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Le Monde Diplomatique (avril 2018)

Pour Theresa May, Poutine est capable de tuer, donc il est coupable (Serge Halimi) : « La police estime que l’enquête prendra « de nombreux mois »,mais la première ministre britannique Theresa May a déjà identifié le coupable : l’ordre de tuer M. Sergueï Skripal serait venu du Kremlin. Pour le ministre des affaires étrangères Boris Johnson, le « comportement dangereux du président Vladimir Poutine » constitue en effet le « fil rouge »rattachant la tentative d’empoisonnement de l’ancien colonel des services de renseignement russes réfugié au Royaume-Uni à tous les forfaits antérieurs de Moscou : « l’annexion de la Crimée », « les cyberattaques en Ukraine », « le piratage du Bundestag », « l’ingérence dans plusieurs élections européennes », « l’indulgence envers les atrocités perpétrées par Assad en Syrie ».

Allan Popelard et Paul Vannier observent une renaissance des travaillistes au Royaume-Uni : « Un pays où les divisions caractériseraient avant tout le camp conservateur ? Où la gauche susciterait l’enthousiasme des foules ? Où l’espoir de nouvelles conquêtes électriserait les progressistes ? Ce pays existe : il s’agit du Royaume-Uni, depuis que l’élection de M. Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste, en 2015, a permis une refondation de la gauche à l’intérieur même du parti social-démocrate traditionnel. »

Les fonctionnaires, voilà l’ennemi, analyse Anicet Le Pors : « Propageant la plus grande confusion entre rentabilité à des fins particulières et efficacité au bénéfice de tous, le gouvernement français veut délégitimer un peu plus l’État social, qui fut pourtant gage d’émancipation pour de nombreuses générations. Après avoir multiplié les cadeaux fiscaux aux vrais privilégiés, il tente de dévier l’attention sur la fonction publique. »

Il paraît que les petites lignes de chemin de fer coûtent trop cher (Benoît Duteurtre) : « Opposer usagers et salariés des chemins de fer n’a guère de sens quand tous vivent la dégradation du service au nom d’un désengagement public que le gouvernement veut renforcer. Et que penser des proclamations sur la sauvegarde du climat quand on torpille le rail en faveur de la route ? »

Refonder plutôt que réformer, demande Pierre Rimbert : « C’est une bataille ritualisée entre des adversaires inégaux. Elle commence toujours ainsi : au nom de la modernité, un gouvernement impose la mutilation du système d’intérêt général créé après-guerre comme un point d’appui pour des conquêtes à venir : le régime général de la Sécurité sociale, les retraites, le statut des fonctionnaires, le secteur nationalisé où les salariés échappent à l’arbitraire du « marché du travail ». Aussitôt, les dirigeants éditoriaux déploient la « pédagogie de la réforme ». La déréglementation serait « inéluctable » puisque nécessaire (ou l’inverse) ; sans appel, car révélatrice du « courage politique » d’un exécutif décidé à contourner le Parlement ; « juste », car pensée pour araser les « privilèges » de ceux qui travaillent dans des conditions un peu moins précaires que les autres. Écrit lors de la réforme de la Sécurité sociale lancée par M. Alain Juppé en novembre 1995, ce scénario réserve aux opposants un rôle bien encadré et tout aussi rituel. Montrer que les « privilèges » ne se situent pas précisément où le gouvernement les désigne, contrer la crécelle médiatique et… défendre les services publics. »

Pour Emilien Ruiz, la diminution du nombre de fonctionnaires est une vieille histoire : « Depuis deux siècles, des dirigeants de toutes tendances politiques ont réclamé la diminution du nombre d’agents de l’État. Pour des raisons parfois diamétralement opposées.En déclarant vouloir supprimer 120 000 postes de fonctionnaires en cinq ans, M. Emmanuel Macron ne donne guère dans l’originalité. La dénonciation du poids de l’État et du nombre de ses employés est depuis plus de deux siècles un leitmotiv repris, selon les périodes, par des acteurs dont les convictions traversent tout le spectre politique. Si cette diversité peut aujourd’hui paraître étonnante, elle s’explique aisément : davantage que leur nombre, c’est souvent ce que les fonctionnaires symbolisent qui est critiqué. »

