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6èmes Journées cubaines contre l’homophobie-Granma.

Le foyer, c’est l’amour, le respect et l’inclusion

Dans le cadre de la 6e Journée cubaine contre l’homophobie, qui se déroule du 7 au 17 mai, Mariela Castro Espin, directrice du Centre national d’Éducation sexuelle (Cenesex) a livré ses impressions à notre journal - Granma

MARIELA Castro Espin est favorable au dialogue. Elle s’exprime avec douceur et n’a pas besoin d’élever la voix pour convaincre. Son prestige n’est pas un héritage, mais le fruit de son combat contre la discrimination, et en faveur du droit à la diversité sexuelle et de l’identité de genre à Cuba.

Directrice du Cenesex et de la revue Sexologie et Société, licenciée en Éducation dans la spécialité de psychologie et de pédagogie, et master en sexualité, elle a obtenu le prix Eureka pour l’excellence scientifique en 2012.

Depuis 2008, le 17 mai, à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, des activités sont organisées à l’initiative du Centre qu’elle préside. « Nous ne faisons pas la promotion de modes mais d’une idéologie révolutionnaire, d’égalité et d’équité sociale au sein du processus socialiste cubain », affirme Mariela Castro.

Cette année, les Journées sont consacrées à la famille cubaine, avec comme slogan : Le foyer, c’est l’amour, le respect et l’inclusion. Pour une famille sans homophobie et sans transphobie.

Quelles sont les nouveautés de cette 6e Journée contre l’homophobie ?

Pour la première fois, l’Institut national du Sport, de l’Éducation physique et des loisirs (INDER) nous honore de sa participation. Historiquement, dans le monde entier, le sport a été un espace d’exclusion, fondé sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Cependant, au cours du dialogue que nous avons eu avec les autorités sportives, nous avons pu constater qu’elles étaient déterminées à empêcher toute discrimination. Cela ne signifie pas que celles-ci aient complètement disparu, mais les responsables sportifs se sont engagés à veiller à ce problème dans le cadre de la politique de l’INDER. Par ailleurs, l’Institut faisait partie du Comité d’organisation de ces Journées. Le 25 mai, la Cité sportive de La Havane accueillera le premier festival contre l’homophobie. Le fait que le sport cubain nous accompagne dans cette bataille, qui fait partie de la lutte pour l’égalité et l’équité sociale, est une grande nouveauté.

Quels autres types d’activités sont proposées ?

Nous réalisons des activités aussi bien universitaires qu’artistiques. Par exemple, le Centre national de Prévention des MST/VIH/SIDA est un de ceux qui mènent le plus d’actions. L’UNEAC a également un programme intéressant, avec des débats, des expositions de photos. Cette année, nous fêtons le 5e anniversaire du ciné-club Différent, qui se déroule au cinéma 23 y12, avec le critique et réalisateur Frank Padron.

Le ministère de la Santé publique, auquel appartient le Cenesex, sélectionne chaque année une province, en dehors de La Havane, pour réaliser les activités principales. À cette occasion, c’est la ville de Ciego de Avila qui a été choisie. Il s’agit d’un encouragement et d’une façon de soutenir le travail qui s’effectue dans la promotion de la santé et dans les batailles pour les droits sexuels.

Depuis deux ans, une célébration œcuménique a lieu au Pavillon Cuba, coordonnée par le Centre Martin Luther King Jr. Nous souhaitons ainsi inviter les pratiquants de la religion chrétienne à se joindre à cette bataille contre la discrimination.

À signaler le samedi 11 mai, une conga de plusieurs centaines de personnes, portant affiches et messages contre la discrimination, qui ont défilé joyeusement de la cascade de la rue 23, dans le quartier du Vedado jusqu’au Pavillon Cuba.

Ces journées reçoivent-elle le soutien du gouvernement ?

Certainement. Nous avons présenté notre proposition de programme préliminaire d’abord au Parti et au Gouvernement, aussi bien à La Havane qu’à Ciego de Avila. La lutte contre toute forme de discrimination, y compris l’orientation sexuelle et l’identité de genre a été un des objectifs de la 1ère Conférence nationale du Parti en janvier 2012. Le fait que celui-ci ait proposé cet objectif représente un saut qualitatif très important franchi par la Révolution dans le cadre du combat pour l’égalité sociale. C’est pourquoi aussi bien des organismes de l’administration centrale de l’État que des organisations civiles participent à ces journées.

Percevez-vous une augmentation de la participation ?

La présence de la population a augmenté d’année en année. Ce ne sont pas seulement des personnes gays, lesbiennes ou transsexuelles ; il y a également des hétérosexuels, des familles, des enfants, et des adolescents. Nous ne faisons rien d’irrespectueux. Nous avons veillé à ce que tous les espaces que nous mettons en place facilitent l’inclusion et que nul ne se sente mal à l’aise par ce que nous présentons.

Lorsque nous luttons pour les droits de la personne gay, lesbienne ou transsexuelle, nous ne privons d’aucun droit les personnes hétérosexuelles. Pour encourager une réflexion dans ce sens, nous avons adopté une stratégie éducative et de communication permettant de transmettre ces messages à la population.

Considérez-vous que l’homophobie prédomine à Cuba ?

