Lionel Palun, 42 ans, n’est pas intermittent par défaut. Il casse tous les clichés par un parcours atypique. Docteur en physique, ingénieur, chercheur... Il a quitté les sentiers d’une vie facile pour escalader ceux beaucoup plus escarpés d’une vie d’artiste. Aléatoire, exigeante, passionnante. « Il y a quelques années, j’avais une visibilité de travail sur un an. Aujourd’hui, de deux mois à peine... » Ce qui le branche au sens propre, c’est la danse contemporaine découverte grâce à des amis. Un champ expérimental qui vaut tous les champs magnétiques. « Je suis un electro-vidéaste. »
Accroché fermement à sa banderole, Lionel glisse que le spectacle vivant lui offre cette liberté dont il n’avait pu tester la saveur à l’université. Aucun regret, malgré le prix à payer. La remise en cause de son statut par le gouvernement le conduit à procéder à un calcul immédiat : « 10 % de revenus en moins sur l’année. » Payé au lance-pierre, Lionel Palun avoue toucher l’équivalent du SMIC et croise les doigts pour ne pas perdre son statut. Vital. « Auparavant, il existait une zone tampon. Aujourd’hui, si la réforme passe, c’est la perte totale d’un an de revenus qui pèse comme une épée de Damoclès. »
Lui qui ne roule pas sur l’or s’accroche à ces 507 heures de prestation dans les dix mois. Obligation d’artiste, de chercheur de « travail perpétuel » qui révise ses classiques. Kafka à la lettre. « Le pire, c’est que les 10 % que je vais perdre n’iront pas boucher le trou de l’assurance chômage, mais seront reversés aux plus hauts revenus du spectacle. »
Contrôleur
Eric Santinelli, 48 ans, s’est levé « à n’importe quelle heure », a calculé que son activité de contrôleur aurait pu l’éloigner au total sept ans de son foyer. Qui a dit heureux qui comme Ulysse ? Lui a depuis pris du galon syndical. Secrétaire régional de Sud Rail Lille, voici le cheminot vent debout contre la réforme. La SNCF est une entreprise « unique ». Éric Santinelli ne lâchera rien. « Nouveaux statuts, nouvelles conventions ? Pas question... »
Quels effets directs produira, selon lui, la réforme ? « Un impact sur le déroulement de carrière, sur les dix échelons d’ancienneté. » C’est simple, il estime qu’il risque de perdre 10 % d’une retraite évaluée à 1 360 euros nets avec la décote. « Il n’y a que les agents qui ont trente ans d’ancienneté qui seront préservés, les autres n’atteindront plus les mêmes rémunérations. »
Un nivellement par le bas qui forge une détermination basée sur trois principes. « Un groupe, ce n’est plus une entreprise. La dette de la SNCF n’est pas traitée dans ce projet de réforme. La construction d’un cadre social commun à l’ensemble des acteurs du système ferroviaire est inenvisageable... » Le durcissement. « Changer de stratégie et ancrer le mouvement dans la durée. » Un agent du matériel passe. « Tu gagnes combien ? » « 1 400 euros avec dix-sept d’ancienneté. »
Patrick Séghi et Patrick James