Annabelle Allouch voit « Les étudiants livrés au marché de l’anxiété. La réforme du baccalauréat et l’instauration de critères de sélection à l’entrée des universités bouleversent l’articulation entre enseignements secondaire et supérieur. Dès la classe de seconde, les élèves sont désormais sommés de se projeter dans l’avenir, au risque de prendre la mauvaise voie. »

Nous sommes désormais dans L’ère du fichage généralisé (François Pellegrini et André Vitalis ) : « Au nom de la lutte contre l’usurpation d’identité (quelques centaines chaque année), le gouvernement français a autorisé en 2016 la création d’un mégafichier regroupant les données, notamment biométriques, de tous les titulaires d’une carte d’identité ou d’un passeport. Passée inaperçue dans le contexte sécuritaire actuel, cette décision ne pourrait que servir un éventuel régime autoritaire. »

En Turquie, le président Erdoğan s’aligne sur l’extrême droite (Akram Belkaïd) : « Le 19 mars, l’armée turque a pris la ville syrienne d’Afrin, tenue depuis 2012 par les troupes arabo-kurdes des Unités de protection du peuple (YPG). Cette victoire galvanise la propagande guerrière d’Ankara, qui menace d’étendre ses opérations à l’est de l’Euphrate. Allié à l’extrême droite, M. Recep Tayyip Erdoğan, qui prépare sa réélection en 2019, s’en prend à ses partenaires occidentaux.

Que se passe-t-il en Turquie dès qu’on frappe à la porte ? (Pierre Puchot) : « Vingt et un mois après la tentative de coup d’État organisée par une fraction de l’armée, 115 000 personnes ont été mises au ban de la société. Certaines sont mortes en prison ; d’autres vivent avec le souvenir des tortures, dans l’attente d’être condamnées à de lourdes peines. La cassure au sein de la société est immense, et les victimes font aujourd’hui figure de parias. »

Ni droite ni gauche… ni centre en Italie (Luca Manucci) : « Les élections législatives du 4 mars ont plongé l’Italie dans une période d’incertitude. Deux formations autoproclamées « antisystème » sont sorties en tête des urnes et revendiquent le pouvoir, mais aucune ne dispose d’une majorité pour gouverner. Devenu en quelques années le premier parti du pays, le Mouvement 5 étoiles fait figure d’ovni dans le paysage politique transalpin et européen. »

À Fukushima, une catastrophe banalisée (Philippe Pataud Célérier ) : « Séisme, tsunami, puis fusion de trois réacteurs nucléaires : le Japon reste meurtri par l’enchaînement de catastrophes de mars 2011. Si, sur le moment, l’essentiel des victimes et des dégâts matériels ont été dus à la vague d’eau, les conséquences humaines et économiques de la faillite de la sécurité à la centrale de Fukushima seront profondes et durables. »

Le régime tchétchène se prévaut de l’islam pour mieux réprimer (Anne Le Huérou et Aude Merlin ) : « Après avoir perdu deux guerres contre l’armée russe, le maquis tchétchène compte aujourd’hui une majorité de djihadistes. En réponse, le pouvoir local, allié de Moscou, exalte la tradition soufie et la polygamie. Cette manipulation de la religion n’a pas empêché la recrudescence des attentats. Au grand dam du Kremlin, qui a installé ce régime afin qu’il maintienne l’ordre. »

La Tchétchénie, ce pays où les homosexuels sont considérés comme des terrorisres (Arthur Clech) : « Fichage par les services de sécurité, chantage, assassinats, incarcération dans des prisons secrètes et tortures : en Tchétchénie, les homosexuels courent des risques encore plus grands que dans le reste de la Russie, où la loi de 2013 contre la « propagande des relations non traditionnelles auprès des mineurs » a encore réduit l’accès à l’espace public des quelques associations de défense des lesbiennes, gays, bisexuels et trans (LGBT) qui existent dans le pays. La situation tchétchène concentre un ensemble de facteurs qui expliquent le degré de violence inouï exercé contre les hommes qui ont des pratiques homosexuelles ou qui sont soupçonnés d’en avoir. Pour échapper à une répression qui, avant les purges étatiques, s’exerce au sein même des familles, des femmes qui dérogent à l’injonction au mariage et cherchent à vivre leur homosexualité sont amenées à quitter la République. »

