RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Les retraites, un enjeu idéologique ?

Ce fut une superbe mise en scène de la politique spectacle. Un conditionnement insidieux pour orchestrer une réforme qui en réalité n’était pas un problème crucial, mais il fallait cependant qu’il le soit dans les esprits pour conforter l’hégémonie totalitaire du capitalisme.

La mise en oeuvre du consentement c’est d’ailleurs faite autour d’arguments souvent erronés. Le premier étant l’exagération de la donne démographique mise en avant pour justifier un futur déficit aléatoire. Pourtant les chiffres révèlent que la natalité a été plus importante que prévue, ce qui minimise, de fait, l’argumentaire autour de cette donnée. Qu’importe, le pouvoir a passé outre trouvant sans doute que la raison démographique avait un impact fort sur les consciences. Il a en partie réussi puisque des naïfs sont tombés à pieds joints dans ce piège grossier et vont donner un sérieux coup de main au diktat du Medef en préconisant l’allongement des cotisations. On pense tout de suite aux cadres de la CFDT et leurs « nullissime » secrétaire Chérèque, mais aussi à beaucoup de socialistes qui se taisent sur cette éventualité en criant seulement au scandale autour de la remise en question de la date fatidique des 60 ans. Pourtant, si l’on augmente la durée des cotisations, il est évident que l’autorisation de prendre sa retraite à 60ans ne voudra plus rien dire et ne sera qu’un faire valoir pour ceux qui se prétendent les défenseurs du travailleur, à l’évidence beaucoup de gesticulations stériles et de déclarations d’intentions toutes aussi fumistes les unes que les autres pour ne pas brusquer un futur électorat.

Bon, laissons ces politicards rois du consensus mou à leurs faux-fuyants, ces faux-culs accompagnateurs du capitalisme, passons au second argument souvent mis en avant, à savoir, les fluctuations du PIB.

Là , c’est le summum de la malhonnêteté car prétendre quel sera le montant du PIB en 2020 alors qu’un an avant la crise on n’a même pas été capable de prévoir qu’elle était imminente, et que cela se solderait par une récession, à l’évidence il ne faut pas manquer d’aplomb, voire de culot pour statuer ainsi sur avenir budgétaire au contour incertain. Ce produit intérieur brut, continuera-t-il une croissance constante comme ce fut le cas lors des dernières décennies ou son augmentation sera-t-elle moins importante que prévu ? Nul ne peut répondre avec certitude et toutes projections dans l’avenir restent hasardeuses. C’est un peu comme si Madame Soleil avait fait des prédictions économiques pour l’an 2050, c’est tout aussi fiable que ceux qui avaient prévu la fin du monde lors du 31 décembre 1999. Une supercherie de plus, mais de taille celle-là  ! Pourtant ça marche puisque l’on entend toujours les mêmes gogos se lamenter sur le futur état de nos retraites en fonction d’une augmentation tout à fait aléatoire du PIB. Ce qui prouve que la manipulation de la population a fort bien été orchestrée.

Il est évident que les capitalistes connaissent les solutions qui sont les plus simples et les plus efficaces pour régler ce problème. Solutions comme une réduction drastique du chômage, une augmentation significative des salaires les moins élevés (comme ce sont les plus nombreux, les pourcentages étant les mêmes, les rentrées seront néanmoins plus importantes en valeurs), et la tant décriée augmentation substantiellement des cotisations patronales, sont les pistes qui permettraient, sans mettre le pays sans dessus-dessous, de laisser le départ à la retraite à 60ans, voire avec une durée de cotisations de l’ordre de 37ans et demi. Ce n’est pas une utopie, mais un simple bon sens que chacun avec un tant soit peu de jugeote aura compris. Alors pourquoi compliquer les choses. Mais, déjà , faire payer un peu plus les patrons est là une vraie utopie car on connaît les arguments pour expliquer que cela n’est pas possible ; alors on entendra gémir : qu’en leur prenant une petite part de bénéfice on va réduire la compétitivité de l’entreprise, diront-ils éplorés ; en réalité on va surtout réduire la marge des revenus du capital, ou le salaire de l’employeur dans une PME, et ça c’est inconcevable !

Toutefois, si l’on examine les raisons d’un tel acharnement on s’aperçoit que l’affaire est encore plus subtile que cela, car il s’agit surtout de la disponibilité du travailleur, la mise à disposition inconditionnellement de celui-ci pour la rentabilité du capital. Il est évident que les conditions précédemment citées ne poseraient que peu de problème aux employeurs s’ils avaient un tant soit peu de bienveillance pour l’ouvrier, mais le principe veut que l’on exploite au maximum le salarié pour lui faire produire encore plus de profit dans n’importe quelles conditions.

La centralité existentielle du travail a longtemps été une notion sous-estimée. Pourtant, déjà du temps des Grecs on disait que le travail était activité servile qui ne constitue pas en lui-même un idéal, ou un des attributs de l’homme libre -c’est d’ailleurs pourquoi les élites de cette civilisation utilisaient des esclaves pour produire, les capitalistes sont incontestablement dans la continuité.

