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Le Monde Diplomatique (février 2017)

Serge Halimi nous révèle qui sont les « Idiots utiles » du Pentagone : « ÁWashington, démocrates et républicains s’accordent au moins quand il s’agit de combattre la Russie. Selon eux, M. Vladimir Poutine doute de la détermination des États-Unis à défendre leurs alliés et veut protéger son régime autoritaire contre une contagion démocratique et libérale. Il aurait donc choisi d’agresser l’Occident. Alors, pour garantir la paix et la démocratie, l’armée américaine et les parlementaires des deux partis ont décidé de contre-attaquer… L’armée américaine, tout d’abord. Répondant à une commande de la Maison Blanche, le Pentagone vient d’achever une étude qui préconise un emploi plus généreux de l’arme nucléaire. Celle-ci étant actuellement trop destructrice pour que son utilisation soit imaginable, et ne jouant donc pas son rôle de dissuasion, il conviendrait de la miniaturiser davantage afin de pouvoir y recourir contre un éventail plus étendu d’agressions. Y compris « non nucléaires » : destruction des réseaux de communication, « armes chimiques, biologiques, cyberattaques », etc.

Maxime Robin décrit les ravages des opiacés aux EU (“ Overdoses sur ordonnance ”) : « Ils tuent davantage que les accidents de la route ou les armes à feu. Après avoir ravagé les ghettos noirs dans les années 1990, les opiacés déciment désormais les banlieues pavillonnaires et la petite classe moyenne américaines. Inédite par son ampleur et par ses victimes, cette épidémie d’overdoses l’est aussi par son origine : les consommateurs sont devenus dépendants en avalant des antidouleurs prescrits par leur médecin. »

Rafael Correa, récent président de l’Équateur, explique comment les grands médias ramènent progressivement les forces réactionnaires au pouvoir (“ Gouverner sous les bombes... médiatiques ”) : « Au pouvoir en Équateur de janvier 2007 à mai 2017, M. Rafael Correa a décidé de ne pas se représenter. La rupture avec son successeur et ancien collaborateur l’a néanmoins conduit à reprendre le combat. Au-delà de cet affrontement singulier, il témoigne ici des conquêtes et des reflux de la gauche en Amérique latine. Et il relève à quel point les grands médias sont devenus une arme politique au service de la contre-offensive des partis conservateurs. »

Pierre Rimbert revient sur la polémique suscitée par la présence de Rokhaya Diallo au Conseil national du numérique (“ Diversité et diversion ”) : « La controverse était presque parfaite : le 11 décembre dernier, les réseaux sociaux s’enflamment à l’annonce de la composition du Conseil national du numérique (CnNum), une commission consultative créée en 2011 et renouvelée régulièrement dans l’indifférence générale. Des tweets indignés de parlementaires socialistes et Républicains dénoncent la présence de Rokhaya Diallo, essayiste, réalisatrice et chroniqueuse dans plusieurs émissions de divertissement. Aux yeux de ses détracteurs, la militante a commis la faute impardonnable de critiquer le « racisme d’État » français, la loi sur le voile de 2004 et Charlie Hebdo. Sous pression, le secrétaire d’État chargé du numérique cède et l’écarte quarante-huit heures après sa nomination. Par solidarité, la présidente et la plupart des membres du CnNum démissionnent le 19 décembre. Comme une pièce dans un juke-box, l’affaire relance le tube du débat public, « Ma laïcité contre ton communautarisme », sur lequel politiques et polémistes se dandinent infatigablement depuis le début des années 1990. Aux crépitements des tweets s’ajoutent des articles, des pétitions et même un éditorial du New York Times (28 décembre). « L’indépendance du Conseil national du numérique n’est pas négociable », préviennent une brochette de journalistes, d’intellectuels et de militants classés à gauche, tous décidés à entrer en « résistance » (Libération.fr, 20 décembre). »

Pour Benoît Bréville, l’intégration devient à tort une obsession : « Dans l’incessant débat sur l’intégration des personnes d’origine arabe et africaine, certains prétendent que les Italiens, les Portugais, les Polonais étaient « moins différents » et s’assimilaient donc sans trop d’encombre. En faisant de cette question un enjeu essentiellement culturel, cette lecture néglige les leçons prodiguées par plus d’un siècle d’histoire de l’immigration.

