L’éditorial de Serge Halimi est consacré à la radicalisation : « La révolte des étudiants québécois le démontre à son tour : les politiques « austéritaires » ne peuvent plus être imposées sans méthodes autoritaires. Lorsque le gouvernement libéral (centriste) de M. Jean Charest a décidé d’augmenter de 75 % en cinq ans les frais d’inscription à l’université, plus du tiers des étudiants de la province se sont mis en grève ; le 18 mai dernier, les droits d’association et de manifestation ont été suspendus lors d’une session spéciale de l’Assemblée nationale du Québec. Enchaînement fatal : rogner une conquête démocratique (ici, l’accès à l’enseignement supérieur) amène assez vite à amputer une liberté fondamentale.
Cette radicalisation s’observe dans d’autres pays. En France, la défaite du parti conservateur, à l’issue d’une campagne au cours de laquelle furent déclinés tous les thèmes de l’extrême droite, ne l’a nullement incité à réorienter son discours vers l’électorat centriste qui lui aurait manqué. Les héritiers de M. Nicolas Sarkozy continuent au contraire à privilégier les positions les plus réactionnaires " hostilité aux immigrés, opposition au « laxisme pénal », lutte contre les fraudes sociales ", avec l’espoir d’arracher au Front national un électorat populaire censé se reconnaître dans le portrait du « travailleur qui ne veut pas que celui qui ne travaille pas gagne davantage que lui (1) ».
Jean Gadrey s’interroge sur la dette : « En Grèce, les nouvelles élections législatives, prévues le 17 juin, se joueront sur la question de la renégociation de la dette. Les contribuables refusent en effet de continuer à « mettre de l’argent dans un puits sans fond », explique M. Alexis Tsipras, le dirigeant du parti de gauche Syriza. En France, une campagne populaire exige elle aussi un audit citoyen de la dette publique.
Un parfum de printemps 2005 ? A l’époque, le président de la République, M. Jacques Chirac, avait soumis à référendum le traité constitutionnel européen (TCE). Les médias furent unanimes : il fallait approuver le texte. La campagne se caractérisa néanmoins par une mobilisation inédite. Associations, organisations politiques et syndicales s’employèrent à décortiquer, expliquer et débattre un document pourtant peu engageant. Contre l’avis des « experts » institutionnels, les Français décidèrent de rejeter le TCE à près de 55 %. »
Jordan Pouille est allé visiter les villes-ateliers chinoises (celle d’Apple en particulier) : « Le géant taïwanais Foxconn, premier fournisseur mondial d’électronique et premier employeur privé en Chine, est désormais à l’étroit dans son bunker géant de Shenzhen Longhua. Voyage dans le Guangdong, puis dans le Sichuan, lieu emblématique de son renouveau industriel.
Qu’en est-il des identités et de la justice sociale, demande Nancy Fraser ? « Les combats pour réduire les inégalités ont longtemps porté sur le partage équitable des richesses. Depuis quelques décennies, un nouveau type de demande articule l’exigence de redistribution au respect des différences, des identités minoritaires et à la lutte contre les discriminations. Peut-on penser le rapport entre ces deux conceptions, de façon à ce qu’elles se renforcent réciproquement ? »
L’indignation devient désormais planétaire (Raphaël Kempf) : « Alors qu’en Espagne un actif sur quatre est désormais au chômage, des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau descendues dans la rue, le 15 mai dernier, pour célébrer le premier anniversaire du mouvement des « indignés ». Qui sont ces manifestants qui, comme au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou au Chili, contestent le système en place, et comment sont-ils organisés ? »
Pour Pascale Dufour, les étudiants québecois sont tenaces : « Des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Montréal le 22 mai dernier, au centième jour de la grève des étudiants québécois opposés à la hausse des frais d’inscription à l’université. La défense des libertés publiques mobilise désormais autant que la lutte pour l’accès à la connaissance, alors que le gouvernement de M. Jean Charest a fait voter une loi restreignant le droit de manifester. »
Obama n’a pas la partie facile face aux neuf juges de la Cour suprême (Daniel Lazare) : « La réforme du système américain de santé survivra-t-elle à une prochaine décision de la Cour suprême ? Il y a deux ans, les neuf juges ont déjà démontré leur conservatisme en démantelant les lois qui encadraient le financement public des campagnes. La majorité conservatrice de la Cour est néanmoins étroite. Le prochain président pourra la faire basculer " ou la conforter pour une génération. »
Buenos Aires a retrouvé son pétrole (José natanson) : « Hier, c’était en Amérique latine que le Fonds monétaire international (FMI) imposait la recette de l’« ajustement structurel », dont les Européens découvrent désormais les ingrédients. Austérité, dérégulation, privatisations : l’échec du cocktail néolibéral a conduit la région à élaborer une autre voie. Elle passe notamment par la renationalisation des grandes sociétés pétrolières, comme en Argentine au mois d’avril. »
En Equateur, la biodiversité est à l’épreuve de la solidarité internationale (Aurélien Bernier) : « Du 20 au 22 juin, le sommet international Rio + 20 sur le développement durable se tiendra au Brésil. Alors que les pays riches cherchent à imposer une économie « verte » compatible avec l’ordre néolibéral, certains proposent des solutions plus originales. C’est le cas de l’Equateur, qui défendra à Rio un projet visant à concilier souveraineté nationale, progrès social et protection des écosystèmes. »
