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Leclerc de Vandoeuvre : « Ces gens-là veulent juste bouffer du patron », Christelle Chabaud.








L’ Humanité, 26 janvier 2007.


Rien ne va plus dans le Leclerc de Vandoeuvre, près de Nancy, depuis l’implantation d’une cellule syndicale. Demain, onze salariés sont convoqués en vue d’une sanction... Voire d’un licenciement.

Yannick se définit comme un « amoureux du travail », un amoureux de « son » Leclerc. Regard dans le vague, il ne démêle pas comment « après six ans de bons et loyaux services » pour l’hypermarché de Vandoeuvre, dans la banlieue de Nancy, sa volonté d’améliorer à son niveau le « dialogue » a fait de lui un « paria » dont se serait même moqué l’humoriste Nicolas Canteloup. C’était dimanche 14 janvier, dans les salons de l’hôtel de ville de Nancy, à l’occasion d’une réception organisée par le PDG de l’hypermarché, Jacques Rousselot, pour une remise des « trophées du mérite » aux salariés les plus anciens. Présenté comme « spectacle surprise » de la soirée, l’imitateur des Guignols de l’info, que l’Humanité a tenté de joindre en vain, aurait, selon plusieurs témoignages concordants, fait rire l’assistance avec des jeux de mots sur Poirot, le nom de famille de Yannick, et sur FO, « le syndicat qu’il ne vous FO pas ». De biens curieux jeux de scène lorsqu’on sait que Yannick a justement été nommé délégué syndical de Force ouvrière fin juin 2006... La première fois qu’un syndicat franchit les portes de la grande surface depuis son ouverture en 1984.

Des « primes de gratification » à la tête du client, plusieurs semaines de travail enchaînées non-stop sans jour de repos, horaires fragmentés des caissières, absence de prime d’ancienneté, salaires à 849 euros par mois, impossibilité de prendre un congé quand son enfant est malade, un directeur qui ne dit jamais « bonjour », plusieurs salariées de la cafétéria qui se plaignent de harcèlement moral, absence de réunion du CHSCT depuis 2003... Les contestations du personnel arrivent dans le désordre aux oreilles de Yannick. « A la mi-octobre, pratiquement un tiers des 300 salariés a sa carte d’adhésion », un record dont se félicite Jeanine Lecot-Lothoré, la secrétaire fédérale responsable de la grande distribution chez FO.

Dans les résultats 2005, les employés découvrent une chute de 40 % de la participation au bénéfice sans avoir constaté de baisse sensible de fréquentation. Le comité d’entreprise vote une expertise des comptes... Au grand dam du PDG et de son directeur administratif qui estiment que « les cabinets d’expertise sont cul et chemise avec les syndicats ». Également président de l’ASNL, le club de foot de Nancy, le PDG Jacques Rousselot réunit dans les jours suivants les 300 salariés dans le hall du magasin. « Sans ironie aucune, il nous a expliqué qu’il savait ce que c’était que de gagner 3 000 euros par mois... On est resté sans voix car déjà en gagner la moitié nous suffirait », se souvient Edwige, hôtesse de caisse depuis onze ans. A la fin de son discours, Jacques Rousselot lance une invitation générale pour assister à l’événement régional du week-end : le match de Nancy contre le Feyenoord Rotterdam en Coupe de l’UEFA... « Avant d’expliquer qu’il n’avait malheureusement que 297 places et n’inviterait donc ni Yannick, ni Corinne, ni moi », à ses yeux les trois membres clés du syndicat. « C’était de l’humiliation publique. »

Des pétitions anti-FO commencent à circuler. « Pendant nos heures de délégation, on se fait espionner dans les rayons pour savoir quels sont les salariés sensibilisés, explique Yannick, dépité. Certains membres de la direction auraient même suggéré à demi-mot que ceux qui rendent leur carte FO sont susceptibles d’avoir des augmentations. » Lors des négociations annuelles sur les salaires Yannick et Olivier, un agent de maîtrise non syndiqué, n’obtiennent que la promesse d’installer un distributeur automatique de sandwichs et un frigo. Alain Durand, le numéro 3 de l’entreprise, s’explique. « On veut bien être gentil mais on n’avait pas envie de donner plus alors que ces gens-là veulent juste bouffer du patron et planter l’entreprise. Il ne faut pas demander le Pérou. Chez Leclerc, c’est comme ça, les prix sont bas et les salaires aussi. »

Le 15 décembre, un agent de sécurité refuse l’entrée à Olivier et l’informe qu’il est mis à pied. Alerté par téléphone, Yannick, accompagné de huit collègues, sort du magasin. La bagarre est évitée de justesse. « Pendant douze jours, j’ai été consigné sans savoir pourquoi », se souvient ce trentenaire qui chaque jour arpentait 100 km de route pour venir travailler. Deux jours après Noël, il reçoit sa lettre de licenciement : la direction lui reproche d’avoir cassé un panneau plastique en enlevant des produits avariés, de perturber la clientèle en discutant dans les rayons et d’avoir abandonné son poste pendant sa permanence. « Ce dernier point est vraiment malhonnête car depuis six ans je fais une rapide pause déjeuner à la cafétéria avec l’accord de mon chef. » Aujourd’hui, il n’a toujours pas reçu son solde de tout compte et ne peut pas s’inscrire aux ASSEDIC.

Nouveau rebondissement début janvier, pendant le week-end de la - remise des trophées. Maxime, un jeune salarié qui a « la hantise de l’inactivité », se voit notifier sa mise à pied conservatoire. Fan de l’équipe de foot, « Max » ne sait pas ce qu’on lui reproche. « Sans le bac, c’est pas facile de trouver un boulot ici, et dans l’armée, j’ai pas tenu plus d’un mois. Alors si je me suis intéressé aux activités de FO, c’était pour améliorer mon travail, pas pour le détruire. » Il est convoqué demain matin, mais ne sera pas le seul. Car depuis deux semaines, dix autres personnes ont reçu une lettre de convocation de la direction... Sans raison apparente, « si ce n’est leur sympathie pour nous », explique Yannick.

Ces six derniers mois ont métamorphosé le rapport de Yannick à son travail. « Je n’ai plus envie d’y aller, confie-t-il. Chaque matin quand j’ouvre les yeux, j’ai une boule à l’estomac qui revient. J’ai compris que notre condition n’est pas due à l’idiotie de certains mais aux vices d’un système. » Alors comment se battre ? « Si rien n’est fait contre le licenciement des collègues, je crois que je n’aurais plus rien à attendre de l’État- français ! Pour l’instant, nous avons encore les lois avec nous pour monter un syndicat ou demander une expertise, mais demain si Sarkozy passe, le monde du travail ne sera plus qu’un enfer. »

Christelle Chabaud


- Source : L’ Humanité www.humanite.fr




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