Il s’agit d’un problème dans le monde entier. Nous sommes les héritiers d’une culture espagnole fortement patriarcale, homophobe, et très discriminatoire.

On ne peut éliminer immédiatement une si longue période de préjugés. Mais, va-t-on continuer à reproduire un passé dominateur, exploiteur, un passé qui a inventé des préjugés pour dominer les personnes ? Notre société est une société à la recherche du socialisme ; nous luttons pour articuler des idées révolutionnaires garantissant une société où l’on parvienne à une émancipation véritable de l’être humain.

C’est pourquoi nous devons continuer à travailler, avec le soutien des médias, et en organisant des actions qui invitent à la réflexion. Quand nous parlons d’une stratégie éducative, nous parlons d’une stratégie respectant les principes de la bioéthique, qui invite au dialogue et à la réflexion. Nous ne voulons pas imposer nos critères.

Vous avez évoqué l’un des objectifs de la Conférence du Parti. Comment le travail du Cenesex a-t-il influencé les changements institutionnels concernant la diversité sexuelle ?

Le Cenesex a été l’un des espaces générateur de sous-politiques, à travers des recherches, des réflexions, une analyse visant à encourager des propositions de transformation dans la politique, la société et la culture. Cette institution, avec d’autres acteurs sociaux, a construit progressivement une articulation qui a permis à ces sous-politiques de se traduire en propositions politiques dans le cadre macro-social.

Comment l’homophobie se manifeste-elle aujourd’hui à Cuba ?

Nous enregistrons les manifestations d’homophobie à travers l’espace de consultation juridique créé au sein du Cenesex avec un groupe d’avocats. Ce cabinet fonctionne tous les vendredis. Cependant, compte tenu du taux de fréquentation, nous allons devoir proposer de nouveaux horaires dans la semaine. Nous recevons des personnes qui estiment que leurs droits ont été violés, pour des raisons liées au genre ou à l’identité sexuelle.

D’après nos observations, la famille et le lieu de travail sont des espaces de plus grande vulnérabilité. Tous les problèmes ont reçu une solution par la voie administrative, à travers des lettres que nous adressons au directeur de l’entreprise ou au ministre concerné. Nous recevons toujours des réponses favorables, intéressés par un dialogue avec nos services.

Quelles satisfactions avez-vous retirées de ces Journées et quels sont les défis à venir ?

Ce que nous avons obtenu de plus important, c’est le dialogue. La population discute vraiment de ces questions. Nous recevons de nombreuses lettres de remerciements, des appels téléphoniques, des messages sur notre site interne (http://www.cenesexualidad.sld.cu/). Beaucoup de gens prennent contact avec nous pour nous dire des choses très gratifiantes, telles que :

« Désormais, je suis une meilleure personne » ou « merci pour votre travail. Je ne discrimine plus mes enfants » ou « je n’ai plus peur de l’homosexualité ».

Une des raisons pour lesquelles nous avons dédié ces journées à la famille cubaine, ce n’est pas seulement parce que c’est un des espaces les plus vulnérables, mais parce que c’est une façon de sensibiliser la population, qu’elle comprenne la nécessité pour l’Assemblée nationale de discuter, le moment venu, du nouveau code de la famille qui, pour la première fois, inclura le respect des personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle. Nous n’exerçons pas de pressions, nous cherchons la contribution de la population. Pour garantir des droits, un travail de sensibilisation ne suffit pas, ni la volonté politique, il faut que cette volonté politique s’exprime à travers les lois, et c’est ce que nous prétendons en élaborant ces messages en direction de la famille.

Avez-vous reçu des critiques pour le travail que vous réalisez ?

Beaucoup. Mais les critiques sont toujours des sources d’idées. Les critiques venant de la société cubaine nous permettent de savoir quel langage utiliser, quels éléments nous devons apporter pour que notre message soit compris.

À quel point avoir eu Vilma Espin pour mère vous a-t-il influencé dans votre travail ?

C’est ma mère qui m’a éduquée sur ces questions, et c’est elle aussi qui a commencé ce travail au sein de la Fédération des femmes cubaines. C’est justement en travaillant sur les droits des femmes que se sont ouvertes ces portes pour travailler sur d’autres droits liés au genre, à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre. Lorsque j’étais une adolescente, elle m’emmenait à toutes les activités, à certaines conférences sur l’éducation sexuelle.

J’y ai appris beaucoup de choses qui m’intéressaient, et j’ai compris en même temps que ce n’était pas la façon dont j’aimerais que l’on me les enseigne. Ensuite, j’ai étudié la pédagogie, la psychologie, puis j’ai commencé à réfléchir à la manière de rendre intéressant l’enseignement de ces thèmes et motiver les gens. Je dis que je ne vais pas donner de conférence parce que je vais ennuyer l’auditoire. Je cherche toujours à passer par le biais des arts, du cinéma-débat : c’est plus enrichissant, cela ouvre davantage de possibilités d’apprentissage qu’une leçon ennuyeuse. Dans notre travail nous cherchons toujours cette articulation des langages pour générer le dialogue. C’est ce que nous avons fait jusqu’à présent, gagner progressivement des espaces de dialogue.

»» Granma

NdE : les images sont tirées du film "Cuba : journée contre l’homophobie" (sous-titré en français).


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(Propos rapportés par le New York Times, 27/3/2010).

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