Faisant quelque peu abstraction de cette réflexion philosophique, lorsque l’union de la gauche a décidé que l’âge de la retraite devait se faire à 60 ans on disait simplement que cela était un âge raisonnable pour pouvoir s’extraire définitivement de la contrainte journalière du travail, mais sans aller plus loin dans la réflexion de la place du travail dans la société. Raison de plus pour ceux qui occupaient un emploi seulement rémunérateur, en somme une obligation pour pouvoir vivre, comme c’est le cas pour la majorité des gens ; au demeurant, peu sont ceux qui ont la chance de faire ce qu’ils aiment, ce qui aurait dû dèjà susciter un peu plus d’analyses sur le sens de nos vies.

Donc, en prenant l’un des raisonnements le plus simple tel que ce fut le cas à l’époque, le moins longtemps l’on est sous la contrainte, plus on augmente l’espérance de vie. Avec le fait, ne l’oublions pas aussi, que l’on arguait que le temps libre des anciens, avec une retraite correcte, leur permettaient de consommer plus pendant un laps de temps plus important. Ce fut aussi dans le même ordre d’idée l’une des raisons de la mise en place des 35 heures, en résultait un temps plus long pour le consumérisme attaché aux loisirs, c’était alors le leitmotiv couramment entendu. Si l’on ne peut contester l’argument économique, le mieux-être qu’il procure, on reste cependant dans la logique de l’économie capitaliste, et ce non démarquage sera l’élément moteur des régressions à venir. La valeur travail et revenu restant l’élément déterminant des concepts sociétaux.

Depuis, l’allongement de l’espérance de vie à fait aussi partie - a contrario des notions précédemment invoqués- des fallacieux arguments pour arguer le recul du départ à la retraite ; ce qui fait apparaître la caducité du raisonnement puisqu’en augmentant la durée du travail on va diminuer l’espérance de vie de part un épuisement plus grand, qu’il soit physique ou moral. Raisonnement caduc donc, mais volontairement utilisé à l’envi car seul, pour le capital, la notion de travail importe.

C’est surtout que le travail est devenu l’incontournable élément variant de la rentabilité du capital. On a bien dit le « travail », et non pas le travailleur, car c’est toute la nuance ; le travailleur en tant être humain n’existe plus ; il est simplement le rouage faisant fructifier le capital ; rouage productiviste que l’on veut mettre à disponibilité sans condition. Donc, peu à peu, on a transformé les consciences pour que le simple citoyen ne pense plus qu’en termes de travail, en servilité autour de ce concept, le temps libre n’étant que le moment pour récupérer de quelques fatigues, puis consommer de façons conditionnées pour faire tourner le système. Le respect pour le travailleur de la part de l’oligarchie capitaliste n’est plus que cela, un pion que l’on déplace, exploite, jusqu’à lui faire participer encore plus au système, à le surexploité en amenant insidieusement les retraites vers la capitalisation. Capitalisation qui sera le jouet des caprices, du bon vouloir des spéculateurs.

Pourtant, si l’on regarde de près l’orientation des propositions du gouvernement c’est exactement ce qui va se passer dans les années à venir, de plus en plus de capitalisation, de moins en moins de répartition… C’est bien l’aboutissement d’un concept idéologique, celui d’un capitalisme incontournable et particulièrement déshumanisé…

Le droit au travail doit aller vers le droit à la liberté, à l’organisation non répressive de l’existence…

Ce combat doit être aussi profondément politique, et surtout anticapitaliste !

En effet, si l’on se souvient, sans négliger la portée des avancées sociales, 1936, 1945, 1968, ce ne sont malheureusement que des avancées sociales temporaires et cependant durement gagnées, car, 74 ans après 1936, on s’aperçoit que ce qui avait été conquis à cette époque va disparaître parce que l’on n’a pas éradiqué la cause profonde de nos maux, le capitalisme…

Michel MENGNEAU

http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com

URL de cet article 10921
   
Même Thème
LA TYRANNIE DU BIEN VIEILLIR
Martz Didier, Michel Billé
La tyrannie du Bien Vieillir, voilà bien un paradoxe ! Il faut être un peu iconoclaste pour aller s’en prendre à une si belle idée, qui fait si largement consensus : « bien vieillir ». Bien vieillir, qui pourrait être contre ? Qui ne le souhaiterait pas pour soi-même et pour autrui ? Qui oserait affirmer préférer vieillir mal ? C’est que le désir de bien vieillir de chacun sans trop d’inconvénients est devenu un slogan qui anime les cercles politiques, court dans les maisons de retraite, (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

« les Afghans (...) auraient brûlé eux-mêmes leurs enfants pour exagérer le nombre de victimes civiles. »

Général Petraeus, commandant des forces US en Afghanistan lors d’une réunion avec de hauts responsables afghans,
propos rapportés par le Washington Post, 19 février 2011

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.