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Le processus de paix en Irlande du Nord : La reconnaissance d’une guerre

Un processus de paix dans une société conflictuelle doit nécessairement s’accompagner de changement de positions politiques, ce qui peut sociologiquement être conçu comme une reconstruction de la société sur de nouveaux fondements.

Le 31 août 1994, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) et, quelques mois plus tard, les paramilitaires loyalistes ont fait de même en annonçant une trêve par la voix de leur commandement unifié, le « Combined loyalist military command ».

Un processus de paix se mettait en place ; il s’est interrompu avec la reprise de la violence politique. Puis il reprend avec la victoire du travailliste ou du nouveau Labour de Mr Tony Blair aux élections de mai 1997. Pourquoi cette fragilité du processus de paix ? Ne représente t-il pas une reconnaissance d’une guerre de positions ?

Le processus de paix en Irlande du Nord a été entamé par des initiatives complexes, mais il a concrétisé des changements et une évolution politique, culturelle de la société nord-irlandaise. Il reste un point culminant qui bloque le dénouement de la culture de paix : le désarmement de la société, entre autres, les groupes paramilitaires.

Cette opération, jusqu’à nos jours, menace une paix fragile. Le 10 mai 1998, un groupe dissident de l’IRA, l’INLA (Irish national liberation army) annonce : »Notre machine de guerre est de nouveau dirigée contre les Britanniques ». Cette position a rendu le risque d’un retour à la violence politique. Quelques mois plus tard, une trentaine de personnes trouvèrent la mort dans une explosion de bombe à Omagh. Une tentative qui pouvait déstabiliser le plan de paix anglo-irlandais, lancé par Tony Blair et son homologue irlandais Bertie Aherne. Mais le processus actuel est basé sur l’engagement des partis politiques (belligérants) et leur contribution pacifique. Le conflit est passé par des décennies délicates où la question s’était approfondie.

La résolution du conflit est devenue une véritable priorité à partir des années 80. Les mandats de Margaret Thatcher et de son successeur John Major ont clairement développé les points cruciaux du conflit. Essayons d’approfondir ces deux politiques conservatrices afin de comprendre les mécanismes politiques qui ont attribué à la reconnaissance de cette guerre et de ses belligérants.

Quelle est aujourd’hui la situation et la position de tous les acteurs de guerre, devenus acteurs de paix après avoir négocié pour la première fois un compromis général en se basant sur les points cruciaux du conflit ? Une véritable socialisation du conflit due à un changement de rapport de forces et l’apport de nouveaux acteurs à sa résolution.

La politique nord-irlandaise de Londres menée depuis 1969 a marqué l’échec et l’incapacité de toute procédure de décision sans les unionistes et leur droit de veto. Des réformes économiques et sociales ont été lancées pour satisfaire les revendications des nationalistes
( Catholiques).
En 1972, William Whitelaw, ministre responsable de l’Irlande du Nord, proposa la création d’une Assemblée élue à la représentation proportionnelle et stipula que l’exécutif nommé à partir de cette Assemblée devrait être le résultat d’une entente entre les partis politiques ulsteriens. L’Assemblée fut élue et, pour la première fois, un gouvernement était composé de protestants et de catholiques qui partageaient le pouvoir à Stormont. Cette initiative a été fructueuse à la revendication de la communauté catholique ;le partage des pouvoirs et la dimension irlandaise à la question sera l’enjeu du rapprochement irlando-britannique.

Cette dimension sera conclue par un accord en 1973, appelé accord de Sunningdale qui prévoyait la création des instances entre le Nord et le Sud. Le suivi est relativement confus avec l’entrée des travaillistes à Westminster en 1974. Les protestants (ouvriers loyalistes) entamèrent des grèves en dénonçant la dimension et le rôle de Dublin accordés par l’accord de Sunningdale. Suite à des troubles dans la province, Londres suspend l’Assemblée de Stormont et applique l’administration directe de la province (Direct Rule). La situation devient cependant autre, avec l’arrivée en 1979, à la tête de l’Establishment britannique, de Mme Thatcher, leader du parti conservateur.

Les surprises sont grandes dans son premier mandat où les assassinats se sont multipliés et touchèrent même la sphère royale. On cite l’assassinat de Lord Mounbatten. Et la mort des grévistes de la faim en 1981, à leur tête Bobby Sand et ses neuf compagnons. Essayons d’analyser l’impact de la politique thatcherienne sur la situation conflictuelle en Ulster et ses résultats.

