Pour Serge Halimi, l’offensive du capitalisme financier est "générale" : “ Un ancien ministre de l’économie socialiste qui, plus tard, créera un parti libéral à son image a un jour détaillé l’art et la manière d’enfanter une société de marché : « N’essayez pas d’avancer pas à pas. Définissez clairement vos objectifs et approchez-vous en par bonds en avant qualitatifs afin que les intérêts catégoriels n’aient pas le temps de se mobiliser et de vous embourber. La vitesse est essentielle, vous n’irez jamais trop vite. Une fois que l’application du programme de réformes commence, ne vous arrêtez plus avant qu’il soit terminé : le feu de vos adversaires perd en précision quand il doit viser une cible qui bouge sans arrêt. » M. Emmanuel Macron ? Non, M. Roger Douglas, en novembre 1989, en Nouvelle-Zélande. Il livrait alors les recettes de la contre-révolution libérale que son pays venait d’expérimenter. ”
Pour Michael Klare, Washington relance l’escalade nucléaire : « La pression politique intérieure oblige chaque jour davantage M. Donald Trump à s’opposer frontalement au Kremlin, soupçonné d’avoir manipulé l’élection présidentielle américaine de 2016. Dans un tel climat, l’augmentation massive du budget militaire des États-Unis ne suscite guère d’opposition. D’autant que le Pentagone met en avant le danger des cyberattaques étrangères et la nécessité de moderniser son arsenal nucléaire, déjà considérable.
Comment politiser les colères du quotidien, demande Clément Petitjean ? : « En cette soirée de novembre 2017, une centaine de personnes sont réunies dans une salle de l’Est parisien à l’invitation du pôle auto-organisation de La France insoumise. L’atelier du jour est consacré à la méthode Alinsky, du nom du théoricien de l’« organisation communautaire » (community organizing). Cette forme de militantisme de quartier est apparue aux États-Unis il y a près de quatre-vingts ans, mais demeure largement méconnue en France. Les deux intervenants, M. William Martinet et Mme Leïla Chaibi, louent une « méthode d’auto-organisation citoyenne » qui part « des préoccupations immédiates et concrètes » des habitants afin de leur « redonner du pouvoir ». « J’ai été bluffée par la capacité du community organizing à aller chercher les gens », explique Mme Chaibi ; la méthode Alinsky, « ça marche ».
Pierre Rimbert évoque le prolétariat numérique : « La fée penchée sur l’aube de l’année 2018 a-t-elle fumé sa baguette magique ? Le 13 janvier, The Economist, l’organe officiel du libre-échange, s’inquiétait du sort du « prolétariat numérique » ; deux semaines plus tard, Le Point consacrait un dossier à l’urgence de « reprendre le contrôle » sur nos données personnelles, ces informations que tout internaute abandonne aux géants de la Silicon Valley, qui, eux, les monnaient à prix d’or. « Et si Facebook et Google nous rémunéraient pour les data que nous leur livrons ? », interrogeait ce magazine d’ordinaire plus mobilisé contre l’augmentation du salaire minimum (25 janvier). « Utilisateurs de réseaux sociaux de tous les pays, unissez-vous ! », interpellait peu après le Financial Times (6 février), qui incitait les accros de Facebook à adopter le slogan « Pas de publication sans rémunération ! ».
Razmig Keucheyan explique Ce que la bataille culturelle n’est pas : « Au cours des années 1980 et 1990, l’idée qu’il n’existait aucune solution de rechange aux démocraties de marché a entraîné une forme de fatalisme. A contrario, le réarmement contestataire observable depuis deux décennies replace sur le devant de la scène les affrontements idéologiques. Au point, parfois, d’attribuer à la bataille des idées un rôle et un pouvoir qu’elle ne possède pas. »
Pour Jean-Michel Dumay , les lycées professionnels, sont le parent pauvre de l’éducation : « Elle est la face cachée de la planète éducative, invisible dans les discours officiels, qui lui préfèrent l’apprentissage. La voie professionnelle scolaire instruit pourtant un tiers des lycéens et les trois quarts des jeunes qui s’orientent vers des métiers d’ouvrier ou d’employé. Jadis instrument d’émancipation, cette « école du peuple », promise à une « rénovation », souffre d’une double relégation : scolaire et sociale. »
Anaïs Llobet décrit l’Échange de bons procédés entre le Kremlin et l’Église orthodoxe : « La réélection de M. Vladimir Poutine le 18 mars semble assurée. Son dernier mandat a été marqué par des rapports de plus en plus tendus avec les pays occidentaux, mais aussi par un virage conservateur. Depuis six ans, le chef de l’État s’affiche avec les dignitaires orthodoxes. Il instrumentalise ainsi leur influence pour revigorer le patriotisme et rayonner à l’étranger. »
Pierre Daum se demande où en est la « Place Tahrir, sept ans après la « révolution » : « Les Égyptiens sont appelés aux urnes le 26 mars pour élire leur président. L’opposition dénonce un scrutin joué d’avance, aucun candidat d’envergure n’ayant eu le droit d’affronter le président sortant, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi. Le vote se déroule dans un contexte où les espoirs nés du soulèvement de janvier 2011 se sont évaporés, et où la population est confrontée à une dégradation de sa situation économique ainsi qu’à la main de fer du régime. »
Pour Gilbert Achcar, « Au Proche-Orient, la stratégie saoudienne dans l’impasse » : « L’Arabie saoudite entend empêcher l’éclosion d’un mouvement démocratique dans la région et contrer l’influence de son rival iranien. Le nouveau pouvoir multiplie les initiatives, dont la plupart se soldent par un échec. Incapable de favoriser la défaite militaire du régime de M. Bachar Al-Assad en Syrie, Riyad s’enlise dans le conflit au Yémen et ne parvient pas à mettre au pas le Qatar. »
