécuritaire" puissent mettre en vedette des policiers fatigués d’obéir à des règles archaïques). La métamorphose de l’environnement urbain aidant, le genre connut divers avatars à partir des années 70, aux USA, en Italie et (plus modestement) en France.
Source  : https://www.senscritique.com/liste/Vigilante_et_revenge_movie/299323

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Georges Séguy. Résister, de Mauthausen à Mai 68.
Bernard GENSANE
Il n’a jamais été le chouchou des médias. Trop syndicaliste, trop communiste, trop intransigeant à leur goût. Et puis, on ne connaissait même pas l’adresse de son coiffeur ! Seulement, à sept ans, il participe à sa première grève pour obtenir la libération de son professeur qui a pris part aux manifestations antifascistes de Février 34. Huit ans plus tard, à l’âge de quinze ans, il rejoint les rangs de la Résistance comme agent de liaison. Lui et les siens organisent de nombreuses évasions (…)
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Honte à tous ceux à gauche qui ont tourné le dos à Assange. J’ai vu ce que vous avez fait, bande d’enfoirés.

Daniel Fooks

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