Qui sera le prochain ennemi, demande Serge Halimi : « La carte de vœux de M. Anders Fogh Rasmussen n’a pas attendu la Saint-Sylvestre. L’ancien secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) a résumé ainsi la mission que celle-ci devrait remplir, selon lui, sitôt que M. Donald Trump aura quitté la Maison Blanche : « En 2021, les États-Unis et leurs alliés auront une occasion qui ne se présente qu’une fois par génération. Celle d’inverser le repli global des démocraties face aux autocraties comme la Russie et la Chine. Mais il faudra pour cela que les démocraties principales s’unissent (1). » Ce qu’ont fait nombre d’entre elles, il y a une génération, justement, en envahissant l’Afghanistan, puis l’Irak. Il est donc temps de s’attaquer à des adversaires plus puissants… »
Laurent Cordonnier nous projette vers le monde d’avant : « À quoi ressemblera l’après-pandémie ? Les politiques déployées pour faire face à la crise sanitaire ont accéléré les tendances de fond qui traversaient les sociétés et inquiétaient les populations : incertitude, précarité, machinisme dévorant, désincarnation des rapports humains. Pour l’essentiel, cette transition vers le capitalisme numérique aura été pilotée par l’État. »
Pour Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, les politiques identitaires sont dans l’impasse : « S’il s’enracine dans une longue histoire, le langage identitaire a explosé avec les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu. Jadis réservé à la droite, il imprègne désormais les discours des militants et dirigeants politiques de tous bords, au point de transformer la « race » en variable bulldozer, qui écrase toutes les autres. ».
Alessia Lo Porto-Lefébure décrit la formation à l’américaine pour les dirigeants chinois : « Le président Xi Jinping ne cesse de vilipender les valeurs occidentales et de mettre en avant les « caractéristiques chinoises ». Pourtant, les autorités de son pays ont adopté le programme de l’école d’administration publique de la prestigieuse université Harvard pour former leurs fonctionnaires. Des milliers d’agents suivent ce master, inauguré au début des années 2000 et adapté au contexte national. »
Élisa Perrigueur nous emmène à la frontière gréco-turque, « épicentre des tension » : « L’Union européenne entend sanctionner la politique de plus en plus expansionniste de la Turquie, qui ravive en Grèce les souvenirs des conflits du passé. Ligne de rupture, mais aussi d’échanges entre Orient et Occident, la frontière gréco-turque ne respire plus depuis la crise sanitaire. De Kastellorizo à la Thrace en passant par Lesbos, les deux pays ont pourtant tant de choses en commun, autour de cette démarcation qui fut mouvante et rarement étanche. »
Pour Olfa Lamloum, les braises persistantes de l’esprit de révolte brûlent toujours en Tunisie : « En janvier 2011, la révolte des Tunisiens contre le pouvoir de Zine El-Abidine Ben Ali provoquait une onde de choc dans le monde arabe. Du Maroc à Bahreïn en passant par la Libye, l’Égypte ou la Syrie, le slogan « Le peuple veut la chute du régime » témoignait de la vigueur de la tempête. Aujourd’hui, seule la Tunisie demeure engagée dans une transition démocratique – décevante aux yeux de la population. »
… Où « il n’y a que des faux-culs et des vendus qui veulent te palper : « En janvier 2011, la révolte des Tunisiens contre le pouvoir de Zine El-Abidine Ben Ali provoquait une onde de choc dans le monde arabe. Du Maroc à Bahreïn en passant par la Libye, l’Égypte ou la Syrie, le slogan « Le peuple veut la chute du régime » témoignait de la vigueur de la tempête. Aujourd’hui, seule la Tunisie demeure engagée dans une transition démocratique — décevante aux yeux de la population. »
