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Le grand pardon et trois idées familières

Un souvenir de jeunesse

Dès la création de S.O.S racisme en 1984, j’ai participé à un débat sur le ’’droit à la différence’’. Je tairai le nom de celui qui a introduit le sujet vu qu’il est décédé et je ne veux pas blesser sa famille. Intervenant à ma manière, c’est-à-dire sans langue de bois, j’ai soutenu les propos suivants : « ma mère m’a fait naître unique au monde et donc je suis différent de tous les autres humains. Je n’ai nul besoin qu’on reconnaissance ma différence. En revanche, découvrir ce que j’ai de commun avec l’autre est enrichissant. C’est cela qu’il faut mettre en avant pour construire un devenir commun. Et c’est ce commun qui sera le bouclier de ma différence. »

On ne m’a pas rit au nez mais presque. En tout cas mon propos ne rentrait nullement dans les calculs politiciens des tenants de la morale qui se veut politique. Deux décennies plus tard, je sais que j’avais raison. Ceux-là même qui ont inspiré et animé SOS racisme, renient, aujourd’hui, leur œuvre, en pleurant sur ce qu’est devenue la France avec son « Identité malheureuse » (1). Évidemment, une identité collective ne se construit pas sur des niaiseries du genre le ’’vivre-ensemble’’, le ’’droit à la différence’’ et que sais-je encore. Des concepts, produits de cerveaux hautement diplômés peut-être, mais pourvus d’un esprit de servitude qui sert à savoir se servir en donnant l’illusion à l’autre qu’on le sert. Pour agir sur le réel, il faut, tout d’abord, l’appréhender tel qu’il est. Mais la servitude volontaire ne voulant pas ou ne pouvant pas maîtriser la réalité telle qu’elle est - et pour cause - théorise la maîtrise.

Pourtant mon propos lors de ce débat n’était que l’expression d’une culture transmise sans chichi et que résume avec humanité et simplicité, le résistant algérien Emir Abdelkader : « ne demandez jamais l’origine d’un homme ; interroger plutôt sa vie, son courage, ses qualités et vous saurez ce qu’il est. Si l’eau puisée dans une rivière est saine, agréable et douce, c’est qu’elle vient d’une source pure. » (2)

Mais je sais qu’on est perdant face aux directeurs de conscience car leur secret est « la vitesse. Ne jamais s’enfoncer dans aucune réalité en particulier et juger de toutes en général, pêle-mêle. » (3)

Mais avant d’aborder le sujet brièvement, je tiens à souligner que c’est en mémoire d’un dirigeant du parti de Ben Barka que je balbutie ces quelques mots.

Omar Ben Jelloun, assassiné par deux intégristes musulmans à Casablanca... Le 12 décembre 1974. C’est pour dire que le combat politique contre l’intégrisme musulman ne date pas d’aujourd’hui. Et il est difficile, ceci d’autant plus qu’il est l’instrument de puissances financières, idéologiques et militaires. Aussi certains signataires du "manifeste contre le nouvel antisémitisme" sont très mal placés pour donner des leçons. Bref, ce n’est pas moi qui ai dîné à Benghazi et à Paris avec le libyen Abdelhakim Belhadj, soupçonné par le premier ministre espagnol Aznar d’être le commanditaire de l’attentat de la gare d’Atocha, le 11 mars 2004…

Evidemment, une création peut échapper à ses créateurs avec toutes les dérives qu’on connaît…

Dont l’antisémitisme !

Le dénoncer et le combattre en tant que citoyen français est une évidence. J’ajouterai : ceci d’autant plus que l’État d’Israël s’en sert pour délégitimer la cause du peuple palestinien…

Alors pourquoi ce manifeste contre ce nouvel antisémitisme, dans une atmosphère sociétale nauséabonde et un climat internationale explosif ?

Ce manifeste a une double fonction : relativiser, « l’ancien », si j’ose dire et les conditions sociologiques et politiques s’y prêtant, alimenter un « nouveau racisme ». Autrement dit, verser de l’huile sur le feu, déguisé en sapeur pompier. Découle un corollaire évident, dans un climat géopolitique explosif, toute critique politique contre l’État d’Israël est suspicieuse.

