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La reculade d’Obama sur la contraception et la séparation de l’Eglise et de l’Etat

La semaine dernière, le gouvernement Obama a annoncé les directives définitives relatives à la couverture des méthodes de contraception par les contrats d’assurance-santé des organisations ayant un engagement religieux, accordant une grande marge de manoeuvre à ce genre d’organisations pour qu’elles puissent refuser cette couverture aux travailleurs.

Ce qui est en question, c’est l’exigence qui figurait dans la réforme de la santé proposée en 2010 par Obama selon laquelle les assurances-santé des employeurs devaient garantir l’accès à la contraception ainsi qu’un certain nombre de services médicaux préventifs sans augmentation des coûts. La droite religieuse s’y est opposée, insistant pour que tous les employeurs qui étaient opposés à la contraception pour des raisons religieuses devraient en être exemptés - y compris les hôpitaux et les universités qui emploient des centaines ou des milliers de personnes.

La proposition finale du gouvernement accorde aux groupes religieux pour l’essentiel ce qu’ils demandaient en appliquant une définition extrêmement large de ce qu’est une organisation religieuse. Toute entité à but non lucratif qui se déclare opposée à la fourniture d’une couverture de la contraception pourra bénéficier de cette exemption.

Pour tenter de dissimuler sa capitulation, le gouvernement est en train d’établir une procédure alambiquée par laquelle les travailleurs de ces institutions pourront obtenir une couverture personnelle sans coût supplémentaire de la part d’assureurs privés. Mais les organisations religieuses ne seront même pas dans l’obligation d’informer leurs salariés de l’existence de cette possibilité.

Cette dernière capitulation du gouvernement met encore plus en péril l’accès des familles de la classe ouvrière aux services de soins. Mais cela a des implications encore plus profondes en ce qui concerne le principe constitutionnel fondamental de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

La contraception est depuis longtemps tout à fait légale aux États-Unis. La doctrine religieuse constitue donc la seule base de la décision du gouvernement. En d’autres termes, la capitulation du gouvernement Obama facilite l’application directe des doctrines religieuses par le biais de politiques publiques - précisément ce que la constitution américaine interdit.

La marche arrière d’Obama est une réponse à une campagne concertée de la part de groupes religieux disposant de grands moyens financiers et visant à qualifier de « guerre contre la religion » et d’entrave à la « liberté religieuse »le fait d’accorder aux femmes des moyens de contrôler les naissances . Dans ces arguments, les droits démocratiques sont inversés : le droit des travailleurs à la santé doit s’effacer devant le "droit" des employeurs à imposer une doctrine religieuse à leurs employés, et celui des organisations religieuses à dicter la politique du gouvernement.

Le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat a tenu une place vitale dans les fondements politiques des États-Unis, ce qui se retrouve dans la première ligne du premier amendement. Les dix premiers mots de ce Bill of Rights sont : « le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion. »

Ce principe s’appuie sur les principes de laïcité des Lumières et sur les expériences de la bourgeoisie dans sa période révolutionnaire. Les révolutionnaires américains comprenaient que la religion servait depuis longtemps à bénir la suppression des mouvements populaires, la poursuite des guerres, la défense des privilèges de l’aristocratie et l’opposition à la science et au progrès. Dans ces conditions, séparer la religion de l’Etat était considéré comme nécessaire pour ouvrir la voie à la démocratie, à la raison et au progrès.

Thomas Jefferson, dans une réponse à la pétition d’un groupe religieux, avait vanté le « mur de séparation entre l’Église & l’État » construit par le Premier amendement. James Madison est connu pour s’être opposé à ce que l’on dépense « trois pennies » de fonds publics pour la religion.

Même à une date avancée dans le 20ème siècle, de telles conceptions pouvaient encore trouver des défenseurs au sein du monde politique officiel. John F. Kennedy, alors candidat à la présidence, déclara en 1960 dans un discours resté célèbre, « Je crois en une Amérique où la séparation de l’Eglise et de l’Etat est absolue, où aucun prélat catholique ne dirait au président (s’il était catholique) comment agir, et où aucun pasteur protestant ne dirait à ses paroissiens pour qui voter ; où aucune église ni aucune école confessionnelle ne recevrait aucun fonds public ni aucune préférence politique ; et où personne ne se verrait refuser un poste dans l’administration simplement parce que sa religion ne serait pas celle du président qui pourrait le nommer ou des gens qui pourraient l’élire. » Il est révélateur qu’aucun politicien américain aujourd’hui, démocrate comme républicain, ne puisse faire de déclaration de ce genre sans être mis politiquement à l’écart. Quand il a annoncé pour la première fois son intention de capituler devant les demandes des organisations religieuses au début de l’année derrière, Obama a déclaré qu’il agissait « en tant que citoyen et que chrétien ».

De nos jours, le « mur de séparation » de Jefferson est en ruine comme le reste de la démocratie bourgeoise. La doctrine religieuse a été infiltrée dans les cours de science des écoles publiques sous la forme du « dessein intelligent », les écoles religieuses sont financées par des chèques du gouvernement, les organisations religieuses bénéficient d’exonérations fiscales et de privilèges spéciaux, les organisations caritatives « confessionnelles » reçoivent des subventions substantielles de la part du gouvernement, et les tribunaux refusent d’interdire de planter des croix sur le domaine public.

Les atteintes à la séparation de l’Eglise et de l’Etat vont de pair avec l’érosion des institutions démocratiques sur toute la ligne, processus qui est inextricablement lié à la croissance extrême des inégalités sociales. En une violation claire des garanties constitutionnelles fondamentales, le gouvernement Obama s’arroge maintenant le droit d’emprisonner, torturer et assassiner des citoyens américains sans aucune forme de contrôle judiciaire.

La reculade d’Obama démasque une fois de plus ceux qui ont tenté de dissimuler la trajectoire droitière du libéralisme politique américain en glorifiant Obama comme une sorte de croisé progressiste pour les « droits des femmes ». Voilà l’impasse sans espoir dans laquelle a mené le fait de considérer les choses d’après des catégories dépendant de l’identité, du genre et du style de vie au détriment des questions de classes.

Tom Carter

Article original, WSWS, paru le 6 février 2013

Source : http://www.wsws.org/fr/articles/2013/fev2013/pers-f09.shtml

URL de cet article 19333
   
Roger Faligot. La rose et l’edelweiss. Ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945. Paris : La Découverte, 2009.
Bernard GENSANE
Les guerres exacerbent, révèlent. La Deuxième Guerre mondiale fut, à bien des égards, un ensemble de guerres civiles. Les guerres civiles exacerbent et révèlent atrocement. Ceux qui militent, qui défendent des causes, tombent toujours du côté où ils penchent. Ainsi, le 11 novembre 1940, des lycées parisiens font le coup de poing avec des jeunes fascistes et saccagent les locaux de leur mouvement, Jeune Front et la Garde française. Quelques mois plus tôt, les nervis de Jeune Front avaient (…)
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C’est un paradoxe que la nation qui a tant fait pour intégrer les droits de l’homme dans ses documents fondateurs se soit toujours opposé à la mise en place d’un cadre international pour protéger ces mêmes principes et valeurs.

Amnesty International - "United States of America - Rights for All" Oct. 1998

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