Dans les années 80, Margaret Thatcher, mère spirituelle du banquier éborgneur, avait modifié 14 fois les méthodes de comptage des chômeurs. Son émule s’en inspire. Les statistiques sur le chômage proviennent de Pôle Emploi. Elle sont plutôt fiables. Mais si les indemnités sont de plus en plus difficile à toucher, le nombre de chômeurs diminuent, sans parler de ceux qui perdent leur statut de chômeur. Selon l’UNEDIC (Le Monde du 6 juillet 2019) plus d’un million de personnes pourraient être dans ce cas. Et on jettera un voile pudique sur le déclassement des travailleurs ou sur l’obligation d’accepter des emplois à mi-temps.
Dans la société du banquier éborgneur, les victimes sont responsables de leur malheur. Les chômeurs ne savent pas s’adapter au manque de créations d’emplois. De même, les consommateurs sont responsables du réchauffement climatique car ils ne trient pas suffisamment bien leurs poubelles. Qu’il y ait des dizaines de millions de camions 36 tonnes sur toutes les routes du monde est une peccadille. Qu’en France on consomme en février des haricots verts du Kénya lavés en Bulgarie et conditionnés en Allemagne répond à une vraie logique systémique.
Le plus troublant dans cette affaire, c’est que l’INSEE ne donne pas les mêmes statistiques que Pôle Emploi. Le fait que son directeur soit sarkozyste et que la CFDT apprécie la rigueur de ce haut fonctionnaire ne devrait en aucun cas biaiser notre jugement. Bref, le banquier éborgneur adore les analyses de l’INSEE qui démontrent que, contrairement à celles de Pôle Emploi, le chômage recule, donc que la politique mise en place doit être continuée et renforcée. Comme dans la grande distribution (Conforama, Carrefour et autres) ou encore les industries de pointe (General Electric) où on licencie à tour de bras. Ce qui crée de l’emploi, naturellement.
Une des techniques de bidouillage de l’INSEE consiste à dire que de nombreux chômeurs inscrits à Pôle Emploi sont des faux chômeurs. Vous savez, ces miséreux qui vivent aux crochets de la société… Est-ce que ces parasites sont responsables du fait que la croissance en France est actuellement poussive (entre 1,3 et 1,7% selon les sources) et qu’il faut au moins entre 2,5 à 3% de croissance pour résorber le chômage ?
Il y a en France de très nombreuses personnes durablement inemployables : des immigrés qui arrivent sans qualification, mais aussi des Français « de souche » qui ont été déscolarisés trop vite. Cette masse de jeunes Français qui ont décroché du système scolaire et ne peuvent se raccrocher à un quelconque emploi a doublé de volume en une génération. La robotisation tue des emplois peu qualifiés. Les emplois détruits n’induisent pas forcément, bien au contraire, une réorientation des travailleurs licenciés vers d’autres domaines d’activité. Et puis il faut prendre en compte une certaine logique de la productivité qui vise non pas à la création d’emplois mais à réduire les coûts du travail et la destruction d’emplois.
Le gouvernement du banquier éborgneur a par ailleurs décidé de durcir les conditions d’accès aux indemnités en allongeant la durée des cotisations et en abaissant les indemnités pour les plus hauts salaires. Il faudra avoir travaillé 6 mois durant les 24 derniers mois et non plus 4 mois durant les derniers 28 mois pour toucher des allocations. Pour justifier cette entourloupe, la ministre Pénicaud a osé prétendre que « si on ne fait pas des économies maintenant, dans dix ans on n’aura plus de quoi indemniser les chômeurs. » Autrement dit, les chômeurs d’aujourd’hui, qui risquent d’être pour beaucoup les chômeurs de demain, ne doivent plus être correctement indemnisés. Bizarrement, l’UNEDIC ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, si les règles demeurent les mêmes, l’assurance chômage sera à l’équilibre en 2020 et excédentaire d’un milliard d’euros en 2021.
Mais l’objectif du caudillisme financier est de rabaisser, d’humilier, de pousser au bord du précipice des millions de gens. De les tailler jusqu’à l’os. C’est largement commencé.