C’est pourquoi, dans cette « Identité malheureuse » : « Je ne suis pas Charlie » (4) et je ne signe pas la pétition contre le nouvel antisémitisme

Pour ceux qui s’intéresseraient aux pourquoi de ’’Je ne suis pas Charlie’’, je les invite à lire l’article publié sur le site Le grand Soir. Quant au ’’non à cette pétition’’, le sociologue Michel Wieviorka exprime avec clarté une partie de ce que je pense dans « le grand pardon ». (journal Libération 25/04/ 2018))

J’ajouterai de ma modeste place, trois idées familières.

1°) Une remarque

A ma connaissance, il n’y a pas de Prêtre de la République, comme d’ailleurs il n’y a pas de Rabbin de la République. Et ceci pour une raison simple, il n’y a qu’une République, celle des citoyens... Sans servitude volontaire ?

Je rappelle cette évidence parce que « l’intellectuel faussaire » (5), a accordé le titre ’’Imam de la République’’ à Hassan Chalghoumi, un imposteur, signataire de la pétition contre le nouvel antisémitisme...

2°) Un deuxième souvenir

Nous sommes à Jérusalem-Est, fin décembre 2000, dans le camp de réfugiés de Chaoufat. Rassemblés pour empêcher la démolition d’une maison sur ordre des autorités israéliennes. Dans ce nous, le rabbin Akerman et l’anthropologue Jeff Halper. Plus loin, sur les collines surplombant Hébron, une colonie où des colons juifs intégristes dont le pays d’origine est la France, mènent quotidiennement la vie dure aux palestiniens de Hébron, et particulièrement dans une rue commerçante, presque désertée. Je ne parle pas du mitraillage au nom du judaïsme de paysans palestiniens vivant dans les alentours d’Hébron et de Jérusalem.

Mais ni le responsable palestinien du rassemblement, ni aucun palestinien n’ont eu l’idée d’interpeller le rabbin Akerman pour « réformer » la Thora ou l’Ancien Testament. Cela aurait été une insulte adressée non seulement au rabbin Akerman mais à tous les juifs. C’est un pas que ne peut franchir un être digne. C’est un principe. Parce que ce combat appartient à ceux qui « vivent » à « l’intérieur » de la Synagogue. De même pour la Bible et l’Eglise, le Coran et la Mosquée...

J’ai bu un café chez le rabbin Akerman à Jérusalem-Ouest, on a discuté sur ce qui unit. Lui, en tant que rabbin, moi simple citoyen. Et... « Sous la direction de la Raison, nous rechercherons de deux biens le plus grand, et de deux maux le moindre. » (6)

3°) L’invitation

Enfin, pour terminer, à ceux qui, du haut de l’autel médiatique, ont osé enfreindre le principe mentionné ci-dessus, je leur conseille de lire ou relire attentivement l’Ethique de Spinoza. Et puisqu’ils représentent la conscience universelle, contrairement au recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, sans colère et en toute cohérence avec ce que j’ai affirmé tout au long de mon balbutiement, je les invite à se convertir à l’Islam pour mener le combat avec celles et ceux qui le mènent depuis longtemps...

Mohamed El Bachir

(1) Alain Finkielkraut : L’identité malheureuse. Edition Stock

(2) Bruno Etienne et françois Pouillon : Découvertes Gallimard-Institut du Monde Arabe

(3) Régis Debray : modeste contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième anniversaire. Edition françois Maspéro

(4) https://www.legrandsoir.info/bas-les-masques-je-ne-suis-pas-charlie.html

(5) Pascal Boniface : Les intellectuels faussaires. Le triomphe médiatique des experts en mensonge. Edition POCKET

(6) Spinoza : L’Ethique. Edition Folio.


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Désobéir : le petit manuel, de Xavier Renou
"Celui qui n’essaie pas, et celui-là seul, a déjà perdu." On a tous déjà manifesté des dizaines de fois. On a tous signé des centaines de pétitions. Mais combien sommes-nous à nous être demandés, lucidement, sans faux-semblant, ce qu’il en était de l’efficacité, et donc, de la pertinence, de nos moyens d’actions traditionnels ? Combien sommes-nous à nous réfugier dans une espèce de pensée magique chaque fois que nous sommes en colère, en nous habituant à considérer nos modes de (…)
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Honte à tous ceux à gauche qui ont tourné le dos à Assange. J’ai vu ce que vous avez fait, bande d’enfoirés.

Daniel Fooks

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