RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Les écologistes de pacotille du Groupe des huit

La photo est belle. Messieurs Nicolas Sarkozy et George W. Bush y apparaissent, la pelle à la main, plantant de jeunes arbres dans une pelouse de la ville japonaise qui hébergea, du 6 au 10 juillet, la dernière réunion du G8. Qu’ils soient ou non sur le cliché, tous les membres du groupe des huit pays les plus riches de la planète ont fait de même. Car planter un arbre est un magnifique symbole, qui permet de prouver au Monde que ses dirigeants se préoccupent d’écologie.

Comme le veut maintenant la coutume pour tout sommet international qui se respecte, la réunion du G8 affichait à son ordre du jour la lutte contre le changement climatique. Et comme chaque fois, le résultat des négociations est navrant. Nicolas Sarkozy ne trompe personne en estimant que cette étape constitue un « progrès important », au motif que les Etats-Unis auraient accepté de partager un objectif mondial de division par deux des émissions de gaz à effet de serre à échéance 2050. Car cette déclaration n’engage strictement à rien.

En premier lieu, un George W. Bush qui coule les jours tranquilles d’une fin de second et dernier mandat peut presque tout promettre, puisque la balle est déjà dans le camp de son successeur. Et si les engagements à réduire les émissions sont une figure obligée de la campagne présidentielle américaine, les crises économiques à répétition et la menace de plus en plus réelle de récession laissent planer un énorme doute sur la mise en oeuvre de mesures durables.

Deuxièmement, les membres du G8 ne sont parvenus à se mettre d’accord ni sur une année de référence, ni sur un objectif intermédiaire. Or, le choix de l’année prise en référence sera déterminant dans le calcul, puisque les émissions mondiales ne cessent d’augmenter. Des objectifs intermédiaires, quant à eux, permettraient d’établir un début de calendrier et éviteraient de renvoyer l’atteinte du résultat à une date à laquelle la plupart des chefs d’Etats présents au Japon seront morts et enterrés.

Enfin et surtout, l’ « accord » des Etats-Unis ne vaut que si la Chine et l’Inde acceptent la même contrainte. Or, depuis les négociations du protocole de Kyoto à la fin des années 90, ces pays émergents refusent tout objectif chiffré de réduction, en invoquant le droit au développement. Sur ce point, leur position n’a pas varié d’un pouce.

Le progrès en question est donc aussi spectaculaire que la plantation de quelques arbres par nos jardiniers amateurs. Si l’on veut bien abandonner la langue de bois, il faut admettre que la situation est totalement bloquée. Les raisons en sont simples. Aucun des protagonistes n’est prêt à toucher à la croissance de son économie, ni sur le plan quantitatif, ni même sur le plan qualitatif. Aucun, évidemment, n’envisage de remettre en cause le libre-échange, véritable moteur des délocalisations et, par là même, des profits des multinationales et de la finance.

Or, ce système économique construit contre les peuples et pour les grandes puissances financières est, de très loin, le principal responsable de l’augmentation folle des émissions de gaz à effet de serre. Alors qu’une croissance « décarbonée », pour ne pas dire « verte », nous était promise, les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) ont augmenté de 35% depuis la signature du protocole de Kyoto en 1997. Si quelques rares Etats développés sont parvenus à réduire leurs rejets, ces « avancées » sont loin de compenser la régression provoquée par la stratégie de mondialisation poursuivie par les multinationales.

La très sérieuse revue américaine Environmental Science & Technology publiait en 2007 une étude de deux chercheurs en science de l’environnement(1). Ceux-ci estiment que 20% des émissions mondiales de CO2 sont imputables aux produits fabriqués dans les pays en développement et importés par les pays développés. Alors que la production d’électricité, très peu délocalisable, est la première activité émettrice de CO2 (27% des émissions mondiales), ce chiffre de 20% signifie que les impacts sur le climat du commerce international sont tout simplement énormes. Avec un redéploiement de la production dans les Etats à bas niveau de protection environnementale, une surexploitation des ressources naturelles, un transport des produits sur des milliers de kilomètres... qui sont les conséquences évidentes du néolibéralisme, rien d’étonnant à ce que les pays développés soient importateurs nets de gaz à effet de serre.

Les membres du G8, qui ne peuvent ignorer un tel état de fait, ont donc fermé les yeux. Ils ont continué à tromper l’opinion publique en simulant la prise de conscience écologique. Ils ont utilisé un symbole particulièrement dangereux : celui qui consiste à faire croire que planter des arbres peut compenser les dégâts d’un système économique fondamentalement destructeur des écosystèmes.

S’ils avaient vraiment voulu agir pour la planète, les chefs d’Etat auraient mieux fait d’enterrer les politiques libérales. La tâche n’était pas si difficile ; le trou était déjà creusé.

Aurélien BERNIER

http://abernier.vefblog.net/

(1) Embodied Environmental Emissions in U.S. International Trade, 1997-2004, Christopher L.Weber, H. Scott Matthews, Department of Civil and Environmental Engineering and Department of Engineering and Public Policy, Carnegie Mellon University, 10 mai 2007

URL de cet article 6965
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
Désobéissons à l’Union européenne !
Aurélien BERNIER
Délocalisations, destruction méthodique des droits sociaux, incapacité à protéger l’environnement, refus de la démocratie... Après l’adoption du traité de Lisbonne en 2008, on pouvait croire que l’Union européenne avait atteint le fond du trou libéral. Erreur ! Depuis la crise financière, elle creuse ! Même l’idéal de solidarité entre États vole aujourd’hui en éclat. Une vague d’austérité sans précédent déferle sur l’Europe, qui place elle-même ses peuples sous la tutelle des marchés financiers. Faut-il (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il y a un sacré paquet de connards à Cuba - comme partout. Mais la différence à Cuba, c’est qu’ils ne sont pas au pouvoir.

Jose G. Perez

Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.