Prédation du système bancaire.
Le commerce repose sur des rapports de confiance. Une part élevée des ressources servent à couvrir les opérations des acteurs financiers, par des montages complexes et dévoreurs de capitaux. Lorsqu’une personne ou un établissement commercial se sait couvert contre un risque, il peut arriver qu’il relâche sa prudence, voire qu’il fraude pour tirer avantage de sa garantie. Cette réalité s’applique aux banques commerciales, trop souvent tentées par des activités hasardeuses. Tant que des spéculateurs assument les risques élevés en contrepartie d’ intérêts attractifs, le système est fluide. Que les spéculateurs perdent confiance, la mécanique s’enraye.
La dérégulation et la dérèglementation ont transféré une grande partie du contrôle de l’activité économique et financière des Etats vers les acteurs privés, décidés à mettre en place eux même les règles et les normes de fonctionnement de leur propre marché. Une récupération du pouvoir des banques par les Etats ne changerait pas fondamentalement la donne en l’état actuel, elle ne ferait que leur transmettre le mandat de poursuivre la même aventure.
En octroyant à la finance de marché le pouvoir de créer son propre univers de règles censé être compatible avec celui de la société, le système bancaire s’est affranchi de la légalité. Dès lors, le gendarme de la bourse a perdu son aspect dissuasif.
Il s’en est suivi que la criminalité a incrusté et irradié l’économie légale. Or, il existe une effet papillon de la fraude : un acte frauduleux insignifiant peut, à distance, causer des dommages considérables. Les trafics transnationaux, les mafias et les cartels, la délinquance économique et financière, la corruption nationale et internationale des élites, le blanchiment de l’argent sale, etc..constituent des menaces croissantes. En laissant la finance devenir l’arbitre de l’économie, ils ont ouvert la voie à une économie trafiquante . Dorénavant, les pratiques transgressives sont logées au coeur de la matrice financière. Le caractère impersonnel de ce type de prédation fait qu’il n’est pas imputable à des individus en particulier. Il est devenu une modalité à part entière de l’économie et de la finance....la fraude est devenue tantôt une variable d’ajustement de l’économie et de la finance, tantôt un mode de gestion.
Ostracisme du système bancaire.
Quand le système financier peut se passer de l’économie réelle, c’est-à -dire quand il peut faire de l’argent à partir de son propre argent sans passer par l’échange économique, pourquoi s’en priverait-il ?
L’économiste et conseiller Jacques Attali nous fait cet aveux : « dans les dix prochaines années, les principales forces économiques, financières et politiques se ligueront pour que rien d’essentiel ne change de par le monde sur le plan idéologique. » [1] La ploutocratie s’agrippe à ses privilèges de condition, bien déterminée à sauver le paradigme économique .**Car en vérité, ce sont les spéculateurs de la haute finance qui auraient beaucoup à perdre en cas d’effondrement du paradigme économique. Quand aux citoyens, à la société, notre capital humain, notre savoir faire resterait intacts et nous nous remettrions vite de cette situation grâce à des bases saines et solides. La planète finance est un monde à part. En France, 1% de la population possède 32% des revenus du patrimoine et48% des revenus exceptionnels déclarés (plus-values, levées d’option) selon l’étude de l’Insee sur les revenus et les patrimoines des ménages publiée en 2010 [2]. Les inégalités dans l’accès aux profits de la finance sont donc démesurées. Une petite oligarchie concentre l’essentiel de cette source de revenus.
Pour maintenir le paradigme économique contemporain sou perfusion, l’oligarchie s’appuiera sur les services fiscaux. Cela passera par une hausse des prélèvements obligatoires et la poursuite d’une diminution des dépenses publiques. De nouvelles « réformes » plus drastique sont donc inévitables. Pour faire passer la pilule, les gouvernants devront exceller dans l’art de manipuler les foules. Ce sont les classes moyennes et les plus modestes qui vont subir le plus durement les mesures de rigueur présentes et à venir, à travers les dégradations des services publics, la détérioration de la couverture du risque santé, le durcissement des conditions d’accès à une retraite à taux plein.
Eric Cantona a bien cerné le problème quand il déclare que « Le système est bâti sur le pouvoir des banques, donc il peut être détruit par les banques ». L’empressement de nos gouvernants à le contrecarrer, le manque de retenue du monde de la finance, en sont l’illustration. Quand le directeur de BNP Paribas, Baudoin Prot, assure comme Christine Lagarde que « les banques françaises n’ont aucunement contribué aux origines de la crise » et les aides de l’Etat de l’époque n’ont rien « coûté aux contribuables », il ment. Et pour preuve : les emprunts ont doublé entre 2007 et 2010, passant de 97,5 milliards à 188 milliards d’euros. Renfloués par l’Etat au plus fort de la crise, les établissements bancaires lui ont prêté une partie de l’argent qu’ils venaient de recevoir en souscrivant notamment au grand emprunt.... Le marché financier de couverture des dettes publiques est un indicateur de la domination de la finance sur la politique. En outre avec cet argent "reçue", les banques vont pouvoir continuer d’acheter les bons du trésor émis par les Etats pour combler les déficits publics et amortir la dette.
