Dans cette livraison de novembre 2011 du Monde Diplomatique, Serge Halimi se demande où est la gauche à l’heure de la tourmente économique (l’article fait partie d’un dossier qui tente de répondre à la question : « Peut-on changer le monde ? »).
« Alors que le capitalisme connaît sa crise la plus sérieuse depuis celle des années 1930, les principaux partis de gauche semblent muets, embarrassés. Au mieux, ils promettent de ravauder le système. Plus souvent, ils cherchent à prouver leur sens des responsabilités en recommandant eux aussi une purge libérale. Combien de temps ce jeu politique verrouillé peut-il durer alors qu’enflent les colères sociales ? »
Mona Chollet pourchasse les connivences et leurs conséquences :
« Vous écrivez que vous êtes en voie de guérison, même si la plaie ouverte n’est pas totalement refermée. Comment qualifier la blessure ? » Ces paroles pleines de sollicitude amorçaient l’interview par Pascale Clark de son collègue Ivan Levaï dans l’émission « Comme on nous parle », sur France Inter, le 6 octobre. Le journaliste, vétéran de la radio et toujours responsable de la revue de presse du week-end sur la station publique, signe un livre sur l’affaire Strauss-Kahn sobrement intitulé Chronique d’une exécution (Le Cherche Midi). L’ancien mari d’Anne Sinclair y vole au secours du beau-père de ses enfants accusé de viol, tragiquement confondu avec « je ne sais quel ennemi public » alors qu’il est simplement la « victime [sic] d’un faux pas ».
Mark Hertsgaard évoque la « grande muraille verte » d’Afrique :
« Tandis qu’une famine ravage la Corne de l’Afrique, des scientifiques réfléchissent aux équilibres écologiques. Pour combattre la désertification, plusieurs pays ont lancé un projet de « grande muraille verte ». Encore faut-il que les populations soient mobilisées... »
Antoine Dumini et François Ruffin enquêtent dans le temple de l’euro :
« Indépendante des délibérations démocratiques, la Banque centrale européenne devait incarner la stabilité monétaire. Elle a conduit la zone euro au bord de l’éclatement. Pourtant, la crise a renforcé son pouvoir au point que le sort des salariés du Vieux Continent semble parfois se jouer à Francfort. Au premier étage de la Banque centrale européenne (BCE), lors de sa dernière conférence de presse à Francfort, M. Jean-Claude Trichet entonne - en anglais - son couplet sur les « réformes structurelles ». Il le récite par coeur, sans doute : il y a huit ans, déjà , lors de sa première intervention en tant que président de la BCE devant les médias, il plaidait pour des « réformes structurelles sur le marché du travail ». Cette rengaine n’a (presque) rien de personnel. Son prédécesseur, M. Wim Duisenberg, la psalmodiait déjà chaque mois. Et ce dès le lancement de l’euro…
Eva Illouz La fabrique de l’âme standard :
« Construire le consensus et apaiser les relations, entreprendre de se connaître, privilégier le dialogue, maîtriser ses émotions : autant de vertus aujourd’hui recommandées dans l’entreprise comme dans la vie privée. Est-ce parce qu’elles incarnent un comportement idéalement adulte, ou parce qu’elles favorisent une meilleure rentabilité de l’individu ? »
Aux Philippines, David Garcia décrit les ambitions d’un député boxeur :
« Fort de son titre de champion du monde des poids mi-moyens - remis en jeu le 12 novembre à Las Vegas -, le boxeur Manny Pacquiao a tenté une entrée en force dans le monde politique philippin. Mais terrasser la pauvreté - son objectif affiché - s’avère plus difficile que d’envoyer au tapis un adversaire sur un ring. La bourgeoisie a compris l’intérêt de s’allier à ce sportif très populaire. »
Louis Imbert dénonce un scandale étouffé à la Kabul Bank :
« Alors que se confirme le retrait progressif des troupes étrangères d’Afghanistan, le président Hamid Karzaï a déclaré que son pays serait « au côté du Pakistan en cas de guerre entre Washington et Islamabad ». Si l’avenir de cet Etat ravagé par les conflits reste incertain, le niveau de corruption à Kaboul dépasse l’entendement et compromet la reconstruction. »
Selon Jeff Goodwin, Wall Street est dans la ligne de mire :
« Apparu en 2009, le Tea Party a poussé les républicains à radicaliser leurs positions conservatrices. Le mouvement Occuper Wall Street obligera-t-il le président Barack Obama à abandonner sa complaisance envers la finance ? »
Pas de plombiers polonais en Bretagne, mais des bouchers roumains (Mathilde Goanec) :
« Même les prévisions les plus optimistes tablent sur un regain du chômage dans la quasi-totalité des pays européens. La course à l’emploi qui en résulte favorise la mise en concurrence des salariés, le patronat jouant sur les différences de protection sociale. En Bretagne, dans les abattoirs, les bouchers polonais ou roumains ont fait leur apparition. »
Samy Ghorbal nous rappelle qu’en 1956 la Tunisie connut sa première assemblée constituante :
« Victorieux de l’élection du 23 octobre 2011, le parti islamiste conservateur souhaite former une coalition avec deux partis de gauche. L’Assemblée élue devra rédiger une nouvelle Constitution. »
Un long article de Lucien Sève : " Sauver le genre humain, pas seulement la planète " :
« Nos modes de consommation seraient-ils plus faciles à remettre en cause que nos modes de production ? Si nul n’ignore plus l’ampleur de la crise environnementale qu’affronte l’humanité, la crise de civilisation dont elle s’accompagne reste, elle, peu identifiée. On ne sortira pourtant de l’impuissance qu’à condition de la diagnostiquer clairement et d’en mesurer toute la gravité. »
Pour Any Bourrier, la Chine est malade de son charbon :
« Millénaires, les liens qui unissent la Chine et le charbon constituent, à l’orée du XXIe siècle, un piège pour la modernisation du pays. La catastrophe écologique annoncée en raison des émissions de gaz à effet de serre et les drames sociaux liés à l’extraction du minerai conduisent le gouvernement à miser sur une modernisation et une diversification des sources d’énergie. »
Comment basculent les empires, demande Philip S. Golub ?