Selon Akram Belkaïd et Olivier Pironet La jeunesse palestinienne ne s’avoue pas vaincue : « La décision de M. Donald Trump de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël, le 6 décembre dernier, a aggravé l’échec du « processus de paix » et provoqué d’importantes manifestations en Cisjordanie et à Gaza. Une contestation durement réprimée par Israël, qui multiplie les incursions militaires et les arrestations. Les jeunes Palestiniens, y compris des mineurs, sont les premiers visés. Nombre d’entre eux rompent avec les formes de militantisme de leurs aînés. »

Pour Bernard Hourcade, “ L’Iran se réinvente en puissance régionale ” : « Dans la guerre froide régionale qui l’oppose à l’Arabie saoudite, l’Iran peut s’appuyer sur un archipel de minorités chiites ou assimilées. La République islamique a su leur apporter un soutien décisif, en particulier pour combattre les djihadistes en Syrie et en Irak. Mais la source de la rivalité entre les deux puissances du Golfe apparaît bien davantage politique qu’ethnique ou religieuse. »

Loïc Ramirez explique pourquoi la construction de la santé publique en Équateur est difficile : « Ces dix dernières années, le pouvoir équatorien a tenté de restaurer le rôle de l’État, en particulier en garantissant à tous les citoyens l’accès aux soins médicaux. Une entreprise ambitieuse, mais parfois maladroite. »

Pour Zhang Zhulin, la Chine joue un double jeu sur les OGM : « Pour la première fois, un riz génétiquement modifié par des chercheurs de Wuhan, en Chine, a été validé par les autorités américaines de contrôle des aliments et des médicaments, le 11 janvier. Toutefois, il ne peut être produit sur le sol chinois. Tel est le paradoxe de Pékin, qui encourage la recherche mais, officiellement, limite la culture, face à une population réticente. »

La Hollande accueille de jeunes agronomes chinois (Jean Pouille) : « Depuis 2008 et le scandale du lait frelaté en Chine, l’Université agronome de Wageningue, aux Pays-Bas, attire nombre d’étudiants chinois passionnés par l’agriculture et l’alimentation. Elle accompagne aussi les industriels néerlandais vers le marché chinois. »

Pour Christian de Brie, l’assistanat est un fléau : « Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, zones franches, exonération de la taxe foncière, facilités comptables, niches et allégements en tous genres : au fil des décennies, les pouvoirs publics ont taillé un environnement fiscal et réglementaire sur mesure pour le patronat, sans aucune contrepartie. L’État-providence fonctionne donc très bien… pour les entreprises. »

Pierre Rimbert nous présente le “ Le Saint Empire économique allemand ” : « La fracture entre l’ouest et l’est de l’Union européenne ne se résume pas à l’opposition entre démocraties libérales et gouvernements autoritaires. Elle reflète une domination économique des grandes puissances sur les pays de l’ancien bloc de l’Est, utilisés comme des réservoirs de main-d’œuvre à bas coût. Dès les années 1990, les industries allemandes délocalisaient en Pologne, en Tchéquie, en Slovaquie et en Hongrie.

