Pour Serge Halimi et Pierre Rimbert, « Au mouvement des « gilets jaunes » le chef de l’État français a répondu en lançant un « grand débat national ». Ce genre d’exercice postule que les conflits sociaux s’expliquent par des problèmes de communication entre le pouvoir et ses opposants, plutôt que par des antagonismes fondamentaux. Une hypothèse hasardeuse… »
Raphaël Kempf analyse le glissement des violences policières vers les violences judiciaires : « Débordé par un mouvement social inédit, le gouvernement français s’est lancé dans une surenchère législative, au risque d’entraver la liberté de manifester. Entretenant un rapport cynique avec la violence, il enjoint à tous de la condamner, sauf quand elle relève de sa responsabilité. À défaut d’issue politique, il joue le pourrissement et engage une répression sans précédent depuis les années 1960.
Qui a peur de l’initiative citoyenne ?, demandent Guillaume Gourgues etJulien O’Miel : « En réclamant la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), les « gilets jaunes » ont soulevé un débat centré sur le référendum. Ce n’est pourtant là qu’une voie d’expression de l’initiative citoyenne, favorisée dans plusieurs pays. Les conditions du partage de l’information et du débat public, sous le contrôle de gouvernants soucieux de protéger l’ordre établi, restent déterminantes. »
Michel Pinçon & Monique Pinçon-Charlot continuent leur étude de la caste au pouvoir : « Sociologues, spécialistes de la bourgeoisie et de l’oligarchie françaises, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot publient une chronique sociale de la France de M. Emmanuel Macron. Leur synthèse jette une lumière crue sur le mépris de classe d’un président mal élu et sur l’accaparement du pouvoir par une caste — deux détonateurs du soulèvement français. »
Pour Chris Bickerton , la voie d’un Brexit de gauche est étroite : « Jugée menaçante par certains conservateurs, la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne pourrait représenter une chance pour les travaillistes s’ils parvenaient au pouvoir. Dégagés des traités néolibéraux qui organisent l’Union, ils jouiraient de marges de manœuvre plus larges pour mettre en œuvre leur programme. Reste à convaincre leurs militants acquis à l’idée qu’il n’existe de Brexit que de droite. »
C’est bien beau d’avoir abandonné le système de la consigne, il faut recycler maintenant (Grégoire Chamayou) : « Poubelle jaune, poubelle verte, poubelle bleue… À grand renfort de sermons, on nous chante les louanges d’une « citoyenneté moderne » associée à un geste : le tri des déchets, considéré comme la garantie de sauver une planète dégradée de toutes parts. C’est peut-être se méprendre sur la logique qui sous-tend cette injonction à l’« écoresponsabilité » des consommateurs.
Au nom des compétences contre la qualification, le privé fait main basse sur la formation continue (Didier Gelot) : « Loin de l’idéal émancipateur des débuts, la formation professionnelle renforce les inégalités devant l’emploi au détriment des moins qualifiés. Censé remédier à cet état de fait, le nouveau dispositif élaboré par le gouvernement va, au contraire, aggraver cette dérive. Il fait reposer davantage son financement sur les salariés et ouvre un peu plus le secteur au marché.
Pour Anne-Cécile Robert, le train revient en Afrique de l’Est : « Le dynamisme du marché des matières premières suscite un vif besoin d’infrastructures de transport en Afrique de l’Est. Après des années d’abandon, les voies ferrées attisent les rivalités entre investisseurs. Mais cet engouement désordonné, qui doit permettre d’acheminer les minerais vers les ports de l’océan Indien, profitera-t-il aux populations ? »
Au Brésil, les militaires imposeront-ils leurs désiderata à Bolsonaro (Raoul Zibechi) : « Le dynamisme du marché des matières premières suscite un vif besoin d’infrastructures de transport en Afrique de l’Est. Après des années d’abandon, les voies ferrées attisent les rivalités entre investisseurs. Mais cet engouement désordonné, qui doit permettre d’acheminer les minerais vers les ports de l’océan Indien, profitera-t-il aux populations ? »
Lionel Richard revient sur l’école du Bauhaus : « Son nom est devenu célèbre ; la réalité de son activité l’est moins. Le Bauhaus (1919-1933) fut pour l’essentiel une école, dont le programme initial, sur fond de combat révolutionnaire, visait à former des bâtisseurs imprégnés du savoir-faire des artisans. Mais sa volonté d’insérer ses recherches dans la société fut brisée par les secousses de l’histoire. »
Pour Pierre Daum, les paysans vietnamiens résistent à un certain développement : « Assoiffé de croissance, le Vietnam mise sur l’essor des industries utilisatrices de main-d’œuvre et sur le développement de l’immobilier — sans regarder de trop près les conséquences pour l’environnement et pour les terres agricoles. Ce qui suscite la colère de nombreux paysans.
