« Sans cesse le progrès, roue au double engrenage, Fait marcher quelque chose en écrasant quelqu’un. »
« Le sang se lave avec des larmes et non avec du sang »
Victor Hugo
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C’était un beau jour en septembre. Au point où les perce-oreilles flirtaient encore le soir sur la marche, à l’entrée de la maison. La vie est courte, mais elle un peu plus longue quand on a mal à un rein. Je dis ça comme ça, parce que les bobos de l’âge d’or finissent par vous éroder un peu. Le corps est une machine dont les morceaux s’usent. Il est nécessaire, pour certains, d’être un peu malade de les éveiller au grand coucher qui s’en vient.
J’ignore quand l’expression perdre son temps fut « créée », mais le temps lui, au moins, finit par nous perdre tous. C’est aussi valable que la loi de la gravité. A laquelle il faut parfois désobéir, pour se livrer à l’abandon de perdre son temps. Car, au fond, vous rapporte-t-il plus de vous débattre dans une rivière ou laisser le courant vous apprendre la beauté du voyage dans ce bain forcé ? Cette lutte d’une vie ?
Automne
C’est en revenant de Rivière-du-Loup que j’ai décidé d’arrêter à l’aéroport pour admirer les avions. Parfois il n’y en n’a qu’une… Mais là , chanceux, un beau Charter duquel débarquent soit des fonctionnaires, soit des gens « importants », venus transiger. La mallette est dépassée, c’est le chariot à paperasse qui a pris la relève.
L’illusion du progrès…
Il y a 400 ans, ici, la France envoyait ses missionnaires répandre la bonne nouvelle et les hommes d’affaires avaler les richesses du pays. L’un n’allait pas sans l’autre. A se demander si quelque chose a changé.
Le temps…
La vitesse à laquelle on vole les citoyens…
Image : source
Le seul lien entre le voilier qui amenait les gens ici est l’orgueil du « courrier » venu conquérir le monde pour « son bien ».
La technologie a permis l’accélération et le volume des « biens ».
On achetait des castors des amérindiens, maintenant on achète des compagnies et on vide l’intérieur des gens pour n’en garder que la peau.
Ce que j’ai de difficulté à comprendre, c’est la « nécessité » de la vitesse à avaler les avoirs.
Avant, le travail était un art Zen. Maintenant, c’est un marathon.
On a des hôpitaux et un système de santé pour soigner les genoux…
Les personnages
Tous vêtus de bleu et de blanc, les voiles de leur tissu flottant au vent, ils ont débarqué puis se sont dirigés vers une auto qui les attendait.
Comme le missionnaire du film Black Robe
Un amérindien lui demande si il les aime. Il hésite longuement.
C’est marquant.
Dans nos querelles, nos visions, nous sommes tous « l’autochtone » de l’autre. Le sauvage à « parfaire ». Mais dans les dialogues du film, on saisit bien l’ambiguïté de savoir qui a raison et qui a tort. Personne n’a tort, personne n’a raison. Le fait est que l’ambigüité finit par régner et faire perdurer le désordre et l’incompréhension par une espèce de « recette » figée dans l’instant, sans égard aux trésors temporels historiques.
Plus encore : si la sagesse du conquis est supérieure, la force du conquérant ne sert qu’à détruire cette différence pour la mouler.
On peut bien se plaindre du monothéisme, mais qui donc se plaint de se nourrir et ballonner aux hamburgers ?
De sorte que ce qu’il ne reste de cet univers, société, est la culture de l’ambiguïté permanente.
C’est elle qui trône.
Les mots n’arrivent pas à bien décrire cette ambigüité. Ils ne peuvent surtout pas la régler. L’occidentalisme est un mode semblable à la vision monothéiste. Détruire la différence pour régler le cas des guerres amènerait une monstruosité, un monolithisme plat, assassinant toute la beauté et les contrastes de la race humaine.
Automne 2 : La saison des couleurs
Oui, je perdais mon temps… C’est sans doute là la grande ambiguïté de cette ère moderne déjà déclamée par Chaplin. Perdre un peu de temps est devenue la seule façon de se livrer à une certaine méditation. Il y a plus dans le vide d’un verre que dans sa forme solide.
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Lexandra, la Colombienne, se demandait quand allaient arriver les couleurs. Et puis, par chance, le long de la 132, il y avait un érable tourné au rouge sang. Dans son pays, les feuilles ne tombent pas ni ne changent de couleur. Tout est vert. Comme les plans bonnisseurs de ceux qui veulent régler le « bien être » du monde par « plus de richesse ».
Le cannibale sophistiqué
Il n’est pas nécessaire de faire le procès du pour qui et du pourquoi. On est en train de perdre la partie qui ouvre la porte à une compréhension du monde, des êtres, en train de se fermer à clef par un NOM. Nouvel Ordre Mondial.
Un arbre : des planches
Un humain : une pépite
Maintenant, on cultive des Christophe Colomb qui se promènent en avion.
Au lieu de traîner un papier du Roy, ils en traînent des milliers dans leur mallette.
Ils sont pressés…
Pressés de quoi ?
Je constate que tout système scolaire enseigne en sourdine à donner plus pour recevoir moins, dans un temps allongé et rapide. Et cela se poursuit dans les sociétés.
Au fond, quand on ne sait pas perdre son temps, on n’a rien appris : on a été « consommé » par un cannibale sophistiqué.
Mais le missionnaire ne sait pas qu’il se promène en chaudron…
La Vidure
http://gaetanpelletier.wordpress.com/2011/09/26/les-christophe-colomb-volants/