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Le Che et l’internationalisme prolétarien

Y a-t-il aujourd’hui une question plus urgente que celle de la lutte anti-impérialiste compte tenu que, à l’heure où ces lignes sont écrites, l’hégémonie étasunienne est plus agressive que jamais ? Le capitalisme et l’impérialisme étasuniens ont besoin de la guerre pour accéder par exemple au pétrole de l’Orénoque et donner ainsi à leur économie une grosse bouffée d’oxygène. Et il est dans leur logique de faire la guerre à tous les peuples qui oseront porter atteinte à ses intérêts financiers. Pour ce faire, l’impérialisme ne lésine pas sur les moyens. Nous le constatons aujourd’hui entre autre avec le Venezuela.

L’’impérialisme en est arrivé à son stade suprême, l’exterminisme. Par exemple, tout être humain qui meurt de famine à cause de la « philosophie du pillage » (Fidel Castro) ou de l’exploitation de l’homme par l’homme est victime d’un assassinat perpétré par l’impérialisme. Il faut ajouter à ce lourd bilan tous ceux qui sont victimes de l’oppression de dictatures installées ou protégées par l’impérialisme. L’impérialisme pratique un déni d’existence à l’encontre des opprimés : plus les oligarchies étendent leur pouvoir et leur possession, plus les opprimés ont du mal à vivre, voire à survivre. L’impérialisme révèle ainsi son caractère fondamentalement nécrophile.

C’est un système mondial qu’il s’agit de combattre sur un plan mondial afin de le vaincre. C’est ici que prend tout son sens la notion d’internationalisme prolétarien. Ce qui unit les prolétaires de tous les pays est le fait de ne pas posséder les moyens de production et d’avoir, par conséquent, intérêt à se les approprier collectivement.

En ce qui concerne le Che, l’internationalisme s’oppose par essence à l’égoïsme national ou régional puisque cet égoïsme serait la transposition, sur le plan international, du principe individualiste qui caractérise la morale bourgeoise. Par conséquent, quand les cubains s’écrient : « Patria o muerte » (la patrie ou la mort), ils ne sont en rien xénophobes, mais revendiquent le droit de résister à l’ennemi impérialiste. Leur nationalisme est le moyen de leur internationalisme : il ne s’y oppose aucunement.

Il existe cependant effectivement des nationalismes s’apparentant au chauvinisme, des nationalismes d’exclusion, racistes et xénophobes. On peut penser ici à la « préférence française », chère au Front National (le Front National étant à l’origine un mouvement de résistance au nazisme, il s’agit bien d’une usurpation de nom). Par contre, le nationalisme des luttes de libération (M 26, FSLN, ELN de Colombie, EZLN, FARC-EP) ne sont absolument pas contraires à l’esprit de l’internationalisme prolétarien, puisque la libération d’un peuple est toujours une victoire contre l’impérialisme, et a de fait une portée universelle. Ces luttes peuvent donc s’inscrire dans une stratégie révolutionnaire mondiale telle que la pensait le Che, sans aucun chauvinisme ni souci de servir les intérêts politiques d’une quelconque nation.

Les inconditionnels de la paix, qui refusent par principe toute guerre, quelle qu’elle soit, pourront objecter que ces luttes sont violentes. A ceux-là, on pourrait demander s’il faut traiter de la même façon des guerres impérialistes et des guerres de libération. Les Palestiniens, dans la lutte de libération qu’ils mènent contre Israël pour faire reconnaître le droit de leur peuple à un territoire, sont les agressés et n’ont pas – et de loin – des moyens de faire la guerre comparables à ceux de leurs adversaires.

Les mouvements de résistance qui s’élèvent contre l’impérialisme, ces « nouveaux drapeaux de la liberté [qui] se lèvent », comme le disait le Che, au Venezuela, en Bolivie, ont tous besoin de notre solidarité politique effective.

Cela doit nous faire comprendre que nous devons œuvrer en vue d’un véritable internationalisme prolétarien radicalement anti-impérialiste. C’est paradoxalement sur le terrain de la lutte des classes dans chaque pays que doit être mené le combat contre la guerre et l’impérialisme C’est pourquoi le Che invitait chaque peuple à lutter sur son propre territoire.