En Amérique latine, on recherche des percepteurs, désespérément (Bernard Duterme) : « De droite comme de gauche, les gouvernements latino-américains acceptent depuis longtemps de conditionner leurs politiques sociales au maintien d’un verrou fiscal. Lorsque l’économie est florissante, des marges de manœuvre apparaissent néanmoins. Lorsque la récession menace, et que la pauvreté repart à la hausse, les caisses sont vides. Et si l’audace débutait par l’impôt ? »

Sylvie Laurent revient sur le dernier combat de Martin Luther King : « Le 4 avril 1968, Martin Luther King était assassiné à Memphis par un partisan de la ségrégation raciale. Cinquante ans plus tard, l’histoire officielle retient l’image du pasteur noir luttant pour les droits civiques, du patriote œuvrant pour la réconciliation nationale. Mais elle passe sous silence des pans entiers d’une vie consacrée à l’égalité sous toutes ses formes. »

Benjamin Cunningham analyse les effets pervers de la lutte anticorruption en Europe centrale : « Assassinat d’un journaliste trop curieux en Slovaquie, nouveau premier ministre tchèque et chef du Parlement roumain poursuivis pour détournement de fonds : l’Europe centrale et orientale semble accablée par la corruption. Pourtant, pots-de-vin et trafics d’influence ne seraient pas moindres ailleurs sur le continent, selon certains travaux. La focalisation sur ces pays n’est pas sans conséquences politiques. »

Pour François Misser, L’Église congolaise est contre Kabila : « Depuis le 31 décembre 2017, les manifestations de militants catholiques se multiplient en République démocratique du Congo. Ils réclament la tenue d’élections libres avant fin 2018. Le pouvoir réplique violemment : au moins une vingtaine de morts (difficiles à dénombrer précisément), des arrestations arbitraires et des lieux de culte profanés. »

À quoi sert Spinoza, demande Evelyne Pieillier ? « L’expression « passions tristes » s’est si largement répandue qu’on ne sait plus toujours qu’elle est empruntée à Spinoza. Cette popularisation d’un philosophe exigeant s’est fortement accentuée ces dernières années. Les analyses et commentaires qui en sont faits, hier comme aujourd’hui, s’inscrivent dans une lecture des enjeux politiques du moment. »

Marion Deniau revient sur la crise immobilière irlandaise : « Irlande, des bulles dans le béton. Peu de pays ont été aussi sévèrement touchés par la crise de 2008 que la République d’Irlande. L’éclatement de la bulle immobilière avait précipité le déficit budgétaire au-delà de la barre des 30 % en 2010 — du jamais-vu. Quelques années plus tard, une nouvelle flambée des prix de la pierre enthousiasme les uns et effraie les autres. »

Les friches, vernis sur la rouille, demande Antoine Calvino ? « Il n’y aura sans doute bientôt plus de terrains vagues dans les grandes villes, et pas davantage de lieux désaffectés, refuges des enfants, des errants sans toit, des artistes à la recherche d’un local même ouvert à tous les vents : l’« urbanisme transitoire » se charge de les transformer en sites consacrés à la culture et à l’économie sociale et solidaire. Une entreprise plus ambiguë qu’il n’y paraît. »

Stéphane Beau dresse le portrait d’une famille algérienne en France : « Juste après la découverte de l’identité probable du tireur du Musée juif de Belgique, le 24 mai 2014 à Bruxelles, et le dévoilement par la presse internationale de son nom arabe (Mehdi Nemmouche), de sa nationalité française, de son statut de « djihadiste » et de sa photographie, Mmes Samira Belhoumi, 43 ans, cadre de formation en santé, et Leïla Belhoumi. 40 ans, chargée de projet en insertion professionnelle, deux sœurs aînées d’une famille algérienne immigrée en France, s’envoient une série de textos. Samira : « Encore un Algérien dingo ! Ils font chier ces connards ! » Leïla : « Grave... Ils vont tous nous cataloguer ! »Samira : « Ça va être encore plus difficile pour nous et nos enfants… » Leïla : « Malheureusement de plus en plus de tarés parmi nos congénères... » Samira : « Ça, on le savait déjà... Mais le passage à l’acte, ça fait peur… »

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Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
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La différence entre l’homme politique et l’homme d’État est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération.

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