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Le Monde Diplomatique, août 2017

Jusques à quand, demande Serge Halimi, une infime minorité d’humains possèderont-ils la quasi-totalité des richesse ?

À 100 °C, l’eau bout, c’est certain. Mais mieux vaut ne pas attendre que la vie des sociétés se plie aux lois de la physique. Certes, 1% de la population s’attribue la majorité des richesses produites sur Terre ; cela ne fait pas pour autant des 99 % qui restent un groupe social solidaire, encore moins une force politique en ébullition.
En 2011, le mouvement Occupy Wall Street s’est construit autour d’une idée, d’un slogan : « Nous avons en commun d’être les 99 % qui ne tolèrent plus l’avidité et la corruption des 1 % restants. » Diverses études venaient d’établir que la quasi-totalité des gains de la reprise économique avaient profité aux 1 % d’Américains les plus riches. Ce ne fut ni une aberration historique ni une particularité nationale. Un peu partout, un tel résultat n’a cessé d’être conforté par des politiques gouvernementales. Les projets fiscaux du président français Emmanuel Macron, par exemple, auront pour principaux bénéficiaires « les 280 000 ménages les plus riches, le dernier centile (...) dont le patrimoine est surtout constitué de placements financiers et de parts d’entreprise ».

Kevin Limonier explique que l’Internet russe vient de loin :

Interrogé par le réalisateur Oliver Stone sur les technologies de surveillance américaines, le président russe Vladimir Poutine a expliqué : « Il a fallu combler notre retard sur le reste du monde, mais nous avions des bases solides. » L’Union soviétique a en effet développé après la seconde guerre mondiale ses propres systèmes informatiques. La Russie cultive depuis une forme originale de souveraineté numérique.

Benoît Bréville déplore que l’air conditionné se soit lancé à l’assaut de la planète :
Qui n’a jamais rêvé, quand la chaleur devient étouffante, de brancher le climatiseur pour profiter d’une brise de fraîcheur ? Alimentée par les canicules à répétition, cette tentation n’a rien d’anodin : l’air conditionné change les modes de vie des pays où il s’implante.

Dominique Pinsolle dénonce la manière dont les journalistes interviewait Adolf Hitler :
L’histoire des médias a ses mythes. Celui du grand reporter toujours prêt à défier les puissants y occupe une place de choix. La réalité s’avère souvent moins romantique, surtout lorsqu’on se penche sur les années 1930. Les conditions dans lesquelles Adolf Hitler a été interviewé avant la guerre à plusieurs reprises par des envoyés spéciaux français révèlent le degré de servilité d’une certaine presse.

Razmig Keucheyan relie les trois crises qui menacent le monde :

Il y a dix ans éclatait la crise financière la plus grave depuis 1929. Les banquiers ont repris leurs affaires habituelles, mais l’onde de choc continue de se propager. Elle a rendu caducs certains modèles de croissance et provoqué un discrédit massif du monde politique. À ces deux crises s’ajoute celle, écologique, qui menace la planète elle-même. Comment les pensées critiques articulent-elles ces trois dimensions ?

Belle évocation des jolies grèves du mois d’août par Michel Pigenet :

Habilité par l’Assemblée nationale à légiférer par ordonnances, le gouvernement de M. Édouard Philippe aimerait boucler sa réforme du code du travail en plein mois d’août : un salarié en vacances ne risque guère de se mobiliser… En 1953, le président du Conseil Joseph Laniel avait déjà tablé sur cette stratégie. Déjouant tous ses pronostics, la réponse des fonctionnaires provoqua une pagaille estivale inédite.

Pour Pierre Souchon, le maire de Sarcelles gère contre ses administrés :

Dans une circonscription populaire comme celle de Sarcelles, 68 % des électeurs se sont abstenus lors des élections législatives françaises de juin dernier. Depuis longtemps, la politique, avec ses projets concurrents, a été remplacée par un clientélisme municipal teinté d’hostilité envers les initiatives des habitants. Les propos creux sur le vivre-ensemble cherchent à dissimuler la mise en concurrence des « communautés » nationales et religieuses.

Pierre Daum explique pourquoi la mémoire est interdite en Algérie :

Au milieu de la « décennie noire » des années 1990 — particulièrement durant l’été 1997 —, plusieurs massacres de population ont endeuillé l’Algérie, déjà dévastée par les affrontements entre forces de l’ordre et groupes islamistes armés. Les lois d’amnistie et la volonté des autorités d’étouffer le souvenir de ces épisodes sanglants empêchent aujourd’hui tout un peuple de panser ses plaies.

Qui a tué Samora Machel, demande Augusta Conchiglia ? :

Alors que le Mozambique, secoué par des scandales, fragilisé par la chute du prix des matières premières, traverse l’une des plus graves crises de son histoire, la mort mystérieuse du président Samora Machel, survenue en 1986, hante le débat public. Avec le temps, les langues se délient ; la vérité commence à émerger. Et un faisceau d’indices désigne le gouvernement d’apartheid de l’Afrique du Sud.

Se marier au Tadjikistan coûte de plus en plus cher (Juliette Cleuziou et Isabelle Ohayon) :

En Asie centrale postsoviétique, la profusion inédite de liquidités et l’accès à de nouveaux produits de consommation ont renchéri le coût des mariages. Les premières victimes en sont les couches populaires, qui doivent s’endetter pour assumer l’injonction de dépenser publiquement son argent.