L’Église catholique semble jouer un nouveau rôle à Cuba (Janette Habel) : « Destiné à « actualiser le socialisme », le processus de réformes engagé par le président cubain Raúl Castro l’a conduit à se choisir un interlocuteur inattendu : l’Eglise catholique. »
Raoul-Marc Jennar revient sur le " coup d’État européen " : « Le ministre de l’économie français, M. Pierre Moscovici, a annoncé que le traité budgétaire européen ne serait « pas ratifié en l’état » et qu’il faudrait le « compléter par un volet croissance ». Mais la renégociation promise suffira-t-elle à modifier la nature d’un texte qui annonce le démantèlement des systèmes sociaux et des mécanismes démocratiques européens ? »
Selon Laurent Geslin et Sébastien Gobert, La Pologne orientale passe à l’Ouest : « Entre 2007 et 2013, les institutions européennes auront accordé 2,27 milliards d’euros de fonds structurels pour moderniser les marges orientales de la Pologne. Grâce à cette manne, ces régions ont pu entamer leur mue. Mais, coupées de leurs voisins de l’Est par le mur de Schengen, elles restent à la traîne du « miracle économique » national. »
Il y a plus que jamais deux Soudan (Jean-Baptiste Gallopin) : « Tandis que le Conseil de sécurité des Nations unies exhortait Khartoum à retirer ses troupes du district contesté d’Abyei, le médiateur de l’Union africaine Thabo Mbeki poursuivait ses efforts en vue d’une reprise des négociations entre les deux Soudans. Une profonde méfiance oppose Khartoum et Juba, et le jeu des milices locales rend encore plus incertaines les tentatives d’entente. »
Stéphanie Latte Abdallah décrit la toile carcérale des Palestiniens : « A l’issue d’une longue grève de la faim, pour certains de plus de deux mois, les prisonniers politiques palestiniens ont obtenu à la mi-mai un accord qui stipule notamment la fin de l’isolement, la limitation des détentions administratives et l’amélioration du droit de visite des familles. Mais le système carcéral israélien reste un instrument essentiel du contrôle des territoires occupés et de leur population. »
André Grimaldi, Frédéric Pierru et Laurent Sedel cherchent d’autres pistes pour la santé publique : « Des dépassements d’honoraires qui atteignent des sommets dans certaines régions, un désert médical qui gagne du terrain dans les zones rurales ou les quartiers pauvres… En France, la santé est en péril. M. François Hollande a promis des changements, tout en prônant une « nouvelle rationalisation » des dépenses. Après quarante ans d’érosion continue du système de soins, la ministre Marisol Touraine osera-t-elle la rupture ? »
Pour David Garcia , les clubs de football sont égaux, mais pas trop : « Du 8 juin au 1er juillet, l’Euro 2012 de football, organisé par la Pologne et l’Ukraine, verra s’affronter les joueurs-vedettes des grandes formations. Surendettées, celles-ci sont rappelées à l’ordre par l’Union des associations européennes de football (UEFA). Mais le « fair-play financier » récemment décrété peut-il vraiment inquiéter l’élite des clubs du continent ? »
Faut-il s’attendre, demain, à voir des usines dans nos salons ? (Sabine Blanc) « Les réparateurs ont presque tous disparu ; en cas de panne d’un appareil, le service après-vente n’offre souvent d’autre choix que d’en racheter un neuf. Refusant la condition de consommateur passif de gadgets manufacturés, le mouvement des « fab labs » entend, à l’instar de celui des logiciels libres, rendre la main aux utilisateurs. »
Philippe Bovet supplie les architectes : ne cassez rien ! « Faut-il détruire les vieux bâtiments pour bâtir à leur place des immeubles « verts » ? Quand on prend en compte l’énergie engloutie par la construction, il est rare que l’équation tienne… »
Alain Ruscio estimeMessali Hadj, père oublié du nationalisme algérien a été injustement oublié : « Dans l’histoire du nationalisme algérien, un point d’interrogation demeure : comment et pourquoi le père fondateur, Ahmed Mesli, dit Messali Hadj, a-t-il pu être désavoué, puis combattu, par ses fils spirituels, alors même qu’il avait été le premier à poser comme objectif non plus un aménagement du système colonial, mais la lutte pour l’indépendance ? »
Enfin, Mona Chollet nous prévient que la maman et la putain sont de retour : « On a pu avoir l’impression, au cours des derniers mois, que certaines cinéastes françaises s’étaient donné pour mission de montrer aux jeunes filles des classes moyennes et populaires comment conjurer le sort qu’elles redoutent : des études inutiles, ou pas d’études du tout, suivies d’une longue vie de travail ingrat pour un salaire dérisoire. Il ne s’agissait évidemment pas de les encourager à faire une lecture critique de leur situation : il y a des riches et des pauvres, il y en a toujours eu, il y en aura toujours ; c’est une donnée stable dans l’histoire de l’humanité. Ou à peu près stable, du moins, puisqu’il n’aura échappé à personne récemment que les pauvres devenaient plus pauvres et les riches, plus riches. Cela pourrait laisser soupçonner que certains mécanismes politiques sont à l’oeuvre dans cet état de fait. Mais y trouver à redire relèverait d’un populisme de mauvais goût, surtout pour une charmante demoiselle, quelle horreur ! Et puis, pourquoi s’encombrer de ces réflexions exténuantes quand la nature vous a dotée de tout le nécessaire pour tirer votre épingle du jeu : un corps jeune, séduisant et en bonne santé ? »