« Une nouvelle ère stratégique » a débuté en 2011 avec la mort de Ben Laden, le retrait des dernières forces américaines d’Irak et l’annonce, par les Etats-Unis, qu’ils avaient l’intention de rééquilibrer leur stratégie en s’orientant vers l’Asie. A ces événements s’ajoutent un troisième qui n’a pas été suffisamment mis en évidence bien qu’il soit d’une importance majeure. Il s’agit de la réduction rapide de la dépendance des Etats-Unis dans le domaine de l’énergie.
Ce point de vue est exprimé par Bruno Tertrais, maître de recherche dans la Fondation pour la recherche stratégique à Paris. En vérité, Tertrais n’est qu’une voix qui, parmi beaucoup d’autres, a chanté les louanges de la « révolution américaine dans le domaine de l’énergie », de l’« âge d’or du gaz » et le pétrole de schiste qui « changera le cours de l’histoire ».
On peut évidemment négliger la valeur stratégique des rumeurs qui ont circulé au sujet de la mystérieuse disparition de Ben Laden présentée comme une victoire remportée par Washington. Quand à ce qu’on appelle pétrole américain « non conventionnel », on peut le classer comme une troisième défaite qui s’ajoute aux deux autres que représentent le retrait d’Irak et de l’ensemble du Moyen-Orient afin que les Etats-Unis puissent aller se recentrer en Asie-pacifique.
On sait que, grâce à l’usage de nouvelles technologies dans le traitement de certaines sortes de sables et de roches, la production de pétrole et de gaz a ces dernières années enregistré une augmentation sensible aux Etats-Unis. On est arrivé actuellement à extraire 8 millions de barils de pétrole brut contre 5 millions de barils en 2008.
On sait aussi que le président Obama a euphoriquement qualifié cette évolution de « grande affaire » et « un progrès énorme sur la voie de l’indépendance énergétique des Etats-Unis ».
Dans le même ordre d’idées, des prévisions affirmaient depuis 2011 que les Etats-Unis pourraient doubler des producteurs tels que la Russie et l’Arabie Saoudite avant la fin de 2013. Parallèlement à ces prévisions, on a tant entendu parler des répercussions économiques et géopolitiques de cet événement qu’on voulait révélateur d’une grandeur croissante des Etats-Unis...
Mais la réalité est une chose et la propagande en est une autre. L’an 2013 s’est écoulé sans que les Etats-Unis ne puissent garder que leur position en tant que troisième producteur après la Russie et l’Arabie Saoudite.
Depuis, des voix se sont fait entendre pour fixer la date de la suprématie américaine dans ce domaine au deuxième trimestre de l’année 2014. D’autres voix, moins précipitées, ont considéré qu’il fallait attendre jusqu’à 2017 ou 2020.
Là, on ne manque pas de s’étonner car, les études sérieuses sont unanimes à considérer qu’en l’an 2020 on assistera au début de la chute très rapide de la production du pétrole et de gaz de schiste, et au retour des Etats-Unis à leur place en tant que pays exclusivement importateur et dépendant sur ce plan.
Les raisons de ce recul s’expliquent par le tarissement rapide des sources de l’énergie non conventionnelle qui est dû à la grande puissance des technologies utilisées dans son extraction, mais aussi à l’énormité des investissements financiers qui épuisent les compagnies travaillant dans ce secteur.
Ce recul se traduira certainement par de grosses pertes qui s’ajouteront à celles subies actuellement par les compagnies en raison de leur conduite populiste et démagogique : En vérité, et cela est une question que les Etats-Unis s’en flatte au lieu de l’éviter, la disparité est très grande entre les prix du gaz dans les marchés intérieurs aux Etats-Unis et leurs prix dans d’autres pays. Par exemple, le gaz se vend respectivement au Japon et en Europe à des prix 5 fois et 3 fois plus élevés que leurs prix aux Etats-Unis. Cela signifie que le consommateur américain sera obligé dans quelques années, lorsque les années maigres remplaceront l’âge d’or, de payer son gaz à un prix 10 fois plus cher si ce n’est pas plus.
De plus, il faut signaler le fait que la violence des moyens utilisés dans l’extraction de l’énergie non conventionnelle cause de nombreux dégâts à l’environnement. A ce propos, les écologistes américains affirment que le forage à grande échelle et la destruction des couches des roches souterraines augmenteront le risque des tremblements de terre dans les zones d’activités sismiques aux Etats-Unis. Ils provoqueront également des émanations gazeuses qui rendent encore plus grave la pollution atmosphérique, et des études scientifiques ont d’ores et déjà prouvé qu’ils polluent les sources souterraines d’eau potable.
Toutes ces données signifient que les Etats-Unis -qui croupissent sous le poids de la crise économique et dont l’influence est en recul dans le monde- sont en train d’épuiser leurs réserves énergétiques dans une tentative de répandre l’illusion qu’ils sont sur le point d’entrer dans une nouvelle ère de grandeur et de prospérité.
C’est ainsi qu’avec leur « révolution énergétique » les Etats-Unis ressemblent à une chandelle dont la lumière commence à s’éteindre par manque d’huile, mais qui en brûle d’un seul coup la dernière goutte pour répandre, rien que pour un petit moment, une lumière vive avant de sombrer définitivement dans les ténèbres.
Akil Cheikh Hussein