L’islam à l’indonésienne est menacé (Beyer & Martine Bulard ) :

Fière de son image de tolérance, l’Indonésie doit affronter un double péril : la corruption — à la mi-juillet, le président du Parlement est tombé pour ce motif — et la montée de l’intégrisme. Longtemps ignoré, l’islam rigoriste, importé principalement d’Arabie saoudite, fait des ravages. Si le dirigeant de la plus puissante milice fondamentaliste, menacé d’arrestation, a pris la fuite, la devise du pays, « l’unité dans la diversité », est fragilisée.

D’autres alphabets que l’alphabet latin se développent aujourd’hui (Philippe Descamps et Xavier Monthéard) :

Observer la façon dont les Terriens écrivent permet de jeter un autre regard sur la mondialisation, ses ressorts dans le temps long. Si l’alphabet latin rayonne, les écritures concurrentes progressent encore par le nombre de leurs usagers.
À l’échelle de l’humanité, l’écrit apparaît très récent : les tablettes pictographiques sumériennes d’Ourouk — le plus ancien témoignage d’écriture connu — furent gravées il y a seulement cinq mille trois cents ans. Depuis bien longtemps, l’expression orale, immémoriale, s’était raffinée et stratifiée dans des milliers de langues, de dialectes et de parlers, dont l’essentiel nous restera inconnu. Les systèmes d’écriture ne témoignent que d’une infime partie des mots que les humains se sont chuchotés à l’oreille ou jetés à la figure. Mais les écrits restent…

En Arizona, écrit Maxime Robin, le mur de Donald Trump existe déjà :

À en croire M. Donald Trump, la frontière américano-mexicaine serait une passoire que seule la construction d’un « grand et beau mur », long de 3 200 kilomètres, pourrait obstruer. Les États-Unis n’ont pourtant pas attendu leur nouveau président pour traquer les migrants clandestins. En Arizona, le désert, les patrouilles de police et les milices citoyennes les tiennent en échec.

Le Buenos Aires Express sifflera-t-il un jour, demande Guillaume Beaulande ? :

Curieux paradoxe que celui du chemin de fer en Amérique latine : initialement asservi aux besoins des métropoles européennes avides de matières premières, il incarne désormais la perspective d’une nouvelle forme de souveraineté nationale à travers l’intégration des territoires. Reste à le remettre en état, après de longues phases de gestion privée synonymes de détérioration des équipements, comme en Argentine.

Sophie Eustache et Jessica Trochet s’intéressent aux dizaines de sites d’info-divertissement qui se sont développés ces dernières années :

La grande crise de la presse ouverte dans les années 2010 s’achève, du moins sur le plan économique. D’un côté, les groupes traditionnels qui ont misé sur l’information payante en ligne et les abonnements renouent avec les bénéfices. De l’autre ont émergé des dizaines de sites d’info-divertissement entièrement dépendants de la publicité — et donc du nombre de pages vues.

En quoi Aristophane était-il intrépide (Agathe Mélinand) ? :

Il y a quelque deux mille cinq cents ans, sous ce même ciel qui aujourd’hui voit son pays vendu à la découpe, un poète grec truculent et irrévérencieux attendait anxieusement de découvrir l’accueil réservé à ses « Oiseaux » : Aristophane, né dans un siècle à la fois brillant et belliqueux.

Derrière le tissu bleu à douze étoiles dorées de l’Union européenne, une europe qui n’est plus européenne (Régis Debray) :

Cette grande espérance, au départ, avait tout pour elle. Saint Thomas et Victor Hugo, un heureux mélange d’inspiration chrétienne et d’anticipations humanitaires, de générosités et de vraisemblances. Ainsi de la marche inexorable vers l’unification des nations dans une gouvernance globale, comme naguère des régions dans les États-nations, ou encore de fortes et simplistes certitudes comme « L’union fait la force ». À quoi s’ajoutait, pour le soussigné, l’ombre portée de l’Européen Paul Valéry. Sans doute « l’Europe possible » qu’il avait appelée de ses vœux ne coïncidait pas avec l’Union européenne. Ce n’était pas une résurgence due au Saint Empire romain germanique, mais l’Europe d’Albert Camus et de la « pensée de midi » : méditerranéenne et solaire, de patine catholique, devenue humaniste sur le tard, quoique plus proche de Rome que de Francfort. Elle commençait à Alger, passait par Alexandrie, allait à Beyrouth, faisait halte à Athènes, poussait une pointe vers Istanbul et remontait vers le nord, par la Botte italienne et la péninsule Ibérique. Autant dire qu’elle attachait au langage, à la géométrie et aux créations de l’imaginaire le même rôle stratégique que nous à l’indice Dow Jones et au taux d’imposition des entreprises.

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Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
Bernard GENSANE
Ce très beau livre, qui montre à quel point le cyclisme relève du génie populaire et comment il a pu devenir une « province naturelle de la littérature française », me donne l’occasion d’évoquer des ouvrages qui m’ont, ces dernières années, aidé à réfléchir sur la pratique du vélo, sur le cyclisme professionnel et la place du sport dans notre société. Ce n’est pas l’argent qui pourrit le sport (l’argent, en soi, n’est rien), c’est le sport qui pourrit l’argent. La première étape du premier (…)
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