L’EFFET THATCHER

La politique nord-irlandaise thatcherienne s’articulait sur deux axes : La recherche d’une solution interne et la volonté de s’entendre avec Dublin. Durant son règne sur l’Establishment britannique, elle a pu réaliser de grands pas vers le processus de paix. Cependant, elle conclut un grand accord qui englobe l’ensemble des solutions constitutionnelles et qui sera la base des futurs accords qui suivront le processus de paix. Sa politique affronta la politisation du mouvement républicain (le Sinn Fein) et son évolution électorale remarquable, suite à la grève de la faim de Bobby Sand, élu député à Westminster.

Durant ces évènements tragiques, Margaret Thatcher, dans l’impasse politique, poussa son homologue irlandais Garett Fitzgerald à signer un accord de base. Ils s’accordèrent sur le caractère « unique » du lien entre les deux Etats et la nécessité de coopérer politiquement. Ils créèrent par la suite un conseil intergouvernemental anglo-irlandais, destiné à se réunir régulièrement pour débattre les problèmes communs.

Une forme de consultation bi-latérale. D’autres évènements l’ont poussée à montrer plus de pragmatisme envers la question nord-irlandaise.

En entamant son deuxième mandat, le camp catholique connut une véritable victoire électorale. Le stratège du Sinn Fein, Gerry Adams, est élu député à Westminster. Il pourra désormais représenter Belfast-Ouest à la chambre des communes ; il décida de présenter des candidatures aux élections locales et régionales (le Dail) ou à Westminster. Mais ils ne peuvent siéger dans deux parlements, jugés pour eux illégaux. Cette victoire devient un but politique pour assurer la gestion quotidienne de leurs circonscriptions. Un début de reconnaissance de la belligérance, malgré sa fermeté à l’égard des républicains qui était rude, ce quia causé un attenta à la bombe en octobre 1984, où l’IRA voulait la tuer. Une année plus tard et après de longues négociations avec Dublin, elle signe l’accord de Hillsborough qui donne à Dublin un droit de regard sur les affaires nord irlandaises. Le fond de cet accord est la création d’une conférence intergouvernementale chargée de s’occuper de l’Ulster et des relations anglo-irlandaises.

Une attribution positive pour la résolution du conflit pour mettre aussi fin au droit d’ingérence unioniste dans les affaires de l’Irlande du Nord. Une forme sans doute d’une affirmation de l’autorité légitime de Dublin sur la province, ainsi que pour la communauté catholique qui voit en elle la seule autorité capable de la protéger. Les deux pays ont décidé d’aller au fond du problème. Pour les républicains, l’Establishment britannique a cédé devant leurs revendications. Mais à vrai dire, ce n’était qu’une stratégie d’inclure la république d’Irlande dans l’enjeu de la lutte antiterroriste. Par la suite, Dublin manifestait son désir d’aider Londres dans la chasse de l’IRA. Elle commença par donner le feu vert à l’extradition automatique des personnes recherchées au Nord et appréhendées au Sud, en s’attaquant aussi avec l’administration Reagan à l’époque de la filière « américano-irlandaise » antiterroriste.

Ce rapprochement entre les deux pays conclu dans l’accord de 1985 a engendré des mouvements violents. Les unionistes refusèrent et déclarèrent dans plusieurs manifestations ULSTER is BRITISH. Quelques mois plus tard, les quinze députés unionistes de la chambre des communes démissionnèrent tout en provoquant des élections partielles en 1986. Du côté catholique, seul le Sinn Fein a dénoncé l’accord en accusant Dublin d’avoir reconnu formellement la partition de l’île. A Dublin, le gouvernement signa la convention sur le terrorisme.

Cependant, des vagues d’arrestations se sont multipliées dans les rangs du mouvement républicain. Du côté protestant, les loyalistes nord-irlandais ont déversé leur colère sur les catholiques en brûlant et détruisant des écoles, églises, pubs et boutique. L’accord marqua un retour de la violence et un début d’un troisième mandat de Mme Thatcher, qui modifiera les rapports triangulaires Dublin-Londres-Belfast. Sa fermeté et sa souplesse envers la question nord-irlandaise ont semé la paix d’embûches. Une position contradictoire liée à une interdépendance unioniste. Un seul apport de la politique thatcherienne, celui du rôle clef de Dublin dans les affaires nord-irlandaises, qui deviendra avec l’arrivée de John Major à la tête de l’Establishment britannique, un véritable processus de paix.

