RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Le conte de fée de "la croissance miraculeuse" de l’Allemagne

Tous ces derniers jours les médias et les politiques se sont extasiés sur la "croissance miraculeuse" de l’économie allemande. Le ministre fédéral de l’Economie, Rainer Brüderle parle d’un "boom XL", l’économiste en chef de la Commerzbank parle d’un "conte de fée d’été". La crise, faut-il comprendre, a été surmontée plus rapidement que prévu ; l’économie s’est récupérée et entre maintenant dans une phase d’augmentation des emplois et des salaires.

La raison de ces rapports euphoriques est l’augmentation beaucoup plus grande que prévu du PIB au second trimestre de 2010. Comparé au trimestre précédent l’économie a progressé de 2,2% - la plus importante hausse d’un trimestre sur l’autre depuis la réunification de l’Allemagne en 1990. Les experts pensent que l’économie allemande progressera d’au moins 3% cette année, ce qui est bien supérieur aux prévisions.

Quand on regarde de plus près les données économiques, on s’aperçoit que l’enthousiasme que suscite la "croissance miraculeuse" est purement et simplement de la propagande.

Si l’économie allemande semble croître dans de telles proportions aujourd’hui c’est seulement parce qu’elle s’est complètement effondrée l’an dernier. Selon la Bundesbank, en dépit de la forte croissance "le déclin de la production dû à la crise ne s’est encore compensé que de moitié". En ce qui concerne les exportations, qui sont le principal support de la croissance actuelle, à peine "trois-quarts des pertes dues à la crise ont été récupérées".

La croissance actuelle est surtout le résultat de la vague des exportations vers la Chine qui ont augmenté de 60% l’année dernière. Le matériel, les machines et les voitures de luxe allemandes se vendent actuellement comme des petits pains en Chine. Mais les experts s’attendent à une baisse significative de l’économie chinoise à l’automne, et même les pronostiques les plus optimistes prévoient que la croissance allemande ne durera pas au delà de l’automne. La Bundesbank estime que l’économie globale continuera de progresser pendant le deuxième semestre mais seulement modérément. "Et de la même manière, la très forte croissance des exportations diminuera" conclut-il.

La croissance actuelle cependant n’a pas provoqué l’augmentation des salaires ni du nombre des emplois. Mais pendant ce temps, les profits des banques et des firmes augmentent encore plus vite que le chiffre d’affaires. De sorte que les 30 firmes du DAX tablent sur une croissance de leurs profits de 60% cette année pour atteindre 60 milliards d’euros.

Selon l’Agence Fédérale du Travail, le nombre des emplois chute mais cela provient de l’énorme expansion du secteur des bas salaires qui résulte des "réformes" Hartz du travail et de la couverture maladie qui forcent les personnes sans emploi à accepter des emplois mal payés parce qu’il leur est impossible de survivre avec les allocations de l’état. Aujourd’hui il y a 1,3 million de travailleurs à très bas salaires en Allemagne qui sont obligés de prendre des petits boulots pour compléter les allocations dérisoires de l’état. Il y a environ 5,3 millions de travailleurs à temps partiel.

Le résultat est un déclin général du niveau des salaires qui a contribué de manière significative à l’augmentation actuelle des exportations.

"L’Allemagne est le seul pays, parmi toutes les nations industrialisées, à avoir diminué autant les salaires" pouvait-on lire dans le quotidien Handersblatt le 27 juillet dernier. Le journal complimentait les syndicats qui avaient soutenu sans réserves la diminution des salaires ; "Grâce à la restriction des salaires les syndicats allemands ont permis à l’industrie allemande de gagner des parts du marché mondial toujours plus importantes".

Pour les firmes et leurs actionnaires, "la restriction des salaires" a été bénéfique selon Handelsblatt ; Les revenus des employés ont seulement augmenté de 11% dans les 10 dernières années, une goutte d’eau si l’on prend en considération l’inflation, pendant que les revenus des hommes d’affaire et des investisseurs augmentaient de 56%.

Cette tendance va se poursuivre. Les Syndicats vont maintenir fermement la politique "de restriction des salaires" à chaque reprise de l’activité comme ils l’ont fait pendant la récession. Les demandes d’augmentation qu’ils négocient actuellement ne compensent en aucune façon les pertes des années précédentes. Les syndicats n’hésitent pas à diviser délibérément la classe ouvrière.

Comme la force de l’industrie allemande de l’exportation repose sur la qualité des marchandises produites, et que les spécialistes nécessaires pour atteindre ce but sont rares, les salaires ne pourront être indéfiniment réduits dans ce secteur. Dans la secteur de la fabrication l’Allemagne a le troisième salaire horaire le plus élevé d’Europe : 63,60E (salaire brut plus coûts salariaux annexes) alors que le coût total de la main d’oeuvre en Allemagne est tombé à la huitième place derrière le Danemark, la Belgique, le Luxembourg, la France, l’Autriche, la Finlande et la Hollande.