Pour Michel Bozon, la transformations de la sexualité n’empêche pas la permanence du sexisme : « Libérée, la parole des femmes a permis de prendre conscience de l’ampleur des violences ou du harcèlement qu’elles subissent au quotidien. Comment expliquer cette prolifération de comportements sexistes alors que les pratiques sexuelles ont, elles, évolué vers plus d’égalité entre les partenaires au cours de ces dernières décennies ? »

Aurélien Bernier décrit les “ batailles commerciales pour éclairer l’Afrique ” : « Fermes éoliennes, barrages, centrales solaires, géothermiques ou nucléaires… Le marché de l’énergie se développe sur tout le continent noir, suscitant la convoitise des géants mondiaux de l’électricité, mais aussi de certaines entreprises africaines. Il est vrai que les besoins sont immenses : près de 650 millions d’habitants n’ont toujours pas accès à l’électricité. »

Selon Anne-Cécile Robert, “ l’ordre international est piétiné par ses garants ” : « En violant les résolutions des Nations unies sur Jérusalem, les États-Unis illustrent l’un des dangers majeurs de la géopolitique actuelle : l’affaiblissement des fondements de la légalité internationale, née en 1945 d’une certaine idée de la civilisation. Alors que la fin de la guerre froide offrait l’occasion de réaffirmer une règle commune, les Occidentaux ont poussé leur avantage et donné le mauvais exemple. »

Selon François Carrel, les Alpins ne veulent plus des Jeux d’hiver : « À l’heure où les XXIIIe Jeux olympiques d’hiver s’ouvrent à Pyeongchang, en Corée du Sud, l’organisation d’une telle manifestation dans les Alpes ne paraît plus envisageable. Lorsqu’elles sont consultées par référendum, les populations des régions concernées refusent de sacrifier l’environnement et les deniers publics à un événement éphémère qui banalise la montagne. »

Pour David Garcia, les pertes sont publiques et les gains sont privés à Athènes : « Ville symbole des Jeux olympiques, Athènes a vu affluer en août 2004, pour les Jeux d’été, plus de 10 000 athlètes représentant 201 nations. L’organisation de cet événement, avec son lot de constructions inutiles, a contribué à plomber les finances publiques de la Grèce et a aggravé l’engrenage de la dette. Treize ans après, le bilan est accablant. Mais pas pour tout le monde... »

Philippe Person revient sur l’admirable figure de Jean Rouch, le « griot gaulois » : « Pour être au plus près de ceux qu’il choisissait de filmer, Jean Rouch (1917-2004) se donna les moyens de tourner en toute liberté. Il bricola son matériel, se passa de fonds privés, refusa de s’en tenir à la séparation entre documentaire et fiction, et inventa ainsi le cinéma direct et les ethno-fictions. Intrépide et joyeux, il abattit des frontières. »

Pour Thomas Frank, Harvey Weinstein était un homme de gauche à la sauce américaine : « Quand l’affaire Harvey Weinstein a fait irruption à la « une » des journaux, je n’avais jamais entendu parler de ce personnage. Sans doute étais-je le seul journaliste des États-Unis à faire preuve d’une ignorance aussi complète. Qui était donc ce producteur de cinéma accusé d’avoir agressé sexuellement un nombre incalculable de femmes ? En commençant à me documenter, j’ai découvert que, à une époque pas si lointaine, il était réputé pour un tout autre motif : sa relation intime avec le Parti démocrate et son soutien généreux à une variété de personnalités et de bonnes causes classées comme progressistes. Longtemps, il fut même considéré comme un adversaire intraitable du racisme, du sexisme et de la censure. On lui doit, par exemple, quantité de soirées fastueuses destinées à recueillir des fonds pour la lutte contre le VIH-sida. En 2004, il avait apporté son soutien à un groupe de femmes baptisé « les mères opposées à Bush ». Dans la foulée de l’attaque terroriste contre le journal français Charlie Hebdo, il brandit haut le flambeau de la liberté d’expression : « Personne ne pourra jamais détruire la capacité des grands artistes à dépeindre notre monde », proclamait-il le 11 janvier 2015 dans les pages du magazine Variety. »

PS : En cadeau, et à propos d’assistanat, un petit bilan de la trésorerie du groupe Carrefour qui envisage de licencier des milliers de travailleurs. On appréciera ce que les contribuables français offrent chaque année aux familles Fournier et Defforey. Pendant ce temps, des présidents d’universités demandent aux personnels de se serrer la ceinture car il faut être réaliste et c’est pire en Zambie ...

En illustration Jean Rouch.

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