Pour Pierre Bernin, les menées saoudiennes au Yémen vont vers le fiasco : « Malgré l’intervention militaire d’une coalition dirigée par l’Arabie saoudite et soutenue par les puissances occidentales, la rébellion houthiste accroît son emprise sur le Yémen. Au-delà des ressorts locaux du conflit, ses implications régionales, avec la rivalité irano-saoudienne et l’émergence des Émirats arabes unis en tant que puissance militaire, transforment les équilibres du Proche-Orient et du Golfe. »
Au Cameroun, selon Fanny Pigeaux, Bolloré est en disgrâce : « Soupçonné par la brigade financière italienne d’avoir manipulé les cours de titres financiers, accusé de promouvoir l’extrême droite sur sa chaîne de télévision CNews, l’homme d’affaires français Vincent Bolloré voit également son étoile pâlir dans le fleuron de son empire logistique africain : le Cameroun. S’il y demeure puissant, la perte de la concession du port de Douala signe la fin d’une époque. »
Arnaud Dubien se demande sir le retour de la Russie en Afrique n’est qu’un trompe-l’œil : « Après une longue éclipse, la Russie reprend pied en Afrique, comme le montre son soutien militaire appuyé à la Centrafrique. Présenté par Paris comme une manœuvre sournoise, ce retour signe en réalité la banalisation de la puissance russe. Moscou, qui, par le passé, a soutenu la décolonisation, se contente de remplir son carnet de commandes et de renforcer ses partenariats sécuritaires. »
Pour Owen Hatherley, le parti travailliste britannique se purge et vire à droite : « L’ancien chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn vient d’annoncer le lancement du Projet pour la paix et la justice, manière de poursuivre son combat contre les inégalités et l’impérialisme. L’initiative profitera sans doute de la dérive droitière de son successeur à la tête du Labour, M. Keir Starmer, élu pour réconcilier un parti divisé, mais qui s’emploie à en museler l’aile gauche. »
Marlène Benquet et Théo Bourgeron reviennent sur le rôle de la finance britannique lors de la campagne pour le Brexit : « « Folie », « erreur », « coup de poker »… Depuis le référendum de 2016, le Brexit a souvent été présenté comme le fruit d’un malheureux concours de circonstances. Il répond toutefois parfaitement aux attentes d’une frange émergente de la finance, que la réglementation européenne – pourtant soucieuse de cajoler les puissants – dérange encore trop. »
Un dossier d’Étienne Peyrat sur l’origine des conflits en Transcaucasie : « Une haine féroce, des récits irréconciliables : la guerre du Haut-Karabakh a vu s’affronter deux nations que tout semble opposer. Pourtant, Arméniens et Azerbaïdjanais ont longtemps cohabité au sein des empires russe, ottoman ou perse. Dans un espace de peuples mêlés au sud du massif du Grand Caucase, la fondation d’États sur une base territoriale ethno-religieuse a mis le feu aux poudres. »
Pour Martine Bulard, le libre-échangisme contribue au dynamisme économique en Asie : « Pas de trêve attendue dans la confrontation sino-américaine. En signant avec quatorze autres pays asiatiques le partenariat économique régional global, le plus grand accord de libre-échange jamais conclu dans le monde, Pékin a marqué un point. Plus que des retombées économiques, cet accord apporte l’image d’une Asie dynamique, qui sait s’entendre malgré ses divergences politiques et stratégiques. »
Eugénie Mérieau explique pourquoi la jeunesse thaïlandaise est dans la rue : « a jeunesse thaïlandaise est dans la rue. Le 24 juin 2020, ils n’étaient qu’une petite cinquantaine à se retrouver au Monument de la démocratie, dans le centre de Bangkok, pour commémorer l’anniversaire de la révolution de 1932 ayant mis fin à la monarchie absolue dans ce qui s’appelait encore le « Siam », alors seul État indépendant d’Asie du Sud-Est. Trois mois plus tard, le 19 septembre, jour anniversaire du coup d’État militaire de 2006 qui mit un coup d’arrêt à la « transition démocratique », ils étaient plusieurs dizaines de milliers face au Palais royal.
