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Les ravages de la LRU (suite)

Je reprends ici une analyse de Michel Blay, directeur de recherche au CNRS, publiée dans La Vie de la recherche scientifique n° 378, sur l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

L’auteur voit dans cette agence « un rouage de la stratégie de Lisbonne ».

Cette « stratégie » (terme à peine guerrier, faut-il le rappeler ?) ne favorise pas une communauté intellectuelle mais vise à mettre en concurrence tous les chercheurs au moyen de techniques managériales. Le dogme néolibéral de la concurrence (libre et non faussée, souvenons nous-en) a pour objectif le « tous contre tous ». Mixhel Blay y voit un glissement de la civilisation vers la barbarie.

La connaissance devient un bien économique et le chercheur devient une marchandise. L’éducation a laissé la place à « l’acquisition utilitariste de compétences », tandis que la recherche s’est réduite à l’innovation, le dépôt de brevets, les profits à court terme.

Dans cette logique de marché, l’Aeres fournit des indicateurs, qui n’ont que peu à voir avec la science, mais tout à voir avec les exigences de la production requise par le capitalisme. On en arrive au point où le nombre d’ordinateurs possédés par un labo est plus important que la qualité des articles publiés par ses chercheurs, tandis que Google détermine la valeur de la bibliographie d’un universitaire.

L’Aeres marque la fin de l’autonomie et de la liberté académiques : avec elle, Lévi-Strauss aurait poursuivi et terminé sa carrière en collège et Roland Barthes eût été muet.

Les crédits pour le travail de fond et la recherche réelle diminuent ; les appels d’offres sont impulsés par les investisseurs privés.

A noter que, dans ce même numéro, Jean-Luc Mazet, chargé de recherche au CNRS et secrétaire général du SNCS, explique comment l’Aeres ne respecte pas les dispositions légales la concernant. Des rapports d’évaluation sont rédigés dans la langue du dollar sans traduction en français ; l’Agence note des équipes de recherche alors qu’elle n’en a pas le droit ; le travail des experts indépendants est souvent contourné par des fonctionnaires de l’Agence.

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« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu’en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d’autre que l’expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l’expression des rapports sociaux qui font justement d’une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »

Karl Marx

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