L’ANC est aux « origines d’un parti-État », selon Sabine Cessou : « Après de longs mois de tractations et huit motions de défiance du Parlement, le président sud-africain Jacob Zuma, impliqué dans plusieurs scandales de corruption, a fini par démissionner, le 14 février, au profit de M. Cyril Ramaphosa. Le Congrès national africain affronte de graves tensions internes qui fragilisent une hégémonie acquise avec la fin de l’apartheid, en 1991. »
Pour Renaud Lambert , Cuba est le pays du vert olive : « Le président cubain Raúl Castro quittera le pouvoir au mois d’avril. Pour la première fois de son histoire, l’île va probablement être dirigée par une personne née après la chute du dictateur Fulgencio Batista, en 1959. Un tel bouleversement soulève de nombreuses questions. Une certitude demeure cependant : l’armée jouera un rôle déterminant dans la phase qui s’ouvre. »
Maëlle Mariette évoque ces populations « à la recherche de la Pachamama » : « De nombreuses organisations tentent de consoler les Occidentaux inquiets de la crise écologique. Loin de leurs métropoles frénétiques, en Amérique latine, des indigènes auraient conservé leur proximité avec la nature, érigée au rang de divinité : la Terre mère, ou Pachamama. Une fois sur place, se mettre en quête de ces communautés protégées peut réserver quelques déconvenues. »
Dalel Benbabaali décrit « les laissés-pour-compte du miracle indien » : « L’Inde est sur le point de devenir la cinquième puissance du monde. Les inégalités y progressent, et aux divisions de classe vient s’ajouter la hiérarchie des castes. Si le système de quotas dans l’enseignement et la fonction publique a permis à un petit nombre de dalit (intouchables) d’intégrer la classe moyenne, la majorité vit dans la pauvreté. Tout comme les peuples autochtones (« adivasi »). »
Serge Halimi s’est rendu compte qu’Arte voulait « faire saigner la Russie » : « L’annexion de la Crimée, la guerre en Ukraine, la diffusion de fausses informations par des sites liés à la Russie ont transformé Moscou en cible régulière, voire obsessionnelle, des médias occidentaux. Une chaîne publique vouée à la connaissance et à la culture aurait pu résister à ce travers. Mais, sous la forme de séries ou de documentaires, Arte semble s’obstiner à faire le choix inverse. »
Pour Téo Cazenaves, certaines victimes des attentats sont moins victimes que d’autres : « Loin du cœur, loin des yeux » : « Parce qu’elle coûte cher et génère moins d’audience que les commérages sur la vie privée des vedettes, l’information internationale ne constitue pas une priorité pour les dirigeants éditoriaux. Certains pays géographiquement et culturellement proches bénéficient cependant d’une meilleure couverture que d’autres. Le traitement médiatique des attentats illustre cette dynamique d’une manière éclairante. »
Pour Gérard Pommier, on en vient à médicaliser toute expérience humaine : « Une perturbation de l’humeur, des moments de chagrin ou de tension sont-ils toujours signes de maladie ? La psychiatrie européenne a longtemps su en évaluer la gravité et trouver les prescriptions appropriées, du médicament à la cure psychanalytique. L’industrie pharmaceutique incite en revanche, sous couvert de science, à transformer des difficultés normales en pathologies pour lesquelles elle offre une solution. »
Pourquoi manger bio ?, demande Claire Lecœuvre : « L’association Générations futures a dévoilé le 20 février un rapport sur la présence de pesticides dans les produits agricoles : 73 % des fruits analysés pendant cinq ans et 41 % des légumes étaient contaminés. De quoi renforcer encore l’intérêt pour l’agriculture biologique. Mais que disent les études scientifiques sur les bienfaits de cette dernière en termes d’environnement comme de santé ? »
Marion Leclair revient sur « une aurore du féminisme » incarnée par Mary Wollstonecraft (mère de Mary Shelley) : « Mary Wollstonecraft eut une pensée hardie et une vie peu conformiste. Partie prenante des débats que la Révolution française suscita en Angleterre et activement liée au radicalisme, elle politisa sa réflexion sur l’oppression des femmes, notamment à la lumière de la critique du despotisme. »
Pour Pierre Rimbert, il faut savoir « choisir ses héros » : « Le 22 janvier dernier, Reporters sans frontières et Universal Pictures International France conviaient leurs invités au cinéma Publicis Drugstore, sur les Champs-Élysées, à Paris. Ils allaient assister à l’avant-première d’un film qui « ausculte les notions de vérité et d’investigation et place le journalisme au cœur de l’intrigue » : The Post, de Steven Spielberg, diffusé dans les salles françaises sous le titre Pentagon Papers. L’histoire, inspirée de faits réels, se déroule aux États-Unis en 1971. Daniel Ellsberg, analyste d’un think tank du Pentagone, a pris tous les risques pour photocopier un document classé secret-défense prouvant que John Kennedy et Lyndon Johnson ont menti au Congrès ainsi qu’au public sur la guerre du Vietnam, qu’ils savaient ingagnable. Le New York Times en publie une synthèse, mais une décision de justice lui interdit de poursuivre. Modeste quotidien régional, le Washington Post va-t-il prendre le relais de son prestigieux confrère ? Ce lundi soir, à Paris, les journalistes sont venus nombreux admirer le jeu de Meryl Streep dans le rôle de Katharine Graham, la propriétaire du Post, et celui de Tom Hanks, qui campe le rédacteur en chef.