RECONNAISSANCE ET RESOLUTON DU CONFLIT, LA POLITISATION DE LA QUESTION NATIONALE

En 1990, John Major remplaça Margaret Thatcher en tant que Premier ministre conservateur. Il s’est fixé comme priorité la résolution du conflit nord-irlandais. En République d’Irlande, Albert Raynolds remplace Charles Haughey en tant que chef du Fianna Fail ( le parti nationaliste fondé par Eamon de Valera ) et Premier ministre. A son élection, John Major était gêné par le soutien des voix unionistes à Westminster, où il dirigeait un gouvernement minoritaire. A cette époque, les risques de la paix étaient réels mais ils étaient moindres que ceux du maintien du statu quo. La situation n’était guère favorable à une réalité de réconciliation, la paix restait semée d’embûches.

Le gouvernement britannique constata que la guerre ne cesse que quand la paix est générale et organisée par les parties en guerre. Une trêve ou un arrêt des hostilités ne signifie pas la fin de la guerre, mais simplement un changement de la situation ou le changement de l’un des aspects de la guerre. Alors comment sortir d’une culture de guerre qui a modelé les esprits, dont le conflit ne peut être résolu que par la violence, et passer à une culture de la paix qui implique le recours à la compréhension, au dialogue et beaucoup plus à l’acceptation de l’autre ( le belligérant ), égal de soi en droit et en dignité ?

De nouveaux facteurs ont aidé l’Establishment britannique à entamer un processus de négociation. Tout d’abord, le rapprochement entre nationalistes-républicains où, en 1992 Gerry Adams, le président du Sinn féin, publia un livre intitulé « Towards a lasting peace in Ireland » où il développe des réflexions favorables à la paix. Une année plus tard, après des rencontres avec le président du SLDP ( parti social-démocrate et travailliste ), John Hume, ce dernier chercha à profiter de la politisation du mouvement républicain tout en essayant de convaincre Gerry Adams de l’inefficacité de la lutte armée pour parvenir au résultat politique qu’ils visaient ( unification des deux parties de l’île ). Cette initiative représentait un engagement partiel de l’IRA dans les pourparlers politiques. Les deux leaders catholiques affirmèrent dans le « Hume-Adams Document » le droit du peuple nord-irlandais à l’autodétermination avec le consentement de tous les Ulsteriens. Le gouvernement, observateur de cette évolution politique, entama des discussions secrètes avec l’IRA, une preuve d’un engagement politique pour inclure dans les années à venir les républicains et les reconnaître en tant que partie prenante de la construction sociale de l’Irlande du Nord. Il accepta aussi les revendications du document Hume-Adams, tout en mettant des conditions de négociation : une trêve de l’IRA qui fait preuve d’un engagement pacifique. Seuls les partis pourvus d’un mandat démocratique, s’engageant à employer des méthodes pacifiques, seront libres de participer aux pourparlers sur l’avenir de la province.

On peut donc estimer que le document Hume-Adams était la base de la déclaration de Dowing Street où, pour la première fois, les gouvernements britanniques et irlandais déclarèrent officiellement vouloir admettre le Sinn féin à la table des négociations, aussitôt que l’IRA aurait renoncé à son action violente. Ils envisageaient publiquement des discussions directes et ouvertes avec la branche politique de l’Armée républicaine irlandaise. Dans le camp républicain, Gerry Adams essaya de convaincre son mouvement de l’existence d’une véritable possibilité de poursuivre les objectifs nationalistes d’une manière plus efficace par la voie politique. Une véritable reconnaissance de belligérance, le principal acteur de la guerre a été reconnu.

Quelques obstacles apparaissent sur la notion de la trêve se l’IRA et l’engagement de Dublin dans le processus de paix entre les politiques britanniques et unionistes. Mais en réalité, John Major voulait définir les grands axes de ce que devraient être les prochaines étapes du processus de paix. L’intégration du Sinn Féin pour lui était un objectif d’examiner comment le parti républicain pouvait être en négociation et quelle sera sa conduite concernant l’avenir de l’Irlande du Nord dans le cadre de la culture de paix, serait-il efficace en politique.

Yacine T.

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