L’impérialisme constituant un stade particulier, le stade suprême, du capitalisme, et en même temps un système mondial cohérent et de plus en plus unifié, l’anti-impérialisme ne saurait être qu’une opposition globale à ce système dans son essence : c’est ainsi que le Che l’avait compris. Dans la pratique, les choses n’en sont pas là. Tout d’abord, la contestation, quand elle est simplement diffuse ou fragmentaire, n’analyse l’impérialisme ni dans son essence ni en tant que système, mais le dénonce comme une injustice et un obstacle au développement des pays du tiers monde, ce qu’il est aussi, du reste. Ce faisant, il ne s’attache pas à extirper les racines du mal et n’est pas conséquent. Il cherche à en limiter les effets ou les manifestations les plus insupportables. Par exemple, la Conférence de Bandung de 1955 réunit des gouvernants d’une trentaine de pays asiatiques et africains pour condamner le racisme et le colonialisme, mais acceptent la collaboration avec les états impérialistes coupables de ces méfaits. Il en va de même quand certains états du tiers monde vitupèrent contre l’impérialisme mais font appel aux investissements du capital monopoliste et laissent se constituer chez eux une bourgeoisie qui finit par maîtriser totalement l’économie du pays. Ainsi, ils s’interdisent d’extirper chez eux les racines du capitalisme, lui-même générateur d’impérialisme, et contribuent de fait à renforcer ce impérialisme conséquent, fondé sur une analyse à la fois théorique et concrète du système, et qui s’est exprimé par exemple lors de la conférence Tricontinentale dont Mehdi Ben Barka et le Che étaient les principaux protagonistes. Cette conférence a réuni en 1966 à la Havane, non pas des gouvernants des pays du tiers monde, mais des mandataires d’organisations politiques porteuses d’un courant authentiquement anti-impérialiste. Elle résolut d’extirper tout vestige de domination économique impérialiste et se dota d’une institution susceptible de mettre en œuvre cette résolution, l’OSPAAAL, qui permit effectivement d’aider des peuples à se libérer. Cette forme d’anti-impérialisme s’était définie comme explicitement anti-capitaliste, ce qui signifie qu’il préconisait la voie du socialisme pour effacer jusque dans la mentalité humaine tout vestige de l’ancien système. Le principe étant qu’on ne peut lutter contre un système en utilisant les armes de ce système. C’est ainsi que l’OSPAAAL aida le Chili à se libérer, puis le Nicaragua, jusqu’à ce que les interventions yankees fissent échouer leur expérience respective. La création de l’OSPAAAL se fit sur une conception très claire de la lutte, à savoir qu’il n’est pas de compromis possible entre l’impérialisme et l’anti-impérialisme, qu’il s’agit-là d’un antagonisme irréconciliable. Il est possible de rassembler largement sur le terrain de la lutte des classes, c’est-à-dire précisément de lutter contre l’impérialisme là où on se trouve. Il est essentiel de savoir créer, d’être inventif et d’assumer ce qu’exige la situation ici et maintenant, avec l’optimisme du Che :

« Il appartient à tous les révolutionnaires de faire avancer la révolution. Nous sommes certains que, sur notre continent comme dans le reste du monde, notre victoire ne peut plus tarder. Mais ce n’est pas une raison pour que les révolutionnaires puissent se permettre d’attendre, adossés au mur sur le seuil de leur maison, que défilent les restes de l’impérialisme. "

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Préface, Dominique Vidal - Texte, Leïla Khaled Rogério Ferrari n’est pas un reporter-photographe. Il ne scrute pas, ne témoigne pas, n’écrit pas d’images. Il s’emploie à rendre au plus grand nombre ce qu’il a reçu en partage : l’humanité tenace de celles et ceux à qui elle est déniée. Existences-Résistances est un alcool fort, dont l’alambic n’a pas de secret ; il lui a suffit de vivre avec celles et ceux qui en composent le bouquet. Au bout de ces images, point d’ivresse. Mais un (…)
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