« Pour une fois d’accord, le Congrès américain et la Maison Blanche envisagent de prendre contre la Chine des mesures susceptibles d’enclencher une guerre commerciale. Au-delà des griefs conjoncturels de Washington, les Etats-Unis acceptent mal que leur toute-puissance soit contestée. En particulier par une région du monde qui constitua le pré carré des puissances occidentales. »
Stephan Ferry et Philippe Lespinasse évoquent les soldats oubliés du Courneau :
« Engagés involontaires dans la fabrication du grand récit national, certains morts sont célébrés sur les monuments ; d’autres pèsent par leur absence et le silence qui les entoure. Sous une butte de sable en Gironde, neuf cent trente-six combattants africains gisent ainsi dans l’anonymat. »
Enfin, un superbe article de Frédéric Kaplan sur capitalisme et linguistique, ou comment Google amasse des milliards de dollars en piégeant les mots :
Le succès de Google tient en deux algorithmes : l’un, qui permet de trouver des pages répondant à certains mots, l’a rendu populaire ; l’autre, qui affecte à ces mots une valeur marchande, l’a rendu riche. La première de ces méthodes de calcul, élaborée par MM. Larry Page et Sergey Brin alors qu’ils étaient encore étudiants en thèse à l’université Stanford (Californie), consistait en une nouvelle définition de la pertinence d’une page Web en réponse à une requête donnée. En 1998, les moteurs de recherche étaient certes déjà capables de répertorier les pages contenant le ou les mots demandés. Mais le classement se faisait souvent de façon naïve, en comptabilisant le nombre d’occurrences de l’expression cherchée. Au fur et à mesure que la Toile s’étendait, les résultats proposés aux internautes étaient de plus en plus confus. Les fondateurs de Google proposèrent de calculer la pertinence de chaque page à partir du nombre de liens hypertextes pointant vers elle - un principe inspiré de celui qui assure depuis longtemps la reconnaissance des articles académiques. Plus le Web grandissait, plus l’algorithme de MM. Page et Brin affinait la précision de ses classements. Cette intuition fondamentale permit à Google de devenir, dès le début des années 2000, la première porte d’entrée du Net.
PS : Le Diplo nous offre également quelques citations concernant la gauche vue de droite. Deux d’entre elles :
Le point le plus vulnérable de la gauche - le plus fondamental - c’est qu’elle n’est pas de gauche ! Ce constat critique, secrètement partagé par de nombreux électeurs et sympathisants de gauche, exacerbe et désoriente la majorité socialiste en place. Seule la vérité fait mal. La gauche gouvernementale a mauvaise conscience. Elle sait pertinemment que sa gestion économique est sous la coupe de l’économie de marché et du capitalisme globalisé ; elle sait pertinemment qu’elle est dans l’incapacité d’offrir une alternative sérieuse. […] Plus le nombre des privatisations augmente (France Tlélécom, Crédit Lyonnais, Thomson, CIC, GAN, Aérospatiale, Air France ...) plus la bourse grimpe (près de 100% en trois ans, plus les champs de la concurrence s’élargissent (télécommunications, énergie, secteur bancaire, assurances) plus on nous explique que tout cela s’inscrit dans une dimension socialiste et humaniste. (François Fillon, 2000).
La social-démocratie, c’est l’acceptation du libéralisme échevelé avec, pour faire bonne mesure, quelques mots de regrets. (Philippe Séguin, 2004).
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