L’année 2017 s’est terminée sans nouvelle catastrophe, et on peut maintenant se demander ce que la nouvelle année va nous apporter. La Corée du Nord, désormais équipée de l’arme nucléaire, est le point éclair d’une nouvelle guerre potentielle, mais, à moins que son leader Kim Jong-un n’ait vraiment envie de se suicider sur le plan personnel et national, il est peu probable que Pyongyang déclenche une escalade pour en provoquer une. La Maison-Blanche de Trump est beaucoup plus dangereuse, car elle semble confondre la violence et la fermeté. Chaque fois que le secrétaire d’État Rex Tillerson parle de négociation, il est contredit par Nikki Haley ou par le président qui dit que la diplomatie n’est plus de mise, mais le fait est que la destruction de la péninsule coréenne et les centaines de milliers, voire millions de morts qu’une telle guerre engendrerait inévitablement, pourrait faire hésiter même les généraux et les psychopathes qui semblent mener la danse. Cela signifie qu’à moment donné, les diplomates, peut-être dans le cadre d’un arrangement négocié par la Russie ou la Chine, seront bien obligés de prendre le relais. Espérons-le, en tout cas !
Et les Etats-Unis se sont également tirés une balle dans le pied en ce qui concerne la Russie, un adversaire avec lequel Donald Trump voulait autrefois améliorer les relations. Mais tout cela, c’était avant que ne soit lancé, pour des motifs politiques, un Russiagate qui a refait de Moscou l’ennemi numéro Un qu’il était pendant la guerre froide. Le grand négociateur Trump n’a pas compris qu’on ne peut pas améliorer les relations avec quelqu’un dont on menace les intérêts vitaux. Les États-Unis et leurs alliés persistent à conduire des exercices militaires à la frontière russe sous le faux prétexte que le président Vladimir Poutine dirige une puissance expansionniste. La récente décision de vendre des armes offensives à l’Ukraine est un geste qui ne sert aucun intérêt américain, tout en menaçant les intérêts vitaux de Moscou puisque l’Ukraine est à sa porte. C’est une mauvaise décision qui garantit que les relations avec la Russie resteront glaciales dans les temps qui viennent.
Notez bien que les plus gros problèmes que l’Amérique a avec le reste du monde sont tous plus ou moins auto-infligés. À mon avis, à part la Russie et la Corée du Nord, les principaux problèmes de politique étrangère des États-Unis tournent autour du Moyen-Orient et découlent tous de l’instabilité délibérée générée par Israël qui a formé une alliance contre nature avec son ancien ennemi, l’Arabie saoudite. L’axe Tel-Aviv (pardon, Jérusalem) Riyad fait actuellement tout ce qu’il peut pour déclencher une nouvelle guerre au Moyen-Orient car ils veulent que l’armée américaine détruise l’Iran qui est une grande puissance régionale.
Quand on réfléchit, on voit bien que les États-Unis n’ont pas vraiment intérêt à s’investir dans les plans d’Israël ou de l’Arabie saoudite, leur seul intérêt est de ne pas laisser la région devenir un terreau fertile pour les groupes terroristes transnationaux et de protéger la circulation des produits énergétiques pour empêcher une flambée des prix qui nuirait à l’économie américaine qui dépend de cette énergie. C’est à peu près tout, et cela ne nécessite, ni ne justifie, le déclenchement d’une troisième guerre mondiale.
Le problème que nous avons avec Israël, c’est qu’Israël et son puissant lobby étasunien armé d’un milliard de dollars ont leurs harpons si profondément enfoncés dans le système politique américain et dans les médias nationaux que l’État hébreu est pratiquement intouchable. Plus récemment, nous avons appris que Facebook avait supprimé des comptes qui critiquent le gouvernement israélien à sa demande. Pendant ce temps, ce même gouvernement travaille dur à faire disparaître toute trace de la Palestine ou des Palestiniens. Il a obtenu récemment que la National Basketball Association supprime la référence à un site Web de Palestine que le ministre israélien des sports a qualifiée d’ « État imaginaire ». Le commissaire de la NBA, Adam Silver, a apparemment donné son accord. Même les récentes révélations qui ont fait le buzz, selon lesquelles c’était plutôt Israël que la Russie qui avait corrompu l’équipe de Trump, n’ont donné lieu qu’à quelques articles sur Israël avant d’être englouties dans le puits de l’oubli.