La contestation actuelle s’inscrit dans la continuité du mouvement des « chemises rouges ». né en opposition à ce coup d’État — lequel appelait à « achever » la révolution de 1932 et à réhabiliter sa figure historique, Pridi Panomyong, juriste formé en France dans les années 1920, dans une IIIe République devenue le centre de formation des jeunes révolutionnaires de toute l’Asie. Mais, en 2010, ce mouvement est réprimé dans le sang : l’armée ouvre le feu sur les manifestants, en tuant quatre-vingt dix et en blessant près de deux mille, de quoi faire taire la contestation sociale. »
Pour Richard Keiser, les États Unis d’Amérique sont de plus en plus désunis : « a jeunesse thaïlandaise est dans la rue. Le 24 juin 2020, ils n’étaient qu’une petite cinquantaine à se retrouver au Monument de la démocratie, dans le centre de Bangkok, pour commémorer l’anniversaire de la révolution de 1932 ayant mis fin à la monarchie absolue dans ce qui s’appelait encore le « Siam », alors seul État indépendant d’Asie du Sud-Est. Trois mois plus tard, le 19 septembre, jour anniversaire du coup d’État militaire de 2006 qui mit un coup d’arrêt à la « transition démocratique », ils étaient plusieurs dizaines de milliers face au Palais royal.
La contestation actuelle s’inscrit dans la continuité du mouvement des « chemises rouges ». né en opposition à ce coup d’État — lequel appelait à « achever » la révolution de 1932 et à réhabiliter sa figure historique, Pridi Panomyong, juriste formé en France dans les années 1920, dans une IIIe République devenue le centre de formation des jeunes révolutionnaires de toute l’Asie. Mais, en 2010, ce mouvement est réprimé dans le sang : l’armée ouvre le feu sur les manifestants, en tuant quatre-vingt dix et en blessant près de deux mille, de quoi faire taire la contestation sociale. »
Romain Migus analyse la confusion politique au Pérou : « Les Péruviens éliront leur prochain chef d’État en avril 2021, pour la plupart sans grand espoir. Après une cascade de démissions et de destitutions, quatre présidents se sont succédé à la tête du pays depuis la dernière élection, en 2016. Des quatre précédents, élus à partir de 2001, trois ont été inculpés pour corruption et le dernier a préféré se suicider. Comment expliquer une telle instabilité ? »
Sonia Combe pose la question de l’antisémitisme en Allemagne de l’Est : « Dans le débat sur le racisme et la xénophobie qui agite l’Allemagne, l’antisémitisme occupe une place à part. Son écho résonne parfois bruyamment, comme en juillet dernier, à l’ouverture du procès de l’auteur de l’attaque contre la synagogue de Halle, le 9 octobre 2019, qui fit deux morts parmi les passants.
