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Lumières ! Caméras ! Terroristes ! L’inculpation des 7 de Liberty City était un grand moment de télévision, T. Aaronson - Miami New Times.


Traduction "the show must go on" par CSP http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/
Diffusion autorisée et même encouragée
Merci de mentionner les sources



Miami New Times, 29 juin 2006.


L’histoire des 7 de Liberty City éclata à l’heure où le Sud de la Floride rentrait du travail. A 17h57, une branche locale de la chaîne de télévision NBC, WTVJ-TV (Channel 6), interrompit ses programmes habituels. Patricia Andreu, une jolie brune d’origine cubaine, intervint à court de souffle. "Nous avons des images qui arrivent en direct," annonça Andreu aux téléspectateurs. Puis des images d’un entrepôt prés de 17th avenue et 63rd Street. Des officiers de police, habillés en treillis et bottes noires, allaient et venaient autour de véhicules 4x4 aux vitres teintées comme s’ils attendaient pour une partie de paint-ball organisée par une entreprise pour ses cadres.

"Nous avons été informés qu’une enquête en relation avec le terrorisme est en cours," expliqua Andreu. "On nous a dit que des officiels locaux et fédéraux - vous les voyez à l’image en ce moment - ont dressé un périmètre de sécurité... Comme vous pouvez le constater sur les images que nous venons de recevoir, plusieurs officiels locaux et fédéraux sur les lieux, y compris le FBI. Il sont armés, comme vous pouvez le constater."

La chaîne locale de CBS, WFOR-TV (Channel 4), diffusa peu de temps après les mêmes images sur son site Internet avec le titre : "des individus soupçonnés de terrorisme sont arrêtés".

Dans l’après-midi, des agents fédéraux avaient arrêtés sept personnes accusés d’être des membres d’Al Qaeda. A début, cela ressemblait à la plus grande opération anti-terroriste depuis le bombardement par les Etats-Unis du dirigeant de l’insurrection irakienne Abu Musab al-Zarqawi. Mais l’histoire se révéla n’être finalement rien de plus qu’une opération soigneusement préparée de diversion médiatique. Le moment choisi était suspect. Le New York Times venait de révéler encore un nouveau programme du gouvernement pour s’ingérer dans les affaires privées des concitoyens. Et les média nationaux étaient justement présents dans la ville pour diffuser la parade de la victoire de l’équipe championne de basket "Miami Heat".

Appelons ça un scoop au journal de 20 heures dans la Ville Magique. Des agents fédéraux arrêtèrent Narseal Batiste, Patrick Abraham, Stanley Phanor, Naudimar Herrera, Burson Augustin, Lyglenson Lemorin, et Rotschild Augustine - et du jour au lendemain les transformèrent en stars de la télé.

L’acte d’accusation précise que le groupe de Liberty City complotait pour faire exploser le Sears Tower à Chicago et les bureaux du FBI à North Miami Beach. Et ça puait la manipulation. Mais les médias, particulièrement ceux qui brandissaient des caméras, étaient trop occupés à désigner Al Qaeda.

"Je crois sincèrement qu’il y une dimension de relations publiques dans cette affaire, comme dans d’autres affaires similaires," a dit Khurrum Wahid, un avocat de Miami qui a défendu des clients accusés de terrorisme.

Réagissant aux dépêches locales, selon la méthode de "diffusez maintenant et posez des questions plus tard", les média nationaux se sont précipités à Liberty City avec quelques rares informations sur les accusations et les accusés. Vers 22h00, John Zarrella, de CNN, intervenant à l’émission "Anderson Cooper 360", semblait avoir décroché la meilleure interview : un membre de la cellule de Miami. Identifié comme "Frère Corey," celui-ci expliqua que lui et ses amis "n’étaient pas des terroristes." Le groupe, selon frère Corey, était engagé dans des études religieuses de nature pacifique. Voici l’interview :

Zarrella : Alors vous affirmez que vous n’aviez aucune intention de faire exploser le Sears Tower à New York [sic] ou les bureaux du FBI ici à Miami ?

Frère Corey : exact.

Zarrella : Et que vous n’êtes pas des terroristes ?

Frère Corey : nous ne sommes pas des terroristes.

Zarrella : Aucune relation avec Al Qaeda ?

Frère Corey : Monsieur, je ne veux pas parler de ça, mais nous ne sommes pas des terroristes...

Zarrella : Pourquoi vous appelez-vous des "soldats" ? Si vous êtes un groupe pacifique, pourquoi le terme de "soldats" ?

Frère Corey : Parce que nous étudions et nous nous entraînons par la Bible, non seulement sur le plan physique [Frère Corey désigna sa tête] - physiquement mais aussi mentalement ... Ceci n’est pas le foyer d’une cellule terroriste. Vous comprenez ?

A l’évidence, si l’inepte "Frère Corey" et ses potes sont des terroristes - et CNN n’en a fourni aucune preuve - alors nous ne craignons rien.