Israël a toujours réussi à faire danser au son de sa musique les locataires successifs de la Maison-Blanche sans en subir vraiment de conséquences. Avec Donald Trump, on pourrait même dire qu’il a réussi à tellement bien conditionner le président que ce dernier devance même les désirs de Benjamin Netanyahou. Le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem est un magnifique cadeau qui plaît tellement à Israël qu’il va donner le nom du président à une gare ferroviaire, mais ce transfert ne cause que des problèmes aux États-Unis, aux citoyens américains et aux entreprises américaines à l’étranger.
Bien sûr, on pourrait soutenir que Trump n’a pas décidé de ça tout seul. Il est entouré de juifs orthodoxes ainsi que de sionistes chrétiens comme Mike Pence et Nikki Haley, qui semblent tous donner la priorité à Israël, ce qui n’est pas exactement la meilleure manière de « redonner sa grandeur à l’Amérique ». Les conseillers juifs ont également des liens financiers et commerciaux avec Israël, ce qui semblerait aussi indiquer que Robert Mueller devrait se tourner vers le Moyen-Orient s’il veut réellement détecter une ingérence étrangère dans la politique américaine.
Pour ne citer qu’un seul exemple récent de la façon dont la pression constante pour satisfaire Israël et minimiser ses transgressions s’opère dans la pratique, l’ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, David Friedman vient apparemment de jouer à qui pissera le plus loin avec le Département d’État concernant les terres palestiniennes qu’Israël a illégalement volées et « occupées ». Friedman, un fervent partisan des colons fanatiques qui ont été le fer de lance de l’occupation, préférerait au mot « occupé » un adjectif comme « amélioré » ou « retourné aux propriétaires d’origine ».
Et Friedman n’est rien qu’un sioniste excentrique si on le compare à Michael Makovsky qui dirige l’Institut Juif pour les Affaires de Sécurité Nationale (JINSA). Makovsky est obnubilé par les prétendues ambitions iraniennes et il veut les contrer en redessinant la plupart des frontières du Moyen-Orient. Il clame : « Maintenir la Syrie, l’Irak, le Liban et le Yémen sous leurs formes actuelles est contre-nature et sert les intérêts de l’Iran ». Makovsky voudrait recomposer toute la région à partir de critères tribaux, ethniques et religieux, en commençant par séparer la région kurde de l’Irak et diviser la Syrie en trois États distincts. Il ne dit pas que sa proposition n’a rien d’original puisqu’elle reprend le Plan Yinon israélien des années 1980 et la proposition néocon américaine « Clean Break (coupure nette) » qui a été rédigée par des génies comme Richard Perle, Doug Feith et David Wurmser et soumise à Netanyahou en 1996. Makovsky ne dit pas non plus que s’il y a un pays du Moyen-Orient qui a des frontières artificielles et de fortes divisions sectaires dans la région sur laquelle il règne, c’est Israël, mais, bien sûr, l’utilisation du mot « frontière » serait quelque peu inexacte car Israël est un état expansionniste qui n’ a pas de frontières déclarées.
Et les médias sont complices d’Israël. La tentative récente de lier le Hezbollah au trafic de drogue vers les États-Unis, en impliquant l’Iran par contrecoup, semble être complètement mensongère. Je pourrais détailler pendant des heures les raisons pour laquelle l’Amérique, si elle était attachée aux valeurs morales, ne devrait pas soutenir un régime d’apartheid qui regorge de voyous racistes qui sont dirigés par un gouvernement complètement cynique qui envoie ses « soldats » dans les territoires palestiniens pour tirer sur des hommes qui ont perdu leurs jambes et des enfants, mais cela ne ferait qu’exciter les agents de la propagande israélienne* qui descendent comme des hordes vautours sur tous ceux qui osent écrire ou dire quelque chose de négatif sur la « seule démocratie du Moyen-Orient » et « le meilleur allié de l’Amérique »
Quand tout le reste a échoué, ceux qui font passer Israël avant tout** ont recours aux injures. Il y avait dans le Washington Post une pleine page condamnant la chanteuse pop néo-zélandaise Lorde, dont le crime était qu’elle avait décidé d’annuler un spectacle en Israël pour des raisons politiques. La page, financé par « le rabbin de l’Amérique », Shmuley Boteach, qualifiait absurdement Lorde de bigote qui « hait les Juifs » et insinuait grossièrement qu’elle n’était pas étrangère aux meurtres de civils en Syrie, du fait qu’elle était prête à se produire en Russie. En effet, quiconque s’oppose à la politique d’Israël ou aux efforts acharnés que déploient des individus ou des groupes juifs pour la promouvoir est automatiquement qualifié d’« antisémite ». Idem pour les Américains qui s’opposent à ce que l’argent des contribuables serve à construire et à subventionner les musées de l’holocauste qui semblent pousser comme des champignons partout en Amérique. Ceux qui protestent sont qualifiés de « négationnistes de l’holocauste ».