Eric Alterman estime qu’Israël s’aliène les Juifs américains : «
Rien ne va plus entre le gouvernement d’Israël et les Juifs des États-Unis. Tandis que le premier dérive vers la droite extrême, les seconds s’ancrent toujours plus solidement dans le camp progressiste. Comme les militants noirs américains, depuis longtemps solidaires des Palestiniens, ils fustigent désormais l’occupation et la colonisation — que Washington soutient. »
Et Sylvie Laurent nous dit « Ce que la Palestine lui a appris du racisme aux Etats-Unis : « Dans une courte vidéo en noir et blanc, les visages bruns d’opprimés en lutte se succèdent et s’entrecroisent, certains portant des dreadlocks et d’autres un foulard ou un keffieh, unis par un même message décliné sur les pancartes : « Arrêtez de nous tuer », « Rendez-nous notre humanité ». Les images de Ferguson (Missouri), où s’est exprimée l’indignation noire face à l’impunité policière, alternent avec celles des territoires occupés. Des Palestiniens affirment « Black lives matter » (« les vies des Noirs comptent »), et des Noirs américains interprètent l’oppression des Palestiniens comme du racisme. Entre eux, des points de rencontre : la compagnie américaine Combined Systems, qui fournit la police de Ferguson en gaz lacrymogène et autres armes de répression, équipe aussi les forces israéliennes d’occupation de la bande de Gaza ou de la Cisjordanie. »
De nombreux Arméniens s’opposent la fièvre minière (Jens Malling) : « Conforté par sa victoire aux législatives de décembre dernier, le premier ministre arménien Nikol Pachinian doit répondre aux aspirations du mouvement social qui l’a porté au pouvoir. Dans un pays ravagé par l’extraction minière, la population pointe la responsabilité des agences de crédit à l’exportation étrangères. Ces acteurs majeurs du commerce mondial, financés par les contribuables, demeurent étonnamment mal connus. »
Jens Malling révèle quelles sont les très discrètes agences de crédit à l’exportation : « Les agences de crédit à l’exportation (ACE) ont jusqu’ici largement échappé à la vigilance du public. Selon l’économiste Delio Gianturco, ce sont les « géants méconnus » de la finance internationale. Mis en place par les gouvernements dans le but de stimuler les exportations, ces organismes publics (parfois des sociétés privées opérant pour le compte de l’État) soutiennent leurs industries nationales et jouent également un rôle prédominant dans la facilitation des échanges internationaux. Export-Import Bank of the United States (Exim Bank) aux États-Unis, Bpifrance, Euler Hermes Aktiengesellschaft en Allemagne, China Export and Credit Insurance Corporation (aussi appelée Sinosure) : la plupart des ACE adhèrent à l’Union de Berne, une organisation créée en 1934 qui regroupe les principaux acteurs mondiaux de l’assurance-crédit à l’exportation et de l’assurance des investissements. »
Arezki Metref explique pourquoi la gauche algérienne est hébétée : « L’élection présidentielle algérienne aura lieu le 18 avril prochain. Si les candidatures ont fleuri dès la convocation du corps électoral, l’hypothèse d’une alternance politique demeure peu probable. L’opposition au régime – en place depuis l’indépendance, en 1962 – est plus fragmentée que jamais. La gauche marxiste, marginalisée depuis les années de guerre civile, a du mal à retrouver son influence passée. »
Thibault Hennetonexplique comment Netflix impose ses règles : « Une petite société de location de DVD par correspondance née en 1997 est devenue une plate-forme de vidéo à la demande qui compte 139 millions d’abonnés dans 190 pays. L’accès est illimité, sans publicité et personnalisé. Tous les écrans mènent désormais à Netflix.
Agnès Stienne dresse la carte des lieux de pouvoir à Paris : « D’ordinaire, les membres du microcosme parisien portent en sautoir leur appartenance à l’« élite ». Ils garnissent avec délice les notices biographiques du Who’s who ou du Bottin mondain,accordent des entretiens à la presse people, paradent dans les soirées. Tout cela est assumé, affiché, public. Mais il aura suffi que les « gilets jaunes » déplacent le terrain protestataire de quelques kilomètres vers l’ouest de la capitale pour que tout change. Et que dirigeants, possédants et prescripteurs se sentent physiquement menacés. La mise en ligne en décembre dernier sur le site du Monde diplomatique de la carte des lieux de pouvoir à Paris, initialement parue dans Manière de voir en 2012, a suscité nombre de commentaires apeurés. Publier des données publiques, mais que seuls les initiés vivent intimement : ce travail journalistique a été qualifié d’« irresponsable » par Frédéric Haziza, de « faute professionnelle » par Mohamed Sifaoui, tandis que Caroline Fourest évoquait des « cartes qui incitent au lynchage ». En 1791, le député constituant La Rochefoucauld assignait à la presse le rôle de « sentinelle du peuple ». Certains journalistes préfèrent manifestement le poste d’appariteur de l’ordre. »