Des secteurs entiers qui ne relèvent pas directement de la production (comme la sécurité, le nettoyage et d’autres services) sont sous-traités à des compagnies qui paient des bas salaires. Le monde des affaires fait face aux fluctuations de la production en employant des travailleurs temporaires ou sous contrat que l’on peut renvoyer quand on veut. En plus une partie de l’industrie alimentaire a été délocalisée en Europe de l’est où les salaires sont très inférieurs à ceux de l’Allemagne. Par exemple, une firme allemande paie l’heure de travail en moyenne 30,90E ; en république tchèque l’heure de travail est à 9,60E et seulement à 2,90E en Bulgarie.

En ce qui concerne les personnes employées à durée indéterminée, les syndicats se sont assurés que leur souplesse permettrait aux firmes de faire des économies. Pendant la crise, des travailleurs ont été obligés de prendre des congés pour compenser les heures supplémentaires qu’ils avaient accumulées les années précédentes. En même temps l’état compense le chômage partiel des entreprises à hauteur de 6 milliards d’euros pour que les entreprises puissent garder le noyau essentiel de leur force de travail sans coût additionnel important.

Les "restrictions de salaire" des syndicats ont contribuées à créer une profonde division sociale à travers l’Allemagne et l’Europe. En plus l’industrie allemande de l’exportation intensifie les tensions nationales en Europe et dans le monde entier.

Pendant que l’Allemagne conquiert de nouveaux marchés à l’exportation, les mesures d’austérité imposées à l’Europe du sud (largement sous la pression du gouvernement allemand) ont provoqué une profonde récession qui a pour conséquence de diviser encore davantage l’Union Européenne sur le plan économique.

A la différence des années précédentes, l’Allemagne n’a pas été capable d’augmenter son excédent de commerce extérieur aux dépens des autres membres de l’Eurozone où le revenu est légèrement en régression puisque les importations en provenance d’autres pays ont grimpé deux fois plus vite que les exportations à destination de ces pays. Les exportations allemandes à la Chine, au Brésil et à d’autres économies émergentes ont augmenté d’autant plus.

Cela inquiète Paris qui craint que l’économie allemande ne se dissocie complètement de celle de la France. Le quotidien le Monde s’est ému "des conséquence potentielles désastreuses" que cela engendrerait. Il a peur que la France, comme la Grèce ne doive payer un intérêt plus élevé pour la dette de l’état si l’Allemagne distance la France davantage. Le gouvernement français devrait alors prendre des mesures d’austérité plus dures que celles qu’il a déjà prises.

La dynamique des exportations allemandes met de nouveaux conflits avec la Chine et les USA à l’ordre du jour.

Le fait que la Chine dépende énormément des exportations est une cause d’inquiétude dans les cercles d’affaire allemands. D’abord ils craignent toujours que la baisse de la croissance de la Chine frappe durement l’économie allemande. L’industrie automobile allemande est devenue très dépendante de la Chine où VW vend plus de voitures qu’en Allemagne. Daimler doit le quart de sa récente augmentation de ventes au seul marché chinois.

Deuxièmement, Beijing est de plus en plus considéré comme un futur rival et concurrent. Dans sa dernière édition, der Speigel a consacré un long article à ce sujet. "La Chine est déjà en train de créer une industrie automobile et commence à construire des avions, des trains à grande vitesse, des moulins en acier et des usines chimiques qui peuvent entrer en compétition avec la couronne allemande sur le marché mondial", lit-on dans le magazine. Les produits allemands de grande qualité sont souvent importés ou construits en Chine dans le seul but de les copier et de les fabriquer en masse là -bas.

Les observateurs s’attendent aussi à un réaction des USA à l’offensive allemande pour des exportations.

Le 22 août, le Financial Times a indiqué que la crise financière avait détruit le fragile équilibre entre les pays en excédent et les pays en déficit. Au lieu de réduire leurs déficits commerciaux en diminuant leurs excédents, la Chine et l’Allemagne ont encore augmenté leurs excédents. "Dans les mois à venir, les USA devront choisir entre des barrières douanières ou l’augmentation du déficit commercial et l’augmentation du chômage " écrit le quotidien économique. "Ils choisiront sûrement la première solution".

En fait, la "miraculeuse croissance" allemande n’est finalement qu’un mécanisme qui aggrave toutes les contradictions et les conflits sociaux, économiques et internationaux qui ont provoqué la crise économique globale.

Peter Schwarz

WSWS, 26 août 2010

Pour consulter l’original : http://www.wsws.org/articles/2010/aug2010/germ-a26.shtml

traduction : D. Muselet pour le Grand Soir

URL de cet article 11337
   
Le cauchemar de Humboldt de Franz Schultheis
Bernard GENSANE
Bien qu’un peu long, ce compte-rendu rend à peine justice à la richesse de cet ouvrage indispensable à ceux qui veulent comprendre pourquoi, par exemple, la première contre-réforme imposée par Sarkozy fut celle des universités. On pourrait commencer par cette forte affirmation de 1991 de sir Douglas Hague, universitaire britannique de haut niveau, professeur de sciences économique, spécialiste du " marché de l’éducation " et, ô surprise, ancien conseiller de Madame Thatcher : (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Parfois sans le savoir, nous gagnons tous les jours. Ailleurs.

Viktor Dedaj

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.