Je demande sérieusement aux Juifs américains et aux Chrétiens sionistes, qui adorent Israël et refusent de voir ses tortures, meurtres, trafic d’organes et vols, de me dire quand exactement Israël a fait quelque chose de bon pour les États-Unis et pour le peuple américain. Qu’est-ce qu’Israël nous donne elle en échange de son ingérence constante dans le système politique et l’économique des États-Unis, en échange des milliards de dollars qu’il reçoit du Trésor américain, ajoutés aux milliards de dollars qu’il reçoit au titre des « contributions charitables », et aux milliards de dollars qu’il reçoit sous forme de coproductions et de concessions commerciales ?
Que reçoit-on en dédommagement de la mauvaise réputation que Washington se fait en protégeant Israël dans des enceintes internationales comme les Nations Unies, notamment depuis l’arrivée de Nikki Haley ? Quand Israël a-t-il présenté des excuses ou fait amende honorable pour n’avoir pas cessé d’espionner les États-Unis et de voler des technologies américaines ? Et qu’en est-il de l’attentat perpétré il y a cinquante ans contre l’USS Liberty, qui a tué 34 Américains ? Les membres d’équipage encore en vie attendent toujours une enquête officielle pour savoir ce qu’Israël a fait ce jour de juin-là.
Et enfin, qu’est- ce que les États-Unis gagneraient exactement à se lancer dans une guerre contre l’Iran, où ils risqueraient fort vraisemblablement de perdre un porte-avions ou deux pendant que les voyageurs américains deviendraient des cibles de choix pour une nouvelle vague d’attentats terroristes ? Le plus triste, c’est qu’il est peut-être déjà trop tard. Selon les médias israéliens les Trump et Netanyahou auraient signé un accord secret pour s’attaquer activement à l’Iran et à ses supposés programmes militaires. Une guerre dans laquelle les Américains se battront et mourront, mais pas les Israéliens, est certainement planifiée en coulisses.
Ce que je veux dire, c’est que, contrairement à ce qui se passe avec la Russie et la Corée du Nord, où les États-Unis se retrouvent dans une situation où de réels intérêts sont en jeu, il n’y a absolument aucun intérêt national qui justifie que Washington fasse quoi que ce soit pour Israël. Les États-Unis devraient débrancher la soi-disant « relation spéciale » avec Netanyahou et son nid de vipères. Prenons la résolution, en cette nouvelle année, de travailler dur pour y parvenir. Boycottons les entreprises et les chaînes de magasins de sport dont les propriétaires soutiennent activement les colonies israéliennes, pour faire passer le message que ce ne sera pas sans conséquences. Parlons d’Israël, mais sans s’autocensurer comme le font les médias, et sans passer par le canal des nombreux gardiens qui dirigent les soi-disant organisations pacifistes, ni par les vers de terre achetés et payés du Congrès. Ni depuis la Maison-Blanche, qui n’est rien d’autre aujourd’hui que l’écho des intérêts israéliens. Disons les choses telles qu’elles sont. Si les Américains connaissaient les crimes d’Israël, on a du mal à croire qu’ils voudraient y être associés de quelque manière que ce soit. Coupons nos liens avec Israël et faisons-le tout de suite.
Philip M. Giraldi
Philip M. Giraldi, Ph. D., est directeur exécutif du Council for the National Interest, une fondation éducative qui cherche à promouvoir une politique étrangère américaine plus conforme aux intérêts étasuniens au Moyen-Orient.
Son site Web est www.councilforthenationalinterest.org, l’adresse est P. O. Case postale 2157, Purcellville VA 20134 et son courriel est inform@cnionline.org.
Traduction : Dominique Muselet
Notes :
* Hasbara en Hébreu
** Israel firsters