Halle se trouve sur le territoire de l’ex-République démocratique allemande (RDA), cette Allemagne communiste née en 1949 et disparue en 1990. Bien que l’assassin soit né après la chute du Mur, ce fait a conforté les partisans d’une thèse à la mode : si les Juifs sont à nouveau en danger en République fédérale, la faute en incombe à la défunte RDA, comme l’affirme par exemple le professeur de sciences de l’éducation (ouest-)allemand Micha Brumlik. Dans un article intitulé « À quel point la RDA était-elle brune ? » (c’est-à-dire « nazie »), l’universitaire avance plusieurs éléments à charge : cet État reposait sur des « structures hiérarchiques autoritaires » qui attesteraient une continuité avec le IIIe Reich ; il aurait refusé de procéder à une « confrontation avec son passé » ; il aurait réintégré d’anciens nazis pour s’assurer de leur fidélité en les faisant chanter. Enfin, la RDA, non contente de ne pas indemniser les victimes du génocide et l’État d’Israël, aurait mené une politique antisioniste douteuse avec le soutien de Juifs est-allemands. « L’antisémitisme est le “socialisme des imbéciles”, avait déclaré le dirigeant social-démocrate Auguste Bebel. L’antisémitisme est le socialisme d’une dictature nommée RDA, est-on tenté de compléter », conclut Brumlik. »
Laurent Binet nous propose un retour salutaire sur les Versets sataniques : « La fatwa prononcée en 1989 par l’imam Rouhollah Khomeiny contre Salman Rushdie a transformé « Les Versets sataniques » en un objet de scandale dont on continue de discuter sans l’avoir lu. Or, si cette œuvre de sept cents pages, qui mêle aventures vécues et rêvées, a été jugée blasphématoire, c’est simplement, estime l’écrivain Laurent Binet, parce qu’un bon roman est le contraire d’un texte sacré. »
Agathe Mélinand revient sur la “ génération de l’inquiétude ” après la Première Guerre mondiale : « Mil neuf cent vingt et un. Ouverte deux ans auparavant, la conférence de la paix a redessiné l’Europe ; Paris semble la capitale artistique du monde. La Grande Guerre a massacré dix millions de soldats, la grippe espagnole fait cinquante millions de victimes. « Plus jamais ça ! » La vie humaine ne valait plus grand-chose, les vieilles valeurs s’étaient écroulées. Les Américains entraient sur la scène internationale, la révolution d’Octobre ouvrait un horizon nouveau et annonçait la polarisation des antagonismes. L’horreur des tranchées accouchait paradoxalement d’une explosion de fête et de créativité.
Dans la France du surréalisme et de dada, le neurasthénique président Paul Deschanel venait de démissionner, le premier congrès du Parti communiste se réunissait. Dans l’Amérique de la Prohibition, le président Warren G. Harding se noyait dans les scandales ; sur fond de grèves et d’attentats, un tribunal du Massachusetts condamnait à mort les anarchistes Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti ; une voiture piégée faisait sauter les bureaux de la banque JP Morgan à Wall Street — quarante morts, des centaines de blessés. »
Nathalie Quintane expose les bienfaits de la dictée : « Personnellement, j’ai jamais vraiment arrêté de donner des dictées. C’est un moment vraiment sympa. Les mômes sont extrêmement concentrés, à faire une seule chose à la fois, impossible de lever le nez sinon tu rates un mot, tout le monde est bien aligné dans la même position, on entend les mouches. Bref, c’est très reposant. Et puis ils sentent qu’ils font quelque chose d’important. En tout cas, ils font comme s’ils le sentaient. La tentation, ce serait de tout dicter histoire d’avoir la paix. Mais ça marche pas. Si tu dictes autre chose qu’une dictée, t’as le bordel. Le bordel, le brouhaha, ou un peu de bruit, c’est ce que tu as quand tu ne dictes pas une dictée, et ça, faut bien se le mettre dans la tête et le plus vite possible si on veut pas être déçu. Après, il y a des moments de concentration très aigus, seuls ou à plusieurs, mais la qualité de silence que t’as avec la dictée, y a rien de comparable. Seuls les profs qui font régner la terreur l’obtiennent. Je suppose qu’on pense que ces profs-là n’existent plus, mais y en a encore, par petites unités, un par bahut. Y a un deuxième avantage que t’as avec la dictée c’est à la correction. Rien de plus cool à corriger qu’une dictée : ça demande zéro concentration. Tu peux très bien écouter la radio ou regarder la télé en même temps ; c’est de la mécanique. Toujours les mêmes fautes sur les mêmes mots, du coup tu finis par passer à vitesse grand V sur toutes les copies et t’abats un paquet de trente en une demi-heure max. Y a rien de plus rapide à corriger qu’un paquet de dictées. T’as des notes, tu les rends, les parents comprennent et tout le monde est content. On a pu faire chier des profs pour une phrase dans Artaud ou dans Zola, un geste ou de l’humour mal compris, mais on a jamais emmerdé personne parce qu’il donnait trop de dictées — en tout cas, j’en ai jamais entendu parler. »