RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Le « sursis » accordé à Assange est un mensonge de plus

Les États-Unis ont eu des années pour clarifier leur intention d’accorder à Assange un procès équitable, mais refusent de le faire. Leur véritable objectif est de le garder enfermé pour toujours.

La saga interminable et odieuse de l’incarcération de Julian Assange pour crime de journalisme se poursuit.

Et une fois de plus, les gros titres sont un mensonge, conçu à la fois pour acheter notre passivité et pour donner plus de temps aux établissements britanniques et américains pour maintenir le pouvoir. Le fondateur de Wikileaks a définitivement disparu de la vue.

The Guardian – qui a un conflit d’intérêts gigantesque et non déclaré dans sa couverture de la procédure d’extradition contre Assange (vous pouvez lire à ce sujet ici et ici) – a qualifié mardi la décision de la Haute Cour du Royaume-Uni de « sursis temporaire » pour Assange. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.

Cinq ans plus tard, Assange est toujours enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, reconnu coupable de absolument rien.

Cinq ans plus tard, il fait toujours face à un procès aux États-Unis pour des accusations ridicules en vertu d’une loi draconienne vieille d’un siècle appelée Espionage Act. Assange n’est pas citoyen américain et aucune des accusations ne concerne quoi que ce soit qu’il ait fait aux États-Unis.

Cinq ans plus tard, la justice anglaise continue d’approuver son procès-spectacle – un avertissement aux autres de ne pas dénoncer les crimes d’État, comme l’a fait Assange en publiant des détails sur les crimes de guerre britanniques et américains en Afghanistan et en Irak.

Cinq ans plus tard, les juges de Londres ferment toujours les yeux sur la torture psychologique infligée à Assange, comme l’a documenté l’ancien expert juridique des Nations Unies, Nils Melzer.

Le mot « sursis » est là – tout comme le titre que certains des motifs de son appel ont été « accordés » par les juges – pour dissimuler le fait qu’il est prisonnier d’une mascarade juridique sans fin tout autant qu’il est un prisonnier dans une cellule de Belmarsh.

En fait, la décision est une preuve supplémentaire qu’Assange se voit refuser une procédure régulière et ses droits légaux les plus fondamentaux – comme c’est le cas depuis une décennie ou plus.

Dans son jugement, le tribunal le prive de tout motif d’appel substantiel, précisément pour qu’il n’y ait pas d’audience au cours de laquelle le public puisse en apprendre davantage sur les divers crimes britanniques et américains qu’il a dénoncés et pour lesquels il est emprisonné.

Il se voit ainsi refuser une défense d’intérêt public contre l’extradition. Ou, selon la terminologie du tribunal, sa « demande de présentation de nouvelles preuves est refusée ».

Plus important encore, Assange est spécifiquement privé du droit de faire appel pour les motifs juridiques mêmes qui devraient lui garantir un appel, et qui auraient dû garantir qu’il ne soit jamais soumis à un procès-spectacle en premier lieu. Son extradition violerait clairement l’interdiction prévue dans le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis contre toute extradition pour des raisons politiques.

Néanmoins, dans leur sagesse, les juges estiment que la vendetta de Washington contre Assange pour avoir dénoncé ses crimes n’est pas motivée par des considérations politiques. Apparemment, il n’y avait pas non plus de facteur politique dans les efforts de la CIA pour kidnapper et assassiner après que l’Équateur lui ait accordé l’asile politique, précisément pour le protéger de la colère de l’administration américaine.

Ce que le tribunal « accorde » à la place, ce sont trois moyens d’appel techniques – bien que dans les petits caractères, « accordé » soit en fait transformé en « ajourné ». Le « sursis » célébré par les médias – soi-disant une victoire de la justice britannique – coupe en fait l’herbe sous le pied d’Assange.

Chacun de ces points d’appel peut être renversé – c’est-à-dire rejeté – si Washington soumet des « assurances » au tribunal, aussi vaines qu’elles puissent s’avérer en pratique. Dans ce cas, Assange est sur un vol à destination des États-Unis et a effectivement disparu dans l’un de ses sites noirs nationaux.

Les trois points d’appel en suspens sur lesquels le tribunal cherche à obtenir des assurances sont que l’extradition :

  • ne refuse pas à Assange ses droits fondamentaux à la liberté d’expression ;
  • ne le discrimine pas sur la base de sa nationalité, en tant que citoyen non américain ;
  • ne le place pas sous la menace de la peine de mort dans le système pénal américain.

Les derniers efforts déployés par le système judiciaire pour répondre à l’intention de Washington de garder Assange définitivement hors de vue font suite à des années de procédures judiciaires perverses au cours desquelles les États-Unis ont été autorisés à plusieurs reprises à modifier les accusations portées contre Assange dans un bref délai pour prendre à contre-pied ses avocats.

Cela fait également suite à des années au cours desquelles les États-Unis ont eu l’occasion d’exprimer clairement leur intention d’offrir à Assange un procès équitable, mais ont refusé de le faire.

Les véritables intentions de Washington sont déjà plus que claires : les États-Unis ont espionné chaque mouvement d’Assange alors qu’il était sous la protection de l’ambassade équatorienne, violant ainsi le secret professionnel de son avocat ; et la CIA a comploté pour le kidnapper et l’assassiner.

Ces deux motifs auraient dû à eux seuls faire rejeter l’affaire.

Mais il n’y a rien de normal – ni de légal – dans les poursuites contre Assange. Il s’agit toujours de gagner du temps. Faire disparaître Assange de la vue du public. Pour le vilipender. Détruire la plateforme de publication révolutionnaire qu’il a fondée pour aider les lanceurs d’alerte à dénoncer les crimes d’État.

Envoyer le message aux autres journalistes que les États-Unis peuvent les atteindre où qu’ils vivent s’ils tentent de demander des comptes à Washington pour sa criminalité.

Et pire encore, apporter une solution finale à la nuisance qu’Assange était devenue pour la superpuissance mondiale en l’enfermant dans un processus sans fin d’incarcération et de procès qui, s’il se prolonge suffisamment longtemps, le tuera très probablement.

La décision de mardi n’est certainement pas un « sursis ». Il s’agit simplement d’une autre étape dans un processus long et une farce juridique conçue pour fournir des justifications constantes pour maintenir Assange derrière les barreaux, et des reports sans fin du jour du jugement, lorsqu’Assange sera libéré ou que les systèmes judiciaires britannique et américain seront exposés comme les serviteurs d’un pouvoir brutal et nu.

Jonathan Cook

Traduction "ceci n’est pas un procès mais une punition" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

»» https://www.jonathan-cook.net/blog/2024-03-26/assange-reprieve-lie/
URL de cet article 39489
   
Même Thème
L’affaire WikiLeaks - Médias indépendants, censure et crime d’État
Stefania MAURIZI
Dès 2008, deux ans après le lancement de la plateforme WikiLeaks, Stefania Maurizi commence à s’intéresser au travail de l’équipe qui entoure Julian Assange. Elle a passé plus d’une décennie à enquêter les crimes d’État, sur la répression journalistique, sur les bavures militaires, et sur la destruction méthodique d’une organisation qui se bat pour la transparence et la liberté de l’information. Une liberté mise à mal après la diffusion de centaines de milliers de documents classifiés. Les (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.