Mais aux informations locales de 23h00, la peur continuait à être distillée. Le journaliste d’investigation de la chaîne WPLG-TV (Channel 10), Rad Berky, se trouvait devant l’entrepôt du groupe. Les phrases "raid anti-terroriste" et "arrestations de terroristes" traversaient l’écran. Avec une expression empreinte de gravité, Berky déclara : "les enquêteurs pensent être en présence d’un groupe terroriste local travaillant dans cet entrepôt de Liberty City. Sept hommes ont été arrêtés cette nuit."

Berky qualifia de façon répétitive des informations déjà connues des média et du public - comme les accusations du gouvernement selon lesquelles le groupe prévoyait d’attaquer des cibles à Miami et Chicago - comme provenant de ses "sources".En prononçant des mots tels que Djihad et Djihadiste, Berky consacra ses 4 minutes et 25 secondes à répéter à l’infini les accusations du gouvernement contre les 7 de Liberty City.

"Nos sources nous indiquent c’est le Département de la Police de Miami-Dade qui avait initié l’enquête," déclaré Berky. "Le FBI a ensuite infiltré un indicateur dans le groupe, en réussissant à les convaincre qu’il était membre d’Al Qaeda ou un Djihadiste Islamiste. Il semblerait aussi qu’il existe des enregistrements audio, ou vidéo, des membres du groupe en train de prêter allégeance à la guerre sainte."

Des informations concrètes arrivèrent le lendemain lors de la conférence de presse au Bureau du Procureur à Miami. 25 caméras encerclaient une tribune couverte de micros. Trois équipes de télévision portaient des T-Shirts (de l’équipe locale de basket) Miami Heat. D’autres portaient autour du cou des accréditations de presse de la NBA (fédération de basket - ndt). Les journalistes se pressaient, impatients d’obtenir un exemplaire du CD contenant les photos des accusés.

A 11h30, environ 30 minutes après que le Ministre de la Justice Alberto Gonzales ait terminé sa conférence de presse à Washington DC, le Procureur Alex Acosta prit la parole à Miami. Derrière lui se tenaient deux douzaines d’officiels locaux et fédéraux, dont le maire de Miami, Manny Diaz, le chef de la Police John Timoney, et le sheriff du comté Ken Jenne. Un homme mince aux cheveux bruns et aux oreilles décollées à la manière de Dumbo, Acosta s’adressa aux média sur un ton autoritaire. Les septe accusés de Miami, dit il, espéraient que leurs attaques - selon leurs termes - "soient aussi forts ou même plus que le 11 septembre".

Bien sur, d’après l’acte d’accusation de 11 pages distribuée à la conférence de presse, le groupe n’était en possession d’aucune arme ou explosif. Et leur contact d’Al Qaeda - à qui ils avaient prétendument prêté allégeance et a qui ils ont demandé 50.000 dollars de financement - était en fait un indicateur du FBI.

Ces types n’étaient même pas destinés à biner les jardins potagers d’Al Qaeda. Mais la plupart des journalistes semblaient ne pas vouloir le comprendre.

"Est-ce qu’Al Qaeda allait répondre à leurs demandes ? Qu’ont-ils eu en retour ?" demanda une journaliste qui réussit à se faire entendre par dessus les voix de ses collègues. "Je suis désolé, je ne comprends pas," répondit Acosta.

"Ils ont demandé de l’argent. Ils ont demandé des armes. Est-qu’ils ont eu une réponse d’Al Qaeda ?"

Acosta répondit, euh, et bien, non, en fait Al Qaeda n’avait jamais été contacté.

"Comment ont-ils obtenu 50.000 dollars (d’Al Qaeda) ?" demanda une autre voix féminine.

"Pardon ?" répondit Acosta, encore une fois désorienté par la question.

"Vous avez parlé de 50.000 dollars," dit la journaliste.

Acosta répondit à nouveau, euh, et bien, non, en fait Al Qaeda n’avait jamais été contacté.

Après la conférence qui a duré 20 minutes, les officiels ont quitté la salle. Habillé dans son uniforme bleu impeccable de policier et chaussures noires cirées, le Chef de la Police Timoney descendit de l’estrade. Les journalistes se pressèrent autour de lui. Timoney répondit en termes vagues à des questions précises, d’une voix puissante qui remplissait l’espace. Al Qaeda, expliqua Timoney, qui était jadis un groupe hiérarchisé, s’est métamorphosé en groupuscules autonomes.

Puis le Chef jeta un regard autour de la salle. A l’évidence, il avait l’esprit ailleurs. Apparemment, Oussama Ben Laden était le dernier de ses soucis.

Les portes de ascenseur s’ouvrirent.

Timoney pointa du doigt. "Vous descendez ?" demanda-t-il tandis qu’un journaliste du New Times lui emboitait le pas.

"Dieu merci !" dit Timoney tandis que les portes se refermaient. "J’ai une parade à organiser. Je ne peux pas me laisser distraire par cette histoire de terrorisme".

Trevor Aaronson


- Source : www.miaminewtimes.com


L’Amérique lacérée par les barbelés, par Alesandro Portelli.


Mexique : une aussi longue ingérence, par Comaguer.



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