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Le 8 mai à Sétif ou le trou noir des commémorations françaises

21 mai 2014

Des cérémonies-souvenir à fonction interne

Le 8 mai 1945, l’armée française mitraille à Sétif, un manifestant porteur d’un drapeau algérien et poursuivra sa répression durant deux mois. Le résultat se situe entre 30 000 et 45 000 victimes ! C’était il y a 60 ans.

Ce 8 mai 2014 en France, comme lors de tous les autres "8 mai" depuis 1945, on aura entendu les discours convenus des uns et des autres sur la signature de l’armistice, sur l’instauration de la paix consécutive à la capitulation de l’Allemagne Nazie, sur la paix qui dure...

A propos de Sétif ? Non. Toujours rien.

Par ailleurs, la France immergée les élections européennes, nombreux ont été ceux qui, contres les "eurosceptiques", ont sauté sur cette commémoration pour saluer la sixième décennie de paix en Europe.

A cette occasion, Jean François Copé (1 )s’emballant, assène : "certains aujourd’hui, voudrait nous faire revenir en arrière, nous faire sortir de l’Europe et de l’Euro et revenir au France...et pourquoi pas aux sesterces ?" faisant ainsi écho au président François Hollande lui-même qui, fustigeant les mêmes, affirmait de son côté que : "sortir de l’union européenne serait sortir de l’histoire" L’histoire, l’histoire...Mais qu’ont-ils donc, ces dirigeants politiques français à toujours convoquer l’Histoire aux rendez-vous de leurs argumentaires particuliers ?

Coutumiers du fait ? Sans aucun doute. Qu’on se souvienne. C’est sous la présidence de Jacques Chirac qu’a été soumise au parlement et votée, une loi dont l’intitulé portait en lui seul tout son programme : " Loi française du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés". Cette loi, même si un alinéa particulièrement honteux fut jugé inconstitutionnel et finalement retiré (2), a finalement consacré l’idée que la colonisation avait beaucoup apporté aux populations qui en avaient été victimes et que "les manuels scolaires reconnaitraient le rôle positif de la colonisation française".

Dans cette lamentable affaire, seul Dominique De Villepin, premier ministre d’alors, se sera intelligemment démarqué en déclarant que : " ce n’est pas aux politiques, ce n’est pas au Parlement d’écrire l’Histoire ou de dire la mémoire. C’est la règle à laquelle nous devons être fidèles. (...) Il n’y a pas d’histoire officielle en France". Et pourtant...

On se souviendra aussi de l’inénarrable Sarkozy en Afrique, ânonnant un discours écrit par son scribe de l’époque (3) et assénant, du haut d’une chaire de l’université Cheik Anta Diop de Dakar, à un parterre d’universitaires sénégalais estomaqués que : "l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire..." (4)

En marge de cette instrumentalisation absurde c’est encore Michèle Alliot-Marie qui tient la corde. Toujours à propos du débat parlementaire sur "l’aspect positif de la colonisation" elle ira, en cours de session, jusqu’à déposer un projet de loi signifiant rien moins que : " la reconnaissance de l’oeuvre positive de nos compatriotes sur ces territoires est un devoir pour l’Etat français". La découverte ultérieure de ses liens, "très resserrés", avec la famille Ben Ali en disent désormais beaucoup plus long sur sa pensée...

Sétif, symbole de "l’oeuvre positive" du colonialisme français

En ce moi de mai 1945, à Sétif comme partout dans l’empire, le sentiment qui domine est le refus légitime de la présence étrangère et de la colonisation. En Algérie, circulait déjà en février 1943, un Manifeste du Peuple Algérien, rédigé par Ferhat Abbas, réclamant une "Constitution égalitaire entre race et religion pour le peuple algérien." Exigence complétée au mois de juin suivant par un additif réclamant cette fois, la création d’un Etat algérien dès la fin de la guerre.

Le 8 mai 1945, la revendication d’indépendance plus actuelle que jamais, l’AML (amis de la liberté) de Ferhat Abbas, conjointement avec le PPA (parti populaire algérien) interdit depuis 1939 et dont le leader Messali Hadj est emprisonné, organisent une manifestation. environ 10 000 personnes répondent à l’appel et manifestent dans les rues de la ville. La manifestation est tolérée "à l’exception de slogans anti-coloniaux". Des banderoles apparaissent pourtant où est inscrit "Vive l’Algérie indépendante !", puis un drapeau algérien, totalement interdit, est soudainement brandi par un manifestant aussitôt mitraillé par les militaires français. L’indignation est immense et de Sétif à Guelma, Kherrata, Bejaïa...c’est un véritable soulèvement qui se fait jour. Dans les troubles, des colons européens seront tués.

La réaction de l’État français sera d’une indicible férocité. Le gouvernement, d’Union Nationale, présidé par le général De gaulle enverra l’armée dans de véritables opérations de guerre : un acheminement massif de renforts terrestres, les croiseurs de la marine qui pilonnent les villes côtières, 28 avions de combat bombardent qui bombardent les villages et les villes de Guelma, Djillelli, Kherrata... détruisant pas moins de 44 villages. L’état des villes algériennes martyrisées est ainsi comparable à celui des villes bombardées sur le continent européens peu de temps auparavant : centre-villes dévastés, quartiers rasés, spécialement les quartiers populaires, littéralement réduits en cendres.

Lire la suite de l’article ici.

1/ Jean François Copé, premier secrétaire de l’UMP. France Inter mardi 20 mai 2014

2/ Alinéa 2 de l’article 4

3/ Henri Guaino, conseiller spécial du président Sarkozy

4/ Nicolas Sarkozy 26 juillet 2007, Université Cheik Anta Diop, Dakar.

Integralité du "discours de Dakar" sur : www.lemonde.fr/afrique

»» http://lautreafrique.info/2014/05/2...
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