La taille des banques n’est pas sans incidence sur la stabilité d’ensemble du système financier. En cas de chute, les grandes banques en entrainent inévitablement beaucoup d’autres avec elles en raison des liens financiers qu’elles ont tissés entre elles. C’est pourquoi on dit qu’elles sont trop grosses pour qu’on les laisse faire faillite : les autorités monétaires et politiques se sentant obligées de les sauver en cas de difficultés. Forts de cette garantie de sauvetage, ces grands groupes sont cependant incités à prendre beaucoup plus de risques qu’ils ne le feraient s’ils avaient à assumer seuls les conséquences de leur chute.
Pour faire face à la crise actuelle, débutée en 2007, les banques centrales ont dû se résoudre à prendre des mesures non conventionnelles qui ont permis aux banques de se refinancer sans limite de montant à un taux fixe proche de 0%, pour une période bien plus longue qu’à l’accoutumée, en mettant en pension un éventail de titres bien plus larges qu’auparavant.
Le montant cumulé des plans de sauvetage entrepris pour éviter la banqueroute du secteur bancaire et financier avoisine les 1000 milliards de dollars dont 700 milliards de dollars pour les seuls américains. Bien entendu ces masses d’argent ont un coût d’opportunité : pendant qu’on les utilise pour sauver les banques on ne les utilise pas pour autre chose..... Un grave problème demeure cependant. Cette intervention, si elle est systématique, a l’inconvénient d’assurer un drôle de jeu au secteur financier : face il gagne, pile l’Etat perd. Un des problème de comportement fondamental, bien connu des assureurs est l’ « aléa moral ».
Espagne : trop gros pour se retrouver en défaut de paiement
Une crise de la dette souveraine, accentuée par les aides récentes accordées au système bancaire, peu survenir dans les pays surendettés de la zone euro. Après la Grèce, l’irlande, le Portugal, un effet dominos est redouté.
Parasitisme du système bancaire.
La responsabilité des banquiers dans les crises économiques conjoncturelles ne fait pas de doute : ils ont allègrement transféré sur d’autres les risques qu’ils ont vocation à gérer, incité leurs traders, par des systèmes pernicieux de rémunérations, à prendre d’énormes risques....
La part de responsabilité dans la crise chronique qui a touché la France de plein fouet en 1973 ne fait pas de doute non plus. La loi n°73-7 du 3 janvier 1973 qui a été votée sous l’impulsion du ministre des finances d’alors Valérie Giscard D’Estaing est responsable de l’austérité qui nous réserve pour les décénies avenir. Cette loi interdit au trésor Public d’emprunter directement à la Banque de France à taux nul comme auparavant. L’article 25 stipule : « Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». Jean-Luc Mélenchon a eu le courage de dénoncer cette loi de 1973 à mainte reprise, notamment dans l’émission « mots croisés ». On attend toujours qu’Olivier Besancenot se positionne sur cette arnaque bancaire et qu’il ose enfin soulever la chape de plomb qui protège les marchés financiers. Cette mesure a tout de même accru, à elle seule, l’endettement de la France d’environ 1350 milliards d’euros. Mesure qui fut étendue à toute la zone euro avec le traité Maastricht. On comprend dès lors mieux pourquoi le risque de crise de la dette souveraine et les mesures de rigueur pour l’enrayer concernent tous les pays de la zone euros. En effet, la haute finance ne souhaite pas tuer la poule aux oeufs d’or et compte bien continuer à parasiter la société en prospérant sur le dos des citoyens.
Spoliation du système bancaire.
Dans un budget quel qu’il soit on compare les recettes avec les dépenses et la différence donne ledéficit. Pour le budget de l’Etat, la différence est de l’ordre de 20%. Depuis 1975, les dépenses excèdent les recettes de l’ordre de 20% (22% en 1996, 14,8% en 2000, 17,2% en 2006). Le ratio entre charge de la dette et recettes nettes de l’Etat amène à constater que plus du quart des recettes nettes sont consacrées à la charge de la dette. Voilà de la richesse nationale produite par la masse des travailleurs qui part en fumée !
Il faut combattre une idée fausse : la dette nous aurait permis d’équiper la France en routes, écoles, hopitaux, etc. Non, la dette n’a pas servi à l’investissement public mais aux dépenses de fonctionnement. Le rapport Pébereau est clair sur ce point : « C’est une gestion peu rigoureuse qui explique, pour l’essentiel la hausse continue des dépenses depuis 25 ans. » [3]
Qui gère concrètement la dette de l’État ? L’Agence France Trésor. Domiciliée à Bercy cette structure a été créée en 2001 pour gérer spécifiquement la dette de l’État. Elle est assistée dans sa tâche par le comité stratégique qui « la conseille sur les grands axes de la politique d’émission de l’Etat. ». On découvre sur le site officiel [4] que ce comité stratégique de dix membres comprend, entre autres, un représentant de la banque nationale suisse, un représentant du fonds souverain de Singapour, un représentant de la compagnie financière Edmond De Rotschild et de l’International Capital Market Association. Le chercheur en finance Philippe Herlin s’interroge : n’y-a-t-il pas là conflit d’intérêts ? [5]
Eric Simon
[1 ] Sept leçons de vie, survivre aux crises Ed. Fayard, Pg 40
[2] Les revenus et les patrimoines des ménages. Paris, « Insee
références », 2010, P47.
[3] Michel Pébereau, Rompre avec la facilité de la dette publique, La
documentation française, 2005.
[4] aft.gouv.fr <http://aft.gouv.fr>
[5] France, la faillite ? Ed